Les perspectives politiques du Japon en 2018

Politique

Aucune élection importante, ni à la Chambre haute ou basse, ni dans les assemblées régionales n’est prévue en 2018, une première depuis plusieurs années. Les deux temps forts de 2018 pour la politique japonaise seront l’élection en septembre du président du Parti libéral-démocrate, qui déterminera si le Premier ministre Abe Shinzô, 63 ans, pourra conserver son poste pour un troisième mandat, et l’avancement de la procédure de révision de la Constitution que M. Abe appelle de tous ses vœux.

La lutte pour le poste de premier ministre

Le Parti libéral-démocrate (PLD) a remporté les élections de la Chambre basse d’octobre dernier, avec 284 sièges sur 465. Le mode de scrutin uninominal à un tour dans 289 circonscriptions, qui avantage les grands partis, et la division de l’opposition ont contribué à cette victoire, mais il est indéniable que le gouvernement Abe a obtenu la confiance du peuple. Dans un tel cas, il serait difficile de dire à quoi servirait le remplacement du Premier ministre. Les trois principales factions du PLD le soutiennent, et renforcent ainsi son pouvoir. Si tout va bien, il sera réélu président du parti.

Parmi ses rivaux potentiels figure Ishiba Shigeru, 60 ans, ancien secrétaire général du PLD et leader de la faction qui porte son nom. Noda Seiko, l’actuelle ministre des Affaires intérieures et des Communications, 57 ans, ne cache pas non plus ses ambitions à cet égard. La faction Ishiba ne dispose cependant pas d’un grand soutien au sein du PLD, et il n’est pas non plus certain que Mme Noda réussira à rassembler les recommandations de 20 parlementaires, indispensables pour faire acte de candidature.

L’attitude de Kishida Fumio, 60 ans, leader de la faction Kishida et actuel directeur du conseil de recherche politique du PLD, mérite d’être suivie parce qu’elle pourrait changer l’orientation de l’élection. M. Kishida a soutenu l’actuel Premier ministre, d’abord en tant que ministre des Affaires étrangères dans son deuxième cabinet puis dans sa fonction actuelle, et il pourrait lui succéder quand celui-ci quittera le pouvoir. Il a certainement cherché à être adoubé comme son dauphin.

S’il maintient cette attitude en soutenant la réélection de M. Abe, il conservera son rôle de favori, mais rien ne garantit qu’il gardera assez d’influence politique pour être désigné comme son successeur lorsque M. Abe démissionnera. L’émergence de nouveau candidats appartenant aux générations suivantes, comme Koizumi Shinjirô, 36 ans, premier vice-secrétaire du PLD et très populaire fils de l’ancien Premier ministre Koizumi Junichirô, ou Kôno Tarô, 54 ans, actuel ministre des Affaires étrangères dont le père a été Premier ministre, n’est pas non plus impossible.

Si M. Kishida se porte candidat au poste de président du parti, il se distanciera de M. Abe. Même s’il ne l’emporte pas mais perd honorablement, cela lui donnera sans doute plus de poids comme candidat à la succession de M. Abe. Le contraire est également vrai, et une défaite considérable nuirait à son avenir. La faction Kishida considère qu’en politique, le plus important est de gagner, et M. Kishida se décidera vraisemblablement juste avant l’élection, après avoir étudié de très près l’ambiance au sein du parti.

Bien que M. Abe paraisse très bien placé pour remporter un troisième mandat, sa position n’est pas exempte d’angles morts. L’évolution de la popularité du gouvernement est un sujet de préoccupation. Les sondages des principaux médias montre qu’elle est stable depuis les dernières élections, autour de 50 %, et que le nombre de personnes soutenant le gouvernement est supérieur à celui de ceux qui y sont farouches. Mais si le pourcentage d’opinions défavorables devait dépasser celui des opinions favorables, comme cela s’est produit en juillet au moment des élections de l’assemblée préfectorale de Tokyo perdues par le PLD, les membres de Parti ne pourraient que s’éloigner du Premier ministre.

Mais si M. Abe devait être réélu une troisième fois avec un nombre de votes de parlementaires [le président du PLD est élu à la fois par les parlementaires et grâce à un certain nombre de voix accordées aux membres du parti] inférieur à celui obtenu par M. Ishiba, cela l’amoindrirait. Le monde politique suivra de près la réaction du PLD face aux affaires Moritomo Gakuen et Kake Gakuen lors de la prochaine session parlementaire ordinaire en janvier, ainsi que celle de l’opinion publique à leurs sujets.

