Le vin et le cidre de Fukushima : une production de qualité pour redorer l’image de la région

Région Gastronomie

À travers sa production de vin de qualité mais aussi de cidre et d’alcools à base de pêches, poires asiatiques et autres fruits locaux, un vignoble de la préfecture de Fukushima est au premier plan des efforts pour redorer l’image de la région. Il espère ainsi surmonter les préjugés toujours présents plus de dix ans après la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011.

Un vignoble à la rescousse d’une région

La préfecture de Fukushima a toujours été reconnue pour ses fruits. C’est en se basant sur cette réputation que le vignoble Ôse (Fukushima Ôse Winery) tente de redorer le blason de la région, toujours en proie à une mauvaise image plus de dix ans après la catastrophe nucléaire.

Fondé en 2015, le vignoble s’est installé sur les 9 000 m2 d’espace entre le centre de la ville de Kôriyama et le lac Inawashiro. Depuis son établissement, l’entreprise travaille avec la municipalité ainsi que la Fondation de soutien aux désastres de Mitsubishi Corporation pour encourager les producteurs fruitiers de Fukushima et les aider à vendre.

Le bâtiment du vignoble Ôse, dans un magnifique site naturel, abrite des équipements de pointe, une boutique et une salle pour les séminaires (photo avec l’aimable autorisation du vignoble Ôse).
Le bâtiment du vignoble Ôse, dans un magnifique site naturel, abrite des équipements de pointe, une boutique et une salle pour les séminaires (photo avec l’aimable autorisation du vignoble Ôse).

Le bâtiment principal du vignoble abrite un ensemble impressionnant d’équipements, y compris 29 cuves de fermentation, un alambic pour la distillation des alcools, des pressoirs, et des machines de mise en bouteille. Les premiers produits de l’établissement, du cidre et des eaux de vie, ont déjà donné de bons résultats lors de concours tenus au Japon et à l’étranger. La première cuvée de vin a été mise sur le marché en 2019 sous le nom de « Vin de Ollage », recevant des éloges pour son goût vif et pur.

Outre les installations de production, une boutique propose la dégustation des vins et un espace est disponible pour des séminaires. Les visiteurs peuvent aussi profiter du lac Inawashiro, du parc Jôdomatsu et de plusieurs sources thermales à proximité.

Les cuves de fermentation du vignoble ont une capacité totale de 50 000 litres.
Les cuves de fermentation du vignoble ont une capacité totale de 50 000 litres.

Un coin dégustation dans la boutique propose aussi des boissons non alcoolisées préparées avec des fruits de la préfecture de Fukushima.
Un coin dégustation dans la boutique propose aussi des boissons non alcoolisées préparées avec des fruits de la préfecture de Fukushima.

Du cidre et de l’eau de vie qui ont reçu des prix

Suite à la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011, la préfecture de Fukushima n’a cessé de lutter pour dissiper les inquiétudes à propos de la sécurité de ses produits agricoles. Même 11 ans après, certains préfèrent s’abstenir de consommer de fruits et légumes frais, ou produits de la pêche, venant de Fukushima. Les producteurs se trouvent souvent obligés de vendre des produits haut de gamme pour un rien, et une grosse partie de leur production finit en ingrédients pour d’autres produits alimentaires... Pour surmonter cette difficulté, une approche se base sur le développement d’un réseau regroupant les producteurs avec ceux qui peuvent ajouter de la valeur aux produits, comme par exemple en faire la promotion ou les vendre directement au consommateur.

Le vignoble Ôse a pris les devants pour soutenir et encourager la production locale de raisins, mais la patience doit être de mise car ce n’est qu’après trois ans qu’un nouveau vignoble peut commencer à produire du vin. Entre temps, l’entreprise s’est lancée dans la production de cidre et d’eaux de vie à base de pêches et de poires asiatiques.

Son cidre (baptisé tout simplement « Cidre ») est élaboré à partir de pommes cultivées dans la préfecture de Fukushima. Depuis son lancement en 2016, il a remporté des prix au Japon et à l’étranger, y compris le grand prix du Fuji Cider Challenge 2020. De même, son eau de vie à la pomme (appelée « Ôse Pomme »), a décroché une médaille d’argent au concours International Wine and Spirits Competition de 2019, avec le score le plus élevé pour une telle boisson.

Le stock entier du « Cidre » 2018 de Fukushima, gagnant du Fuji Cider Challenge 2020, est épuisé.
Le stock entier du « Cidre » 2018 de Fukushima, gagnant du Fuji Cider Challenge 2020, est épuisé.

Des visiteurs admirent de près les pieds de vigne dans une parcelle d’essai au vignoble (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).
Des visiteurs admirent de près les pieds de vigne dans une parcelle d’essai au vignoble (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).

Le vigneron Sasaki Hiroshi, un vétéran qui a travaillé plus de 25 ans dans la principale région viticole du Japon, la préfecture de Yamanashi, est maitre de chai au vignoble Ôse. Il est modeste quand il décrit son rôle, disant que ce sont les producteurs de raisins qui méritent les compliments.

« 80 à 90 % de la qualité d’un vin dépend du raisin », dit-il, en remarquant l’excellence des vignes locales. « Les enthousiastes pourront s’attendre avec plaisir à une plus grande palette de vins de Fukushima. » Il reste aussi très optimiste sur les autres produits futurs de la préfecture : « Tous les fruits produits à Fukushima sont excellents et serviront à faire de très bonnes eaux de vie. »

Le vigneron Sasaki Hiroshi explique l’utilisation de l’alambic allemand pour la production de spiritueux.
Le vigneron Sasaki Hiroshi explique l’utilisation de l’alambic allemand pour la production de spiritueux.

Produire du vin avec amour

Le vin de la marque Vin de Ollage a été mis en vente en mars 2019, huit ans après la catastrophe nucléaire. Le mot « ollage » (prononcé oragué) vient en fait du patois local, dans lequel