Les athlètes paralympiques : des hommes et des femmes exemplaires

Kaneki Emi, figure de proue du volley-ball assis

Société Tokyo 2020

C’est après une grave maladie osseuse à 18 ans qui la laisse paralysée de la jambe gauche que Kaneki Emi a découvert le volley-ball assis. La championne est enthousiaste à l’idée de montrer ce que l’équipe japonaise sait faire à l’occasion des Jeux paralympiques de Tokyo, face aux États-Unis et à la Chine, les deux nations qui dominent le sport.

Kaneki Emi KANEKI Emi

Née à Kobe en 1982. Paralysée de la jambe gauche depuis l’âge de 18 ans. Commence à pratiquer le volley-ball assis à 19 ans. Première sélection en équipe nationale en 2003. Participe aux Jeux paralympiques de Beijing 2008 et Londres 2012. Médaillée de bronze en 2014 en Corée, aux Jeux handisport d’Asie.

Une précieuse expérience acquise aux Jeux paralympiques

Le volley-ball assis est un handisport qui se joue avec le haut du corps, les fesses devant être en permanence en contact avec le sol. Les règles de base sont semblables au volley-ball traditionnel (une équipe de 6 joueurs, en 3 sets de 25 points), à la seule différence qu’il se joue assis, et que la hauteur du filet et les dimensions du terrain sont réduites.

Kaneki Emi est actuellement la pièce maîtresse de l’équipe féminine nationale du Japon, avec deux participations aux Jeux paralympiques de Beijing 2008 et Londres 2012. Et cela, tout en menant une carrière d’employée marketing d’une grande société de courtage financier, et en élevant un fils actuellement en 3e année d’école primaire.

Son premier contact avec le volley-ball assis date de sa 19e année, à l’occasion d’une visite du centre handisport de la ville de Kobe, sur une recommandation d’un coach. Elle avait eu l’occasion de pratiquer le volley classique quand elle était collégienne, avant sa maladie. Elle fut rapidement sélectionnée dans l’équipe nationale, mais celle-ci fut éliminée lors du dernier tour de qualification des Jeux paralympiques d’Athènes en 2004.

Décoller les fesses du sol lors d’un service, d’un contre ou d’une attaque et sanctionné comme une faute. Kaneki (à gauche sur la photo), pendant une phase d’attaque, lors du tournoi des World Super 6, en 2017 (photo avec l’aimable autorisation de Nomura Securities )

« Jusque-là, je pratiquais le sport dans la cadre de la rééducation après ma maladie, je n’avais absolument pas les Jeux paralympiques en tête. Mais notre élimination en dernière phase de qualification a allumé la flamme en moi ! C’était à notre portée si nous y mettons tout notre cœur. »

Quatre ans plus tard, l’équipe se qualifiait pour les Jeux paralympiques de Beijing, et Kaneki était nommée capitaine de l’équipe féminine nationale. Malheureusement, le tournoi se termina sans aucune victoire.

« Ce résultat n’était pas étonnant, quand on pense que l’équipe s’est jetée dans la compétition en n’ayant quasiment pas eu l’occasion d’effectuer de stage d’entrainement. Moi-même, j’étais très inexpérimentée comme capitaine. »

L’expérience de Beijing a néanmoins produit un grand changement sur Kaneki. La joueuse s’est rendu compte que l’atmosphère qui régnait aux Jeux paralympiques était très différente de celle des Championnats d’Asie auxquels elle avait participé jusque-là : le stade rempli, pavoisé de toutes les couleurs, les supporters dans les tribunes qui encouragent l’équipe de la voix… L’énergie environnante était tellement intense qu’elle avait peur d’être avalée par elle. Mais d’un autre côté, cela lui a fait ressentir une nouvelle hargne de vaincre, comme capitaine de l’équipe nationale, une source de fierté et de responsabilité.

« Je ne peux pas encore dire ce qu’il y a de bien dans ma vie, mais ce qui est sûr, c’est que si je n’avais pas été handicapée, je n’aurais jamais eu l’expérience des Jeux paralympiques. »

Les joueurs de base-ball des Yomiuri Giants s’essaient au volley-ball assis, dans le cadre de leurs activités de contribution sociale. C’est Kaneki qui les a coachés. « Si on m’avait dit que nous entraînerions des stars un jour, nous ! » (© Yomiuri Giants)

Au travail, la journée se passe généralement devant l’ordinateur (photo publiée avec l’autorisation de Nomura Securities)

Pas question de pleurnicher !

Elle avait 18 ans. Elle avait toujours été bonne en calcul et rêvait de travailler dans une banque. Elle avait choisi de s’orienter vers des études commerciales au lycée. Elle avait obtenu une promesse d’embauche dans une banque de sa ville à la fin de ses études, et était très motivée d’entrer dans la vie active. Quand soudain, une semaine à peine après avoir commencé de travailler, elle ressentit une violente douleur dans la cuisse gauche. Un ostéosarcome fut diagnostiqué. Hospitalisation immédiate…

« La première chose que j’ai demandé au docteur, c’est : “je ne pourrai plus aller au travail ?” Pour moi, le fait de ne plus pouvoir travailler à la banque était plus important que la gravité de ma maladie. »

La situation a empiré rapidement. L’ostéosarcome est un type de cancer osseux, et dans sa tête, cancer signifiait : mourir. Mais la peur que son avenir soit coupé brutalement s’est progressivement dissipée grâce au soutien de sa famille. Sa mère, interprétant chaque mouvement du mental de sa fille, resta à son chevet jour après jour. Son père et ses deux frères, se libéraient autant qu’ils pouvaient pour venir la voir à l’hôpital.

­­« Devant le dévouement de ma famille, j’ai décidé qu’il n’était pas question pour moi de pleurer sur mon sort, quelle que soit la douleur. Bien sûr, j’ai perdu mes cheveux, je suis tombée des tas de fois dans les toilettes, j’étais prise de vomissements, j’étais souvent au bord des larmes, mais de toute façon, ce n’est pas pleurnicher qui m’aiderait à guérir, au contraire, ça ne rendrait la situation que plus pénible pour ma famille. »

Kaneki Emi sortit de l’hôpital au bout d’un an. C’est en recevant un certificat d’invalidité de la mairie qu’elle prit pour la première fois conscience d’être effectivement devenue une handicapée. Elle avait évité l’amputation, mais avec une broche métallique à l’intérieur de l’os, elle ne pourrait plus plier le genou.

L’éveil au plaisir du volley-ball assis.

Le volley-ball assis, que Kaneki Emi commença à pratiquer après sa sortie d’hôpital, s’avéra un sport beaucoup plus difficile qu’elle ne l’estimait. Le terrain est plus petit qu’un terrain de volley classique, le filet est plus bas, mais mis à part le court instant où l’on reçoit le ballon, on ne décolle pas les fesses du sol.

Depuis son enfance, le volley-ball était associé dans son esprit à l’image des attaques portées en sautant. Ce ne fut pas facile de se défaire de cette habitude. Au début, elle commit de nombreuses fautes. Mais sa mère qui l’accompagnait lui dit : « Je ne t’avais jamais vue si heureuse ! »

Elle se mit donc à pratiquer le volley-ball assis tous les week-ends.

Bien sûr, la récidive toujours possible de son cancer était une angoisse permanente, mais une fois passé le cap des 5 ans de rémission, à 23 ans, elle s’est mariée. Depuis lors, elle se donne à son métier, son foyer, l’éducation de son enfant, et les entraînements de volley-ball assis, tout en s’efforçant de faire connaître cet handisport à des personnes non-handicapées.

Briller sur la grande scène, pour son pays

Pour les Jeux paralympiques de Tokyo, le plus compliqué est de réunir l’équipe pour réaliser des entraînements efficaces. Aujourd’hui, l’équipe féminine nationale compte près d’une quinzaine de joueuses potentielles, mais chacune habite aux quatre coins du pays. Or, à l’heure actuelle, le seul gymnase qui possède un revêtement de sol aux normes olympiques en Teraflex se trouve dans la ville de Himeji. Pas facile de réunir tout le monde, et par conséquent, travailler à une cohésion de groupe réellement efficace s’avère être une tâche ardue.

Sans compter que certaines joueuses ne peuvent participer aux compétitions qu’en prenant sur leurs congés. Heureusement, grâce à l’organisation des Jeux paralympiques à Tokyo, les frais de déplacement ne sont plus à la charge de chacune.

« Il y a quelques années encore, nous travaillions toutes pour pouvoir payer les frais de déplacement à l’étranger, lors des compétitions internationales. Mais nous étions heureuses de faire ce que nous aimions. »

Actuellement, le groupe financier Nomura Securities sponsorise l’équipe, ce qui permet de créer peu à peu un environnement propice aux entrainements, même si la situation est encore loin de ce qu’elle est en Chine, par exemple, où l’aide de l’État est substantielle, et dont l’équipe se présentera à la compétition après une longue préparation intensive. Le Japon n’avait même pas pu se qualifier pour Rio, par manque d’entrainement. Les joueuses étrangères sont grandes et ont de grandes mains. Une médaille pour Tokyo 2020 ? La barre est haute… Mais Kaneki est confiante.

« Quel athlète n’a pas envie de briller lors d’une compétition pareille ? Tout le monde rêve de montrer ce dont il est capable, surtout quand les Jeux paralympiques sont organisés dans son propre pays ! Qui sait quelle force inattendue nous prendra sur le terrain ? »

Kaneki Emi est sans conteste l’élément moteur et la figure de proue de l’équipe nationale. Conduisant sa vie comme elle l’a toujours fait, avec le sourire au milieu de toutes les adversités, elle saura, soyons en persuadés, tirer de ses coéquipières la force de placer quelques balles imparables qui leur permettra de décrocher une médaille.

(Photos d’interview : Ôkubo Keizô, sauf mention contraire. Photo de titre : l’équipe japonaise contre l’Iran au Championnat Asie-Océanie 2017)

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