Les endroits à visiter à tout prix !

Sakitsu, un village de pêcheurs qui préserve la culture des chrétiens du Japon

Tourisme Région

Les chrétiens du Japon ont gardé leur foi intacte à travers des siècles de persécution et de répression. En reconnaissance de cette histoire, 12 sites de la préfecture de Nagasaki et des environs, y compris des églises, des ruines historiques et des villages, ont été inscrits en juin 2018 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco sous le titre « sites chrétiens cachés de la région de Nagasaki ». Parmi ces lieux, Sakitsu, un village de pêcheurs, est le seul situé dans la préfecture de Kumamoto. Ce petit et charmant hameau offre une fenêtre unique sur l’histoire et la culture des chrétiens du Japon.

Un charmant village niché dans une crique isolée

Le village de Sakitsu est situé à la pointe sud de Shimoshima, la plus grande des îles Amakusa, dans la préfecture de Kumamoto au sud-ouest du pays. Niché au bord d’une crique s’ouvrant sur les eaux calmes de la baie de Yôkaku, Sakitsu ressemble beaucoup à n’importe quel autre village japonais, à l’exception de la vue de la flèche de l’église planant derrière les habitations.

Avant de s’y rendre, arrêtons-nous au centre d’orientation afin de découvrir les panneaux montrant Sakitsu et les autres sites chrétiens inscrits au patrimoine mondial.

Vue vers le hameau depuis le centre d'orientation du village de Sakitsu.
Vue vers le hameau depuis le centre d’orientation du village de Sakitsu.

Kanazawa Hiroyoshi propose des visites guidées des sites touristiques de la région.
Kanazawa Hiroyoshi propose des visites guidées des sites touristiques de la région.

C’est dans ce centre que nous avons rencontré notre guide, Kanazawa Hiroyoshi, président de l’Association des guides d’Amakusa. Il nous a emmenés faire une promenade dans le paisible village de pêcheurs, s’arrêtant pour nous montrer le sanctuaire Sakitsu Suwa, le site de l’ancienne église, et l’actuelle église catholique Sakitsu, qui ont tous joué un rôle important dans l’histoire des chrétiens cachés en ce lieu.

Une église chrétienne face à un sanctuaire shintô

Le christianisme a été introduit à Sakitsu en 1569 par Luis de Almeida, médecin portugais et prêtre jésuite. Il a converti de nombreux villageois, qui ont continué à pratiquer leur nouvelle foi malgré un décret interdisant la religion émis en 1613 par le shogunat Tokugawa. Des tensions ont éclaté dans le cadre de la rébellion de Shimabara en 1637, lorsque les chrétiens locaux se sont révoltés contre le gouvernement. Après un long siège, les rebelles ont été réprimés, et une fois par an par la suite, les villageois ont dû prouver qu’ils avaient abandonné la foi chrétienne en piétinant des fumies, des plaques portant des images de Jésus ou de Marie, une pratique appelée ebumi à Kyûshû.

L'église Sakitsu est un bel exemple d'architecture gothique à l'extérieur, ayant cependant un sol en tatami traditionnel à l'intérieur.
L’église Sakitsu est un bel exemple d’architecture gothique à l’extérieur, ayant cependant un sol en tatami traditionnel à l’intérieur.

Malgré l’interdiction, de nombreux chrétiens pieux ont continué à pratiquer leur foi en secret, même après s’être enregistrés comme appartenant aux sanctuaires et aux temples locaux. En 1805, cependant, le gouvernement, qui s’en méfiait depuis longtemps, arrêta plus de 5 000 chrétiens cachés à Sakitsu et dans trois villages voisins. Les 1 709 personnes arrêtées à Sakitsu ont ensuite été graciées, mais seulement après avoir jeté les médaillons et les coquillages qu’ils utilisaient comme objets de culte. Ces objets ont été placés dans une grande boîte installée sur le terrain du sanctuaire Sakitsu Suwa.

Pourtant, les habitants de Sakitsu s’accrochaient à leur foi. En 1873, lorsque l’interdiction de la pratique du christianisme fut enfin levée, les chrétiens cachés émergèrent pour devenir catholiques et construisirent une église en bois près du sanctuaire Sakitsu Suwa.

L’actuelle église catholique Sakitsu a été érigée en 1934 sur le site où les convertis chrétiens japonais d’autrefois avaient été forcés de renier leur foi en marchant sur le fameux fumie. L’autel de l’église est situé au-dessus de l’endroit où les fumie étaient placées.

Le sanctuaire Sakitsu Suwa surplombe le hameau.
Le portique torii du sanctuaire Sakitsu Suwa, qui surplombe le hameau.

Le sanctuaire Sakitsu Suwa, où les chrétiens cachés ont été forcés d'abandonner leur foi.
Le sanctuaire Sakitsu Suwa, où les chrétiens cachés ont été forcés d’abandonner leur foi.

Le site de l'ancienne église en bois, construite en 1888 à côté de l'entrée principale du sanctuaire Sakitsu Suwa.
Le site de l’ancienne église en bois, construite en 1888 à côté de l’entrée principale du sanctuaire Sakitsu Suwa.

