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Passer une nuit à un million de yens dans un temple du patrimoine mondial de Kyoto

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Le Ninna-ji, l’un des plus illustres temples de Kyoto, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, a peut-être lancé une nouvelle tendance : un million de yens pour y passer la nuit, soit 8 100 euros environ...repas non compris ! Qu’est-ce qui conduit un lieu si prestigieux à proposer ce genre de plan à un tel prix ? Nippon.com tente de répondre à la question et a testé une partie de ce service.

Pour une nuit hors de prix

Il y a deux ans était annoncé le lancement d’un nouveau service : passer une nuit dans un temple pour la somme d’un million de yens (environ 8 100 euros). La clientèle visée était constituée de riches étrangers, limitée à un groupe de cinq personnes maximum par jour. Et les repas et autres services ne sont même pas compris dans le tarif !

Le temple Ninna-ji à Kyoto, qui gère ce service, est l’un des principaux temples de l’école bouddhique Shingon, fondé en 888 par l’empereur Uda, qui y vécut plusieurs années après s’être fait bonze. Le lieu fut par la suite presque toujours dirigé par un membre de la famille impériale, ce qui lui donne un statut particulièrement éminent. Il fait partie des « Biens culturels de l’ancienne Kyoto » répertoriés au titre du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994. (Voir la liste des 23 sites japonais reconnus par l’Unesco)

Niômon, l'entrée principale du temple Ninna-ji. Haut de 18,7 mètres, c'est un bien culturel national important.
La porte Niô-mon, l’entrée principale du temple Ninna-ji. Haut de 18,7 mètres, c’est un bien culturel national important.

Le pavillon Kon-dô qui abrite la statue du bouddha Amida Nyôrai. provient du Seiden-Shishinden du palais impérial de Kyoto, déplacé au 17e siècle. Trésor national
Le pavillon principal, le Kondô, abrite la statue du Bouddha Amida Nyorai. 

Kanazaki Gishin, directeur de la division des finances et des affaires publiques du Ninna-ji, nous a déclaré : « Un million de yens n’est pas le tarif pour un hébergement hôtelier. Le Ninna-ji propose une expérience de culture japonaise in-situ, avec jouissance pleine et entière pour des personnes de condition aisée de l’ensemble du temple, du soir à la fermeture au public, jusqu’au lendemain matin, avec nuitée au pavillon Shôrin-an réaménagé. »

Louer un site du patrimoine mondial de l’humanité pour la nuit et vivre une expérience exclusive de la culture japonaise a un certain prix...

Le temple Ninna-ji désert, après la fermeture de la porte Niômon. Le coucher de soleil est à vous.
Le temple Ninna-ji désert, après la fermeture de la porte Niô-mon. Le coucher de soleil est à vous.

Admirer le Kon-dô de nuit est un luxe rare.
Admirer le pavillon principal (Kondô) de nuit est un luxe rare.

Les charmes du Ninna-ji

La vaste enceinte du Ninna-ji regorge de trésors historiques inestimables, notamment le trésor national du pavillon Kondô, des statues et peintures bouddhistes et de nombreux objets appartenant à la famille impériale. Les jardins sont magnifiques, en particulier les Omuro-zakura, cerisiers tardifs, toujours très appréciés des visiteurs.

Les Omuro-zakura assurent le final de la saison des fleurs de cerisiers à Kyoto, où ils partagent l’affiche avec la pagode à cinq étages, important bien culturel.
Les cerisiers Omuro-zakura assurent le final de la saison des fleurs de cerisiers à Kyoto, où ils partagent l’affiche avec la pagode à cinq étages.

Le Ninna-ji est sublime aussi pendant la saison des feuilles d’automne.
Le Ninna-ji est sublime aussi pendant la saison des feuilles dorées de l’automne.

Les temples sont par nature des établissements où les charpentiers spécialistes de l’architecture palatiale se surpassent, pour lesquels les sculpteurs et les peintres créent de remarquables sculptures bouddhiques et peintures murales ou sur cloisons de bois (fusuma). Tout au long de l’histoire, cérémonies du thé, sessions de contemplation des fleurs de cerisiers (hanami) ou de la Lune (tsukimi) se sont déroulées dans ces lieux exceptionnels, que chantent de nombreux poèmes et haïku.

Le Ninna-ji en particulier, du fait qu’il abrite des vestiges archéologiques spécifiques de la famille impériale, fut un lieu choisi par l’aristocratie (à savoir des artistes et personnalités culturelles éminentes qui logeaient alors dans la ville attenante) comme lieu de réjouissances et de réunions, une sorte de « salon » littéraire et culturel, tout au long de l’époque de Heian et même pendant l’époque d’Edo. Ce fut évidemment, en dehors de cela, un lieu de culte bouddhique en soutien à la population. Indéniablement l’un des meilleurs endroits pour découvrir la culture japonaise à son plus haut degré d’intensité et de profondeur.

