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Le Sazae-dô, un étrange temple en colimaçon

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L’apparence singulière de cette pagode en bois de la fin du XVIIIe siècle n’échappe à personne, et son intérieur est encore plus étonnant ! Visitons ensemble le Sazae-dô d’Aizu, un bien culturel important du Japon.

Une curieuse structure à double révolution

Les sazae-dô sont un type de temple à l’architecture particulière typique des régions du Tôhoku et du Kantô, bâtis durant la deuxième moitié de l’époque d’Edo, soit aux XVIIIe et XIXe siècles. Ils tirent leur nom du turbo – l’escargot de mer appelé sazae en japonais – en raison de leur structure interne en colimaçon, qui guide le pèlerin dans sa visite du temple. Le chemin ainsi tracé amène à tourner trois fois dans le sens horaire autour de la statue de Bouddha, suivant une forme de prière baptisée unyô-sansô. Ce type de bâtiment s’appelle d’ailleurs officiellement sansô-dô.

Le Sazae-dô d’Aizu est situé sur le mont Iimori, dans la ville d’Aizu-Wakamatsu, au nord-est du Japon, là où, pour la petite histoire, le groupe de jeunes samouraïs du domaine d'Aizu connu sous le nom de Byakkotai s’est donné la mort après sa défaite face aux troupes du nouveau gouvernement de Meiji lors de la guerre civile de Boshin en 1868. Ce temple érigé en 1796 est d’ailleurs baptisé officiellement Entsû-sansô-dô.

De forme hexagonale, il mesure 16,5 mètres de haut et comporte trois niveaux. Sa conception est attribuée au moine Ikudô, le supérieur du temple Shôsô-ji autrefois bâti sur la colline Iimori.

Ce bâtiment en bois a pour particularité d’être constitué, à l’intérieur, d’une pente à double révolution qui permet aux visiteurs qui montent et à ceux qui descendent de ne pas se croiser. On ne passe donc jamais deux fois par le même endroit à l’intérieur, depuis l’entrée où commence l’ascension jusqu’à la sortie, après être redescendu.

Le temple a été rénové en 1890, sans que sa structure soit altérée.

Entrée du Sazae-dô

Vue de côté : la structure en colimaçon est visible.

L’intérieur était autrefois orné de 33 statues de la déesse Kannon, ce qui permettait d’effectuer le pèlerinage des 33 temples de la région du Kansai en un format réduit. À l’époque de sa construction, les pèlerinages à Ise et dans les temples du Kansai dédiés à Kannon étaient en vogue. Sans doute le Sazae-dô d’Aizu, qui permettait de concentrer un long pèlerinage en un lieu unique et sans croiser toute une foule, a-t-il connu un certain succès.

Vue de l’intérieur, à l’entrée. La pente est ponctuée de traverses pour faciliter l’ascension.

La pente raide, en forme de colimaçon, est également inclinée vers l’intérieur, défiant le sens de l’équilibre des pèlerins.

Lorsque la pente s’achève, au bout d’une révolution et demie dans le sens horaire, on se trouve au sommet du temple. Au plafond, les poutres sont disposées en hexagone, confirmant la structure du bâtiment. Au sol, la disposition des traverses indique que c’est le point final de l’ascension ; il s’agit maintenant de descendre. Une fois le petit pont traversé, on entame la descente, longue elle aussi d’une révolution et demie, mais dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. À la sortie, située à l’opposé de l’entrée, on aura donc effectué en tout trois tours complets à l’intérieur de la structure.

Tout en haut du temple, le plafond est constellé de senja fuda, des autocollants avec les noms des pèlerins.

Le petit pont qui traverse la partie supérieure du temple et mène à la pente descendante.

À l’intérieur, dans trois endroits différents, on peut apercevoir la pente inverse.

Une idée de Léonard de Vinci ?

Comment une telle structure a-t-elle pu être édifiée dans le Japon du XVIIIe siècle ? Il existe plusieurs sazae-dô dans le nord-est du pays, mais celui d’Aizu est le seul en forme de pagode. Et s’il existe des escaliers à double révolution ici et là dans le monde, celui-ci constitue l’unique exemple d’une pente à double révolution.

D’après Iimori Masanori, conservateur du lieu, « la légende familiale veut que le moine Ikudô, quand il travaillait à la conception du bâtiment, ait eu cette idée en voyant en rêve deux fils entrecroisés, faits de papier entortillé sur lui-même ».

Par ailleurs, il existe un escalier à double révolution en France, au château de Chambord, construit au début du XVIe siècle d’après des plans de Léonard de Vinci ; cette idée aurait donc été véhiculée jusqu’au Japon. Un indice vient étayer cette hypothèse : un carnet de croquis de Satake Yoshiatsu (1748-1785), seigneur du domaine d’Akita et spécialiste de l’étude des arts occidentaux. Dedans figure la reproduction d’un escalier à double révolution tirée d’un ouvrage de Joseph Moxon, Practical perspective, or, perspective made easie, publié à Londres en 1670. De Léonard de Vinci à Moxon, puis à Satake… cette structure aurait-elle voyagé jusqu’à Aizu ?

Quoi qu’il en soit, tant l’idée de proposer un pèlerinage complet autour de statues de la déesse Kannon grâce à une structure à double révolution, que les savoir-faire des artisans qui ont érigé ce bâtiment à l’époque d’Edo sont remarquables. Un lieu à visiter et à savourer jusque dans les moindres détails.

La statue du moine Ikudô, à l’entrée de la pagode

La colline Iimori abrite les sépultures du groupe Byakkotai.

Sazae-dô d’Aizu

  • Adresse : 1404 Yahata Benten-shita, Ikki-machi, Aizu-Wakamatsu-shi, Fukushima-ken 965-0003
  • Accès : prendre le bus circulaire « Haikarasan-Akabee » à la gare de Wakamatsu, descendre à l’arrêt Iimoriyama-shita et à 5 minutes à pied.
  • Ouverture : tous les jours de 8 h 15 au coucher du soleil d’avril à novembre, et de 9 h à 16 h de décembre à mars
  • Tarif : adulte 400 yens, étudiants et lycéens 300 yens, collégiens et écoliers 200 yens
  • Site officiel : http://www.sazaedo.jp/ (en anglais)

(Reportage et texte : Yamaguchi Noriko. Photos : Yamazaki Yoshinori)

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