Allons voir les festivals japonais !

Trois festivals de « bon odori » : des danses alliant le respect des ancêtres et du pur plaisir

Tradition Tourisme

L’été au Japon est la saison des bon odori, des danses qui honorent les âmes des ancêtres lors de leur bref retour parmi le monde des vivants. Nous partons à la découverte de trois des plus grands festivals à travers le Japon.

Un mélange de culte des ancêtres et de rituels bouddhiques

La fin de la saison des pluies signale l’arrivée de celle des bon odori (« les danses du bon ») dans les parcs, les grands espaces, les sanctuaires et les temples, tous décorés de lanternes multicolores et résonnants de musique rythmée. Des points de vente de barbe à papa et de glace pilée au sirop (kakigôri), ainsi que des stands de tir et de pêche aux poissons rouges sont également de la partie, comme dans la plupart des festivals du pays.

Le bon odori est un festival traditionnel de l’Archipel, qui a lieu en juillet ou en août. Ses origines complexes sont ancrées dans l’histoire et la religion. La coutume chinoise, fondée sur un calendrier lunaire et 24 périodes solaires, place beaucoup d’importance sur la nouvelle année lunaire et le changement des saisons. De ce contexte naît la croyance que les âmes des défunts reviennent sur terre au Nouvel An et en juillet. En fusionnant avec la pratique bouddhique du urabon-e, cela a permis au rituel de l’O-bon de voir le jour.

Il est dit que le mot urabon-e vient du sanskrit Ullambanaqui et qu’il signifierait « être pendu à l’envers », désignant ainsi les âmes condamnées aux enfers. Pour soulager la faim et la soif de ces ancêtres, la coutume chinoise du segaki demandait qu’ils soient nourris le quinzième jour du septième mois de l’année lunaire. De nos jours, les temples bouddhiques fêtent toujours le segaki en juillet, et la croyance japonaise que les âmes retournent à cette période s’y est rattachée.

Les annales de l’histoire décrivent comment, le 7 juillet 606, l’impératrice Suiko (r. 593-628) a invoqué les divinités lors d’une cérémonie commémorative. C’est à partir de ce moment que se répand la pratique d’accueillir les âmes des défunts et de passer un bref moment avec eux avant leur retour au son des incantations bouddhiques.

Durant l’époque de Kamakura (1192-1333), le moine Ippen (1239-1289), fondateur de la branche Jishû de l’école Jôdô Shinshû (école de la Véritable Terre pure) prône la pratique du odori nenbutsu, alliant une récitation de l’invocation nenbutsu au Bouddha avec une danse frénétique. L’époque de Muromachi (1333-1568) voit la montée du furyû, un certain raffinement autour des vêtements et des objets « tapageurs », qui influence aussi la musique et la danse populaire. C’est là que le odori nenbutsu se transforme peu à peu de cérémonie religieuse en danse folklorique et devient le nenbutsu odori, précurseur du bon odori où les gens accueillent joyeusement les âmes des défunts, dansent avec eux, et les remettent sur le chemin du retour.

De nos jours, les festivals de bon odori ont le plus souvent lieu entre le 13 et le 16 août. Nous en avons choisi trois, parmi les nombreuses manifestations à travers le Japon, qui proposent des interprétations très particulières.

C’est à Saku, dans la préfecture de Nagano, qu’est né l’odori nenbutsu. On y trouve toujours une version originale, appelée Atobe no odori nenbutsu, qui se tient le premier dimanche d’avril au temple de Saihô-ji.
C’est à Saku, dans la préfecture de Nagano, qu’est né l’odori nenbutsu. On y trouve toujours une version originale, appelée Atobe no odori nenbutsu, qui se tient le premier dimanche d’avril au temple de Saihô-ji.

Le bon odori de Nishimonai

(16 au 18 août, Ugo, préfecture d’Akita)

Bien que leurs visages soient masqués, on devine la beauté des femmes d’Akita par l’élégance de leurs mouvements.
Bien que leurs visages soient masqués, on devine la beauté des femmes d’Akita par l’élégance de leurs mouvements.