Statue d’Amida Nyôrai dans le Kon-dô
Statue du Bouddha Amida Nyorai dans le pavillon principal du Ninna-ji, le Kondô

La pagode à cinq étages, qui n’est pas ouverte au public, vous sera également divulguée., comme ici la statue du bouddha Dainichi Nyôrai.
La pagode à cinq étages, qui n’est pas ouverte au public, vous sera également dévoilée, comme nous le voyons ici.

Le pavillon du Kannon-dô vient d’être restauré pendant six ans. Généralement fermé au public, lieu de méditation pour les bonzes.
Le pavillon du Kannon-dô vient d’être restauré pendant six ans. Généralement fermé au public, lieu de méditation pour les bonzes.

Ce qui attend les locataires

Les invités bénéficient des services d’un bonze pour leur visite du Ninna-ji. Une visite spéciale et exclusive au cours de laquelle vous pourrez vous recueillir dans les pavillons privés devant les trésors du temple, aux heures de fermeture au public.

Visite exclusive à travers les jardins nocturnes plein de mystère
Visite exclusive à travers les jardins nocturnes à l’ambiance fantasmagorique

Le repas du soir est pris généralement dans le pavillon Shinden, et le petit déjeuner dans l’un des pavillons de thé. Les repas sont également une expérience tout à fait particulière. Il y a deux pavillons de thé au Ninna-ji. Le premier, appelé Hitô-tei, sur les plans de l’empereur Kôkaku (1771-1840), et le Ryôkaku-tei, transféré de la maison de Kenzan, frère du grand peintre Ogata Kôrin et peintre lui-même. Tous deux sont d’importants biens culturels nationaux.

Pour un supplément, il est possible d’assister à une confection d’ikebana (composition florale) et à un spectacle de gagaku (musique de cour) tout en dégustant le menu bouddhique du temple. Il est possible de demander que ces spectacles retracent divers épisodes historiques qui se sont produits sur place, tels qu’ils sont relatés dans les documents anciens conservés au Ninna-ji.

Le supérieur Segawa prononce un mot d’accueil aux invités lors d’un dîner dans le pavillon Shinden.
Le supérieur Segawa prononce un mot d’accueil aux invités lors d’un dîner dans le pavillon Shinden.

Au pavillon Shinden, décoré d’arrangement floral ikebana le repas se déroule avec des performances de gagaku ou de shakuhachi.
Au pavillon Shinden, décoré d’arrangement floral (ikebana), le repas se déroule avec des performances de musiques de cour ou de flûte de bambou shakuhachi.

Le petit déjeuner a lieu dans le pavillon de thé Hitô-tei, ici visible devant la pagode à cinq étages.
Le petit déjeuner a lieu dans le pavillon de thé Hitô-tei, ici visible devant la pagode à cinq étages.

Les expériences culturelles sont également uniques au Ninna-ji. S’il s’agit d’une soirée d’admiration de la Lune (tsukimi), celle-ci se déroule dans le pavillon principal, avec vue sur l’astre au-dessus du jardin de sable devant les miscanthus, avec des gâteaux de riz pilé dango, éclairé à la bougie, en écoutant des chants bouddhiques (shômyô) donnés par de vrais bonzes, selon le rituel précis conservé par le temple. Vous pourrez également admirer à loisirs les peintures murales réalisées par quantité de peintres de scènes religieuses, assorties de commentaires, ou organiser une cérémonie du thé dans le pavillon de thé qu’aimait l’empereur Kôkaku.

Les chants bouddhiques lors d'une soirée d'admiration de la Lune
Les chants bouddhiques lors d’une soirée d’admiration de la Lune

Les peintures murales du Kannon-dô datent du début de l’époque d’Edo. Elles ne sont dévoilées au public que lors d’expositions spéciales.
Les peintures murales du pavillon Kannon-dô datent du début de l’époque d’Edo. Elles ne sont dévoilées au public que lors d’expositions spéciales.

Une nuit dans le Shôrin-an

Cette initiative innovante du Ninna-ji en faveur de la culture japonaise est soutenu par le programme « Iroha Nippon » de l’organisme Nippon Foundation. Ce programme vise à faire vivre des expériences approfondies de connaissance de la culture japonaise par des séjours dans des temples historiques, à destination principale de voyageurs étrangers profondément intéressés par la culture japonaise. En transformant un pavillon de façon à recevoir des visiteurs pour la nuit, une partie des revenus de ces initiatives sont réinvestis dans l’entretien des pagodes et pavillons de temples non ouverts au public, et à la pérennisation de techniques et compétences culturelles traditionnelles.

Au Ninna-ji, le pavillon qui est équipé pour recevoir les visiteurs est le Shôrin-an, ancien domicile de la famille Hisatomi, samouraïs et médecins du temple. La famille en a fait don et l’a transférée dans l’enceinte du temple, mais la structure était déjà vétuste. Les jeunes employés du temple ont alors élaboré un projet de réfection qui a été soumis au programme « Iroha Nippon » de la Nippon Fondation, qui a pris en charge 80 % des 157 millions de yens du budget de réfection du bâtiment et du jardin japonais.