La juxtaposition intrigante de la porte torii au sanctuaire Shintô et à l'église.
La juxtaposition intrigante du portique torii d’un sanctuaire shintô avec une église chrétienne...

L'église blanche se dresse sur une colline à environ 15 minutes en voiture de Sakitsu. Elle a été érigée en 1933 par le missionnaire français Frédéric Louis Garnier, qui a fourni des fonds, ainsi que par des chrétiens locaux.
L’église Ôe se dresse sur une colline à environ 15 minutes en voiture de Sakitsu. Elle a été érigée en 1933 par le missionnaire français Frédéric Louis Garnier, qui a fourni des fonds, ainsi que par des chrétiens locaux.

Les coquillages comme objets de culte chrétien

Notre guide Kanazawa Hiroyoshi explique : « Les gens qui viennent ici sont attirés par la beauté de l’église de Sakitsu, mais ce qui en fait un site du patrimoine mondial, c’est la manière unique dont les chrétiens cachés ici pratiquaient leur foi. Ils avaient vu dans les motifs des coquillages des images de la Vierge Marie et avaient sculptés des médaillons religieux dans des coquilles d’huîtres nacrées. Pendant environ 260 ans, ils ont conservé leur foi en utilisant comme objets de culte des choses qu’ils trouvaient dans leur vie quotidienne de pêcheurs. » Il a également noté que la coexistence inhabituelle du bouddhisme, du shintô et du christianisme dans un si petit village était un autre facteur dans la désignation de Sakitsu comme site du patrimoine mondial.

Certains des médaillons et des coquillages vénérés comme des représentations de Marie et d’autres artefacts des chrétiens cachés peuvent être vus dans le musée Minatoya Sakitsu, situé près de l’église.

Les chrétiens cachés de Sakitsu ont utilisé des coquilles de style tairagi et des coquilles d'ormeau comme objets de culte. Ils ont vu des images de Marie dans les motifs nacrés.
Les chrétiens cachés de Sakitsu utilisaient des coquilles de mollusque tairagi (atrina pectinata) et des coquilles d’ormeau comme objets de culte. Ils disaient voir des images de la Vierge Marie dans les motifs nacrés.

L'intérieur du musée Minatoya Sakitsu. L'entrée est gratuite.
L’intérieur du musée Minatoya Sakitsu. L’entrée est gratuite.

Les décorations du Nouvel An en corde de paille sacrée placées sur l’entrée des maisons étaient autrefois maintenues tout au long de l’année pour prouver qu’aucun chrétien caché n’y vivait. Cette pratique a été maintenue dans certaines zones d'Amakusa et Shimabara à Nagasaki.
Les décorations du Nouvel An en corde de paille sacrée placées sur l’entrée des maisons étaient autrefois maintenues tout au long de l’année pour prouver qu’aucun chrétien caché n’y vivait. Elles peuvent être aujourd’hui observées dans certaines zones d’Amakusa et Shimabara à Nagasaki.

Une statue de Marie regarde la baie de Yôkaku. Les pêcheurs de Sakitsu prient toujours la statue de leur permettre de naviguer en toute sécurité avant de partir en expédition de pêche.
Une statue de Marie regarde la baie de Yôkaku. Les pêcheurs de Sakitsu prient toujours la statue pour leur permettre de naviguer en toute sécurité avant de partir en expédition de pêche.

En plus d’être des sites du patrimoine mondial, Sakitsu et le village voisin d’Imatomi sont également désignés par le gouvernement japonais comme d’importants paysages culturels. Sakitsu en particulier est situé sur un splendide port naturel, et était autrefois une base importante de commerce dans la région d’Amakusa.

« Vous remarquerez avec quelle facilité les gens viendront vous parler lorsque vous vous promènerez dans le village », dit Kanazawa Hiroyoshi. « Sakitsu est un village ouvert et accueillant envers les visiteurs. »

Un pont utilisé par les pêcheurs, appelé un kake, est l'une des caractéristiques uniques du paysage de Sakitsu.
Un pont utilisé par les pêcheurs, appelé kake, est l’une des caractéristiques uniques du paysage de Sakitsu.

Des ruelles appelées tôya se frayent un chemin parmi les habitations serrées du village.
Des ruelles, appelées tôya, ont taillé leur chemin parmi les habitations serrées du village.

Le sugi yôkan, une spécialité locale, aurait été introduit dans le village il y a environ 200 ans par des émissaires naufragés du royaume Ryûkyû.
Le sugi yôkan, une spécialité locale, aurait été introduit dans le village il y a environ 200 ans par des émissaires naufragés du royaume des Ryûkyû (actuelle Okinawa).

Des sushis confectionnés avec les fruits de mer les plus frais d'Amakusa, comprenant notamment de l'oursin et du poisson local.
Des sushis confectionnés avec les fruits de mer les plus frais d’Amakusa, comprenant notamment de l’oursin et du poisson local.

Myôken-ura, officiellement désigné lieu spécial de beauté pittoresque par le gouvernement du Japon.
Myôken-ura, officiellement désigné lieu spécial de beauté pittoresque par le gouvernement du Japon.

(Texte : Kaoka Yasuhiro. Photos : Kusano Seiichirô)

tourisme Unesco religion Kumamoto christianisme