La famille des Onodera, seigneurs du château de Nishimonai, dans la ville d’Ugo, préfecture d’Akita, est anéantie en 1601 après avoir soutenu le côté perdant lors de la bataille de Sekigahara en 1600. Les origines du bon odori de Nishimonai remontent à une danse en mémoire de la famille par les vassaux survivants durant la période de l’O-bon. Celle-ci est fusionnée avec des événements locaux pour une bonne moisson, pour ainsi devenir le festival que l’on connaît aujourd’hui.

Au crépuscule, des jeunes femmes vêtues de kimonos hanui, composés de pièces en soie de kimono cousues ensemble, et passés de mère en fille, se rassemblent sur l’artère principale de la ville. Sous la protection des âmes des défunts, elles exécutent l’une des plus belles danses de tout le Japon. Les hanui bariolés et les chapeaux de paille des danseuses scintillent à la lueur des feux de bois.

Les jeunes femmes portent des kimonos hanui faits de restes de tissus des kimonos de leur mère, qu’elles transmettront à leurs propres filles.
Les jeunes femmes portent des kimonos hanui faits de restes de tissus des kimonos de leur mère, qu’elles transmettront à leurs propres filles.

Certaines parmi les danseuses portent des cagoules noires qui ne laissent voir que leurs yeux, avec des yukata en coton. Elles représentent les esprits des défunts qui apparaissent en même temps que les âmes des ancêtres, et dansent pour leur salut. Au fur et à mesure que leur danse s’améliore, les filles en cagoule noire obtiennent la permission de porter le hanui.

Quand les musiciens qui se trouvent sur des plateformes surélevées le long de la route jouent l’air de festival « Akita ondo », le rythme est plutôt lent mais il s’accélère avec d’autres morceaux plus vifs. Après 22 heures, les paroles de « Akita ondo » prennent des tournures plus coquines, ce qui fait sourire les gens du pays qui comprennent le patois local.

Ces femmes en cagoules, vêtues de yukata en indigo, évoquent les origines du festival qui commémorait les morts.
Ces femmes en cagoules, vêtues de yukata en indigo, évoquent les origines du festival qui commémorait les morts.

Le bon odori de Himeshima

(14 et 15 août, Himeshima, préfecture d’Ôita)

De nouvelles danses originales sont créées tous les ans.
De nouvelles danses originales sont créées tous les ans.

Himeshima est une île de la mer intérieure de Seto, au large de la côte nord de la préfecture d’Ôita. Le lieu était déjà évoqué au VIIIe siècle dans le Kojiki (Chronique des faits anciens). Bien que n’ayant que 1 600 habitants, l’île est le berceau d’une forme unique de bon odori qui fait venir des foules beaucoup plus importantes que la population locale. Des bon-tsubo (pistes de danse bon) sont installées au terminus du ferry ainsi qu’aux six hameaux de l’île. Les habitants de chaque hameau rejoignent les danseurs au fur et à mesure que le groupe passe par leur village.

Si plus d’une douzaine de danses originales sont renouvelées chaque année, ce sont toujours les danses traditionnelles de bon odori qui restent au cœur du festival. Saruman dayû est une danse élégante et fluide réservée aux femmes en kimonos et chapeaux de paille. Dans les danses zenidaiko odori et aya odori, c’est le dynamisme des hommes qui est mis à l’épreuve, en contraste avec les mouvements gracieux des femmes.

Dans la danse aya odori, les hommes sont torse-nus et tiennent un aya (cylindre en bambou) tout en dansant en paire avec les femmes.
Dans la danse aya odori, les hommes sont torse-nus et tiennent un aya (cylindre en bambou) tout en dansant en paire avec les femmes.

La plus connue de toutes les danses est la kitsune odori (la danse du renard), qui remonte aux nenbutsu odori de l’époque de Kamakura. Des enfants portant des costumes et fards blancs imitent les renards dans cette danse humoristique.