Entrée du Shôrin-an
Entrée du Shôrin-an, le lieu où les visiteurs passent la nuit

Le bâtiment de deux étages, entouré de son exquis jardin japonais
Le Shôrin-an est un bâtiment de deux étages, entouré de son exquis jardin japonais

Au Shôrin-an, les chambres sont à tatami, avec évidemment des futons traditionnels comme literie, de même que les bains. Meubles et vaisselles sont soigneusement sélectionnées, fabriquées au Japon. Les pièces présentent divers objets liés à la famille impériale.

Tous les meubles sont exclusivement fabriqués au Japon, comme la literie de futons étendus sur les tatamis pour la nuit.
Tous les meubles sont exclusivement fabriqués au Japon, comme la literie de futons étendus sur les tatamis pour la nuit.

L’étage offre une vue admirable sur le jardin japonais.
L’étage offre une vue admirable sur le jardin japonais.

Le Shôrin-an peut accueillir jusqu’à cinq personnes, mais il est possible d’y inviter des amis extérieurs pour le dîner et les cérémonies du thé. Il est recommandé de se lever tôt le matin et de participer au travail des bonzes.

Évidemment, le service est également ouvert aux invités japonais.

Salle de bain de pur style japonais, tout en bois.
Salle de bain de pur style japonais, tout en bois

Des vitrines exposent divers objets appartenant au trésor du temple, y compris plusieurs objets appartenant à la famille impériale.
Des vitrines exposent divers objets appartenant au trésor du temple, y compris plusieurs objets de la famille impériale.

Le Ninna-ji ouvre-t-il une nouvelle voie ?

Le concept « un million de yen la nuit » a évidemment fait beaucoup de bruit. Des critiques se sont également faites entendre. Par exemple : « Est-il normal qu’une entité religieuse, exonérée d’impôt, puisse faire des profits de cette façon ? » M. Kanazaki répond : « Merci de soulever la question ! Bien sûr, toute entité religieuse paie des impôts sur ses bénéfices commerciaux, et le Ninna-ji ne fait pas exception ».

Le Ninna-ji ne cible pas uniquement la clientèle fortunée. Depuis l’automne 2018, les frais d’entrée ont été progressivement rendus gratuits pour les visiteurs jusqu’aux collégiens. Les excursions scolaires sont une importante source de revenus pour les principaux temples de Kyoto, mais l’idée est de mettre la priorité sur l’aide culturelle et la transmission à la prochaine génération.

Vue sur le Niômon, sous le store orné du chrysanthème, symbole de la famille impériale. L’accès aux jardins du Ninna-ji est gratuit, des frais d’admission sont perçus uniquement pour l’entrée au pavillon principal, au musée du Reihôkan et aux expositions temporaires spéciales.
Vue sur la porte Niô-mon, sous le store orné du chrysanthème, symbole de la famille impériale. L’accès aux jardins du Ninna-ji est gratuit, des frais d’admission sont perçus uniquement pour l’entrée au pavillon principal, au musée du Reihôkan et aux expositions temporaires spéciales.

Le jardin sud et la porte impériale Chokushi-mon vers le pavillon principal.
Le jardin sud et la porte impériale Chokushi-mon vers le pavillon principal

En outre, en collaboration avec Kaiyôdô, un maquettiste de réputation mondiale, le temple a produit des figurines du Bouddha principal du temple, Amida Nyôrai. Il a également demandé au Tokyo Camera Club, un important site de publications photographiques, de réaliser les éclairages du temple, afin d’attirer de nouveaux publics.

« Les temples connaissent des difficultés à entretenir leurs bâtiments, biens culturels et dépendances. Moins de 20 % de tous les bâtiments bénéficient d’une subvention publique au titre d’une inscription comme bien culturel, et les 80 % restant ne peuvent compter que sur les frais d’admission. Mais nous sommes prêts à relever des défis audacieux pour imaginer de nouveaux modèles et permettre à d’autres temples de trouver une activité pérenne, explique M. Kanazaki. »

Le Ninna-ji illuminé
Le Ninna-ji illuminé

Temple Ninna-ji

  • Adresse : 33 Omuro Ôuchi, Ukyô-ku, Kyoto-fu
  • Horaires : 9 h à 17 h (dernière entrée 30 minutes avant la fermeture). Femeture à 16 h 30 de décembre à février. 
  • Tarifs : gratuit dans l’enceinte du temple. Résidence impériale : 500 yens pour adultes et lycéens, 300 yens pour les élèves de primaire et collégiens. Ouverture limitée de la salle du trésor (Reihôkan) : 500 yens pour les adultes, gratuit en dessous. Tarifs de groupe disponibles.
  • Accès en bus : de la gare JR de Kyoto, prendre le bus municipal 26 et descendre à l’arrêt Omuro Ninna-ji.
  • Accès en train : descendre à la gare Omuro Ninna-ji sur la ligne Randen Kitano. 
  • Site officiel du programme Iroha Nihon : http://nf-iroha.jp/english/distinations/ninnaji/

(Photos : Kuroiwa Masakazu, 96Box. Reportage et texte de Nippon.com)

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