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Le succès mondial de la cuisine japonaise enflamme la demande en riz pour saké

Culture

Avec l’engouement mondial pour la cuisine japonaise, le succès du saké, ingrédient inséparable s’il en est du washoku, ne cesse de monter en flèche. Il existe plus d’une centaine de variétés de riz convenant à la fabrication du saké, mais c’est le Yamada Nishiki qui fait la quasi unanimité auprès des brasseurs de saké. Et aujourd’hui, la demande pour ce type de riz s’est mise brusquement à augmenter.

Le saké est principalement fait de riz et d’eau. On peut utiliser le riz que l’on mange d’ordinaire dans la cuisine mais pour la fabrication de saké de bonne qualité, on utilise des variétés spéciales de riz, cultivé dès le départ pour être brassé. On appelle ces variétés « shuzô kôteki mai », qui se différencient des variétés de riz ordinaire.

Le riz pour saké se caractérise principalement par la grosseur de ses grains, par la présence d’un cœur blanc et opaque, dit shinpaku, au centre du grain, et par sa faible teneur en protéines.

La première opération de la fabrication du saké s’appelle seimai ou polissage. Elle consiste à polir la surface du riz pour éliminer les protéines et les corps gras. La poudre alors rabotée est le son. Pour le riz de cuisine, on élimine 8 % de son, mais pour le riz à saké, on en élimine en moyenne 33 %, et pour le saké de très haute qualité, le ginjô, un minimum de 40 %, avec plus de 50 % pour le dai-ginjô, le saké premier cru. Un procédé de très grand luxe !

Le saké ginjô : les coûts et le temps qu’il faut

Comparaison entre le Yamada Nishiki (à gauche) et le riz de cuisine ordinaire Kinu Hikari (à droite).

Pour obtenir un riz à haut degré de polissage, pour lequel on ne lésine ni sur les coûts ni sur le temps, il faut éliminer à l’extrême les protéines qui sont contenues en grandes quantités dans la couche à aleurone des grains du riz complet. Une trop forte teneur en protéines donne au saké un goût amer et une saveur déplaisante. On préfère naturellement les gros grains car ils permettent plus facilement le polissage lorsque la surface doit être considérablement peaufinée.

Les grains du riz de cuisine ordinaire sont bourrés d’amidon et sont dans leur ensemble transparents comme des cristaux. Mais, dans la partie centrale des grains du riz pour le saké, un espace plus sombre est formé à l’intérieur de l’amidon par réfraction de la lumière. C’est ce qu’on appelle shinpaku ou cœur blanc. À la différence du vin, lui aussi un alcool fermenté, le saké japonais nécessite un procédé de saccharification par décomposition de l’amidon. La présence d’un cœur blanc dans le grain permet aux hyphes d’y pénétrer et d’y proliférer pour faire progresser la saccharification. C’est la raison pour laquelle le riz au cœur blanc convient à la fabrication du saké.

Le cœur blanc du Yamada Nishiki

C’est ainsi que le saké super-premium dai-ginjô est fabriqué, en utilisant du riz à gros grains, au cœur blanc et à faible teneur en protéines, en mettant le coût et le temps qu’il faut et en polissant jusqu’à l’extrême. Et c’est au cours de ce processus de fabrication que naissent la riche odeur et l’élégance du goût du saké et la raison pour laquelle le dai-ginjô est souvent appelé un chef-d’œuvre du saké japonais.

Yamada Nishiki, variété reine des sakés

Le Yamada Nishiki a tous les éléments requis pour faire du saké d’excellente qualité. Et s’il existe plus de 100 marques de riz pour saké, le Yamada Nishiki règne en maître dans ce secteur depuis environ 80 ans.

Un Concours national de saké nouveau est organisé chaque année en vue d’encourager les améliorations de la qualité et des techniques de fabrication du saké japonais. On peut connaître le degré de popularité du riz pour saké en vérifiant quelle est la variété la plus utilisée comme ingrédient pour les alcools présentés à ce concours. En 2012, les saké utilisant 100% de riz Yamada Nishiki représentaient plus de 80 % des produits en compétition et, pour la plupart, du riz produit dans la préfecture de Hyôgo. Une tendance qui ne s’est pas démentie cette année non plus.

Une rizière de Yamada Nishiki, dans l’arrondissement de Kita, à Kobe, dans la préfecture de Hyôgo (photo : JA Hyôgo).

Le riz Yamada Nishiki est né en 1923 du croisement de deux variétés effectué dans l’Institut préfectoral d’expérimentation agronomique de Hyôgo et il a été baptisé Yamada Nishiki en 1936. À l’heure actuelle, il est cultivé dans plus de 33 préfectures au Japon, dont ceux de Fukuoka, Tokushima et Okayama, mais la médaille d’or du Concours de saké nouveau revient presque toujours à des saké utilisant le Yamada Nishiki de Hyôgo, qui reste la variété la plus populaire auprès des brasseurs.

La production continue à augmenter

D’après les résultats de l’enquête du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche sur la production agricole, les quantités inspectées de Yamada Nishiki ont été de 29 577 tonnes pour l’année 2014, soit une augmentation de 28 % par rapport à l’année précédente et de 39 % (21 217 tonnes) par rapport à 2012. Le volume de production ne cesse de progresser.

La plus grande production pour l’année 2014 a été celle de la région d’origine, la préfecture de Hyôgo, avec 21 036 tonnes, ce qui représente 71 % de la production nationale, suivi loin derrière par les préfectures de Okayama (2 358 tonnes), Fukuoka (1 034 tonnes), Tokushima (647 tonnes) et Shiga (563 tonnes) : la région productrice se concentre dans le Japon de l’ouest.

En 2014, il y avait 102 marques de variétés pour les régions productrices de riz complet destiné au brassage du riz et le Yamada Nishiki venait en tête avec 33,3% des volumes inspectés.

Une demande encore accrue avec l’engouement pour la cuisine japonaise

Récemment, outre la grande vogue que connaît le saké ginjô au Japon, les exportations de saké premier cru vers l’étranger sont en brusque augmentation en raison du succès de la cuisine japonaise, et la demande en Yamada Nishiki ne cesse d’augmenter sans que l’offre puisse suivre.

Le plant de Yamada Nishiki est plus grand que celui des autres variétés de riz et, à l’automne, ses épis fléchissent et s’affaissent facilement. La récolte toute entière peut même être détruite par l’arrivée directe d’un typhon. Jusqu’à présent, les riziculteurs n’étaient pas très positifs à son endroit et, comme le riz pour saké était inclus dans l’objectif limite de la production du riz de cuisine, il leur était difficile d’augmenter leur production. Toutefois, le gouvernement a changé d’orientation. À partir de 2014, une augmentation de la production de riz pour le saké dépassant l’objectif limite a été autorisée afin de s’aligner sur l’augmentation de la production des fabricants de saké. Puisque, dans le cadre des politiques économiques gouvernementales dites « Abenomics », le saké japonais est devenu un produit stratégique à l’exportation.

La région de Kita Harima, qui va du versant arrière du mont Rokkô et s’étend jusqu’aux villes de Miki et de Katô, dans la préfecture de Hyôgo, est la plus propice à la culture du Yamada Nishiki. Mais avec l’augmentation de la demande, la culture commence à s’étendre dans toutes les régions du pays. Le prix du riz pour saké est plus stable que celui du riz de cuisine et les riziculteurs sont à présent très motivés. Les riziculteurs actuels de Yamada Nishiki voient leur production augmenter, comme le fait le nombre des nouveaux venus.

(D’après un article en japonais de Nagasawa Takaaki. Photo de titre : des épis mûrs et dorés de Yamada Nishiki, avec l'aimable autorisation de JA Hyôgo)
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