À l’origine, cette danse était réservée aux jeunes gens, mais elle a évolué en danse d’enfants après la Seconde Guerre mondiale.
À l’origine, cette danse était réservée aux jeunes gens, mais elle a évolué en danse d’enfants après la Seconde Guerre mondiale.

Les renards blancs ont toujours été considérés comme les messagers des dieux et sont vénérés à travers le pays dans les sanctuaires Inari en même temps que la déesse du riz. Selon les légendes de l’île, le fait de se transformer en renard blanc durant l’O-bon assure une bonne moisson et une bonne pêche.

À un moment de l’histoire, est apparue une danse où les enfants se déguisent en raton-laveurs. Cette coutume est alors entrée dans la tradition. Ils sont tellement mignons dans leur accoutrement que fusent les applaudissements des spectateurs.

Les nouvelles danses sont intégrées au répertoire traditionnel du bon odori de Himeshima.
Les nouvelles danses sont intégrées au répertoire traditionnel du bon odori de Himeshima.

Le festival Gujô odori

(30 nuits sur la période de mi-juillet à début septembre. À Gujô, préfecture de Gifu)

Ce festival est ouvert à tout-venant. Certains jours, quand la danse se poursuit toute la nuit, des trains spéciaux sont mis à disposition tôt le matin pour les visiteurs.
Ce festival est ouvert à tout-venant. Certains jours, quand la danse se poursuit toute la nuit, des trains spéciaux sont mis à disposition tôt le matin pour les visiteurs.

Autrefois une ville à part entière, Gujô Hachiman fait maintenant partie de la ville de Gifu. Souvent appelée « petite Kyoto », on peut encore y admirer des structures datant de l’époque où c’était une ville-château. Son festival de bon odori remonte à 400 ans et se tient sur 30 nuits d’été. Durant les quatre jours de la période de l’O-bon, les danses durent toute la nuit, jusqu’au petit matin.

Il faut absolument se chausser de geta en bois pour les faire claquer en dansant. Il est possible de louer geta et yukata sur place.
Il faut absolument se chausser de geta en bois pour les faire claquer en dansant. Il est possible de louer geta et yukata sur place.

Au centre du cercle de danseurs se trouvent les membres de la Société pour la préservation du Gujô odori, qui portent des yukata assortis et dansent en parfaite harmonie. Autour d’eux, les autres participants dansent librement en yukata.

Sur une plateforme surélevée, des musiciens jouent les dix morceaux traditionnels du festival au shamisen, taiko, flûte et claquettes en bois. Les mouvements qui accompagnent « Kawasaki, » une mélodie originaire de Kawase, à Ise, sont lents et élégants. « Harukoma », par contre, en hommage à une région connue pour ses élevages de chevaux de l’époque d’Edo (1603–1868, comprend des mouvements qui rappellent le maniement des rênes.

La mélodie de la danse « Kawasaki » a été ramenée à Gujô par des pèlerins partis à Ise. Elle s’est ensuite transformée en bon odori.
La mélodie de la danse « Kawasaki » a été ramenée à Gujô par des pèlerins partis à Ise. Elle s’est ensuite transformée en bon odori.

Quant aux origines de ce spectacle, on raconte d’une part que le chef du clan local l’aurait créé pour encourager à davantage de convivialité parmi les habitants, ou encore que c’était un moyen de communiquer aux générations suivantes la misère des paysans face aux augmentations d’impôts.

Dans tous les cas, personne ne faisait de chichis, et pendant les nuits blanches, tout le monde dansait et chantait sans retenue. Cette bonhomie n’a pas changé aujourd’hui, et les gens continuent de danser toute la nuit dans ce village de montagne imprégné d’histoire et de belles traditions.

La danse sanbyaku odori (« la danse des 300 ») a été créée en hommage au seigneur qui offrait 300 mon (le mon est une ancienne unité de monnaie) à tous les habitants de la ville.
La danse sanbyaku odori (« la danse des 300 ») a été créée en hommage au seigneur qui offrait 300 mon (le mon est une ancienne unité de monnaie) à tous les habitants de la ville.

(Les dates indiquées sont les dates usuelles de ces manifestations. Toutes les photos : © Haga Library)

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