Sous le feuillage des arbres géants du Japon

À la rencontre des géants de la forêt automnale

Culture

Grâce à sa variété considérable d’essence d’arbres à feuilles caduques, la forêt automnale du Japon peut se vanter d’être l’une des plus belle du monde. Cependant, parmi les espèces d’arbres géants, celles qui prennent de jolies couleurs ne sont pas si nombreuses.

Les géants colorés

On dit souvent que les couleurs d'automne du Japon sont les plus belles du monde. La raison en est l’extraordinaire richesse des essences de feuillus dans l’Archipel. Le roi des feuilles rouges de l’automne, c’est bien entendu l’érable momiji, bien connu pour colorer la nature automnale de ses magnifiques couleurs rouges, au point que son nom en kanji s’écrit littéralement « feuilles rouges ». Non seulement les monts et les vallées s’en trouvent magnifiés, mais aussi les temples et les vieilles demeures traditionnelles trouvent grâce à lui leur exquise harmonie. Néanmoins, puisque nous parlons d’arbres géants, le momiji devient rarement très grand.

Les plus grands arbres à feuilles colorées du Japon sont essentiellement le ginkgo, le zelkova et le cerisier. Le Gingko en particulier donne une magnifique couleur. Les feuilles jaunes du katsura (Cercidiphyllum japonicum) sont également splendides, mais les grands arbres de cette espèce sont plus difficiles à admirer, car essentiellement localisés dans des endroits très retirés, difficiles d’accès. Le gingko, se trouve souvent planté dans les villages ou en bordures des routes. C’est lui aussi un arbre sacré mais avec lequel la plupart des Japonais se sentent en familiarité.

Plus on avance dans la saison, plus les allées bordées de gingko à proximité des centres-villes, telles l’avenue Midôsuji à Osaka ou le parc Jingû Gaien à Tokyo voient se réunir de grandes foules d’admirateurs. Les feuilles jaunes de gingko virevoltant et dansant devant la vue d’un sanctuaire, un parc, une artère urbaine, sont synonymes de sentiment profond de communion avec l’automne pour les Japonais.

L’érable du temple Saizenji (Saitama)

Espèce : érable micranthum (Acer micranthum Sieb. et Zucc.) ou érable palmé
Localisation : Yokoze 598, Yokoze-machi, Chichibu-shi, Saitama-ken 368-0072
Circonférence : 3,8 m, hauteur : 7,2 m, âge : 600 ans
Patrimoine naturel de la préfecture de Saitama
Taille ★★★
Vigueur  ★★★★
Forme  ★★★★★
Branchage ★★★★★
Majesté  ★★★★

Le Saizenji est un temple visité par de nombreux pèlerins du fait qu’il est le n°8 du pèlerinage des 34 temples de la région de Chichibu dédiés au boddhisattva Kannon. Le pavillon principal, dédié à Amida, est également appelé bokefûji, littéralement « vous empêche de devenir gâteux », et est réputé depuis les temps anciens pour favoriser la longévité.

Le site est également renommé pour un érable, kominekaede. C’est un arbre de toute beauté qui attire les visiteurs tout au long des quatre saisons de l’année, c’est ce qui fait son charme principal. Ses branches s’étirent sur 18,9 mètres du nord au sud, 20,6 mètres d’est en ouest. Son houppier (la couronne de l’arbre) couvre un champ énorme de 56,3 mètres de circonférence, ce qui en fait l’un des plus gros érables de tout le pays.

La dernière fois, nous vous avions présenté le kominekaede recouvert de velours vert (voir article). Il va sans dire que le kominekaede est superbe au printemps quand il est couvert de ses feuilles nouvelles vert tendre. Mais le ton plus foncé qu’il prend vers la saison des pluies, quand la mousse couvre ses branches et s’humidifie n’est pas moins beau. La mousse pousse jusque sur son tronc, et ce tapis vert forme une vision très mystérieuse et absolument remarquable. Ensuite, au plus profond de l’automne, vers le mois de novembre, quand ses feuilles tournent au rouge, c’est évidemment là qu’il est le plus superbe. Certaines feuilles prennent un ton jaune, ce qui crée une époustouflante gradation au milieu du rouge. Enfin, en hiver, la région de Chichibu connaît parfois d’abondantes chutes de neige, qui offrent l’occasion de voir l’arbre géant entièrement recouvert de son manteau blanc. À quelque saison qu’on le regarde, on ne s’en lasse jamais, ce qui lui vaut la réputation de l’un des momiji les plus réputés de la région Kantô. Les années moyenne, la saison des feuilles rouges court de mi-novembre à début décembre. De nombreux visiteurs viennent à cette période pour admirer la prise de profondeur graduelle de son rouge.

Le Saizenji abrite également à l’intérieur de son enceinte, en plus du kominekaede, des pivoines qui fleurissent au début de l’été, et des osmanthus, à venir admirer au début de l’automne quand ils sont en pleine floraison. La rose de Sharon et la myrte de crêpe sont également admirables et font du Saizenji le « temple des fleurs », toujours classé n°1 des temples de la préfecture de Saitama parmi les cent temples les plus fleuris de l’est du Japon. C’est vraiment un temple dont on peut recommander la visite tout au long de l’année.