Les quatre obstacles à franchir pour réviser la Constitution

Abe Shinzô s’est engagé pendant la campagne électorale à réviser la Constitution et a lancé le processus. Afin de rester dans l’histoire comme le Premier ministre ayant mené à bien cette révision, il doit franchir quatre étapes : l’élaboration de la proposition du PLD, la recherche d’un accord avec son allié le Kômeitô, l’approbation du projet de loi de révision, et enfin le référendum à ce sujet. Si M. Abe est élu à un troisième mandat en tant que président du parti, il disposera de plus de temps pour le faire, puisque son nouveau mandat ne s’achèvera qu’en septembre 2021, mais elles ne seront cependant pas faciles à surmonter si l’on pense au contexte et au calendrier politiques de l’après-2018.

Les modifications apportées par la révision de la Constitution projetée par le PLD sont au nombre de quatre : clarification de l’existence des Forces d’autodéfense, gratuité de l’enseignement, réponse aux situations d’urgence, et garantie que chaque préfecture élise un membre de la Chambre haute. Le PLD travaille à la mise au point de ces propositions, mais l’élaboration d’un consensus interne à ce sujet semble prendre plus de temps que prévu. L’attitude du parti Kômeitô, l’allié du PLD, est extrêmement négative, en partie parce qu’il a vu sa popularité diminuer lors des dernières élections, comme le montre son recul de six sièges à la Chambre basse, mais aussi en raison de l’influence de la Sôka Gakkai, l’organisation religieuse dont il est issu.

Le Parti démocrate constitutionnel (PDC), devenu le premier parti d’opposition après les dernières élections, est opposé à la révision de la Constitution proposé par le PLD et il est vain d’espérer sa coopération. Les sondages des principaux médias ne permettent pas non plus d’affirmer qu’il existe une tendance au sein de l’opinion en faveur de cette révision, et rien ne garantit que le projet sera approuvé quand il sera soumis à référendum.

Voir notre article : Élargir la réflexion sur la réforme de la Constitution japonaise

Les élections décisives de l’année suivante

Du point de vue du calendrier pour cette réforme, les élections de l’été 2019 à la Chambre des conseillers seront importantes. Elle compte 242 sièges, et pour avoir la majorité des deux tiers, il faut donc 162 sièges. Actuellement, les partis favorables à la révision (PLD, Association pour la restauration du Japon et le Parti de l’espoir) atteignent tout juste ce niveau.

La Chambre haute est renouvelée par moitié tous les trois ans, et les mandats de 69 élus PLD seront en jeu en 2019. À moins que le PLD en conserve autour de 60, il aura du mal à atteindre la majorité des deux tiers, nécessaire pour modifier la Constitution. Lors des dernières élections, il n’en a obtenu que 55. Si l’on tient compte de cela, il est fort probable que le Premier ministre Abe soumettra un projet de loi avant les élections, mais du point de vue du calendrier, cela sera difficile.

La Chambre haute n’aura en effet que trois sessions avant les élections. De plus, il faut compter 60 à 180 jours entre l’approbation du projet de révision et le référendum. Cependant, l’année 2019 aura déjà un programme chargé, avec non seulement les élections, mais aussi l’abdication de l’empereur et l’accession au trône de son successeur, le sommet du G20 et la Conférence internationale sur le développement de l’Afrique (TICAD), ainsi que la Coupe du monde de rugby. Trouver une date favorable pour le référendum ne sera pas aisé. Les progrès de la procédure conduisant à la révision de la Constitution lors de la deuxième session avant 2019, celle de 2018, détermineront si le calendrier envisagé par le Premier ministre est possible.

Vers une recomposition de l’opposition

Les élections à la Chambre basse ont engendré une division du Parti démocrate en trois, certains de ses membres rejoignant le PDC et d’autres le Parti de l’espoir. L’opposition est de plus en plus divisée, et la popularité de ses partis, à part le PDC, stagne. Le Parti de l’espoir est scindé en deux sur la révision de la Constitution et l’appréciation des nouvelles lois de défense. Essentiellement réformiste, le PDC n’est pas favorable à une fusion avec le Parti démocrate et le Parti de l’espoir en raison de leur popularité déclinante. Il n’en demeure pas moins que dans les élections à la Chambre haute, et tout particulièrement dans les circonscriptions à scrutin uninominal, l’opposition pourra très difficilement battre le PLD si elle ne s’unit pas. Il est très probable que 2018 connaîtra de nouvelles divisions et une recomposition de l’opposition.

(D’après un original en japonais. Photo de titre : le Premier ministre Abe Shinzô lors de la conférence de presse au Bureau du Premier ministre, à Tokyo, 12 décembre 2017. Jiji Press)

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