Le hêtre « Dieu de la forêt » (Aomori)

Espèce : hêtre du Japon (Fagus crenata)
Localisation : Okuse, Towada-shi, Aomori-ken 034-0301
Circonférence : 6,01 m, hauteur : 29 m, âge : 400 ans
Taille ★★★★
Vigueur  ★★★★★
Forme  ★★★★★
Branchage ★★★★
Majesté  ★★★★

C’est seulement en 2007 que ce hêtre géant a été identifié. En général, quand on parle d’un hêtre géant dans la préfecture d’Aomori, on pense immédiatement au Shirakami-Sanchi, le site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais cet arbre, jusque là non répertorié, a été trouvé au milieu de la forêt à proximité du ruisseau Oirase, sur la commune de Towada, sur la côte Pacifique. Quand un ami m’a proposé d’aller vérifier cet arbre, j’ai d’abord douté qu’il fût réellement de dimensions exceptionnelles. En effet, son fut est droit et élevé, sa silhouette élancée, il ne paraît pas si énorme que ça vu de loin. Mais ses mensurations effectives font ouvrir de grands yeux : ses plus de 6 mètres de circonférence au pied en font le plus gros hêtre solitaire de tout le Japon.

Je me suis rendu à la saison des feuilles d’automne. Son apparence divine dans la lumière du matin confirmait tout à fait son surnom de « Dieu de la forêt ». Très mystérieusement, aucun autre hêtre ne pousse à proximité. L’exploitation forestière dans ce secteur a éliminé tous les hêtres, et seul le Dieu de la forêt semble en avoir réchappé. Devant sa figure altière, solitaire, courageuse, je voulais l’appeler « le hêtre qui vit au-dessus des affaires du monde ».

Le tronc du Dieu de la forêt se subdivise tout d’abord en trois branches principales. Le nombre « trois » a toujours été un nombre sacré au Japon. C’est ainsi qu’il y a « trois trésors sacrés ». Il est fort probable que l’idée qu’un Dieu habitait cet arbre divisé en trois, comme un refus de la hache, parmi les bûcherons de la région, l’a fait échappé à l’abattage. Ce sont plusieurs chances comme celle-ci qui lui ont valu de rester debout au cours des siècles. D’ailleurs, la chance elle-même est un signe des Dieux. C’est pour ainsi dire un miracle de voir un arbre aussi énorme d’une forme aussi parfaite, sans aucune trace de branche cassée ou de trou. Récemment, une zone limite et une pancarte explicative le protègent, car nul doute qu’il devienne très vite une attraction touristique importante pour Towada. Cependant, peu de temps après l’installation de cette pancarte, celle-ci a été griffée par un ours. Si vous lui rendez visite, notez bien qu’il se trouve sur le territoire des ours.

Le gingko « Kubikake Ichô » (Tokyo)

Espèce : ginkgo (ginkgo biloba)
Localisation : 1-6, Hibiya Kôen, Chiyoda-ku, Tokyo 100-0012
Circonférence : 6,5 m, hauteur : 20 m, âge : inconnu
Taille ★★★
Vigueur  ★★★★
Forme  ★★★★★
Branchage ★★★★
Majesté  ★★★

Chiyoda-ku est l’arrondissement situé au cœur de Tokyo. Et pourtant, ici aussi se dresse un arbre géant. À courte distance de la station de métro de Hibiya, au niveau de la limite entre le parc de Hibiya et le jardin extérieur du palais impérial, le Kôkyo Gaien. Pris en sandwich entre le quartier des ministères et celui des affaires, il est bien connu des employés du quartier qui viennent le voir pour se délasser. Comme l’indiquent les plans du parc, l’un des plus grands gingko de Tokyo se trouve au centre du parc, juste devant le Matsumoto-rô, un très ancien restaurant. Le gingko en est devenu le symbole. Il suffit de prendre une table en terrasse pour manger en admirant le sublime gingko, pour un moment de pur luxe de beauté.

Le Kubikake Ichô est actuellement sous les feux de la rampe, car considéré comme l’un des « lieux spirituels » mis en valeur par le boum sur ce qui touche au spirituel. C’est ainsi que de nombreuses femmes viennent faire un vœu devant le gingko, ce qui a fait encore monter sa popularité. Autrefois, vers 1901, ce gingko, alors situé au carrefour de Hibiya, devait être abattu pour permettre l’élargissement des voies. Mais M. Honda Seiroku, botaniste créateur du parc de Hibiya, refusant qu’il soit abattu, l’a transplanté, pariant sa tête que l’arbre survivrait. Replanté 450 mètres plus loin, la transplantation fut un succès extraordinaire. Un siècle plus tard, il est toujours aussi splendide et son fut a encore grossi, malgré les vibrations de la villes et les gaz d’échappement. C’est de là que lui vient son nom Kubikake Ichô, littéralement « Le gingko “J’en fais le parie sur ma tête” », qui lui vaut aujourd’hui d’être réputé réaliser ses vœux formulés avec une sincérité absolue. Bien que contraint à changer d’environnement à cause de l’égoïsme des hommes, les humains l’adorent. Étrange destin…

(D’après un article en japonais du 22 octobre 2016. Texte et photos : Takahashi Hiroshi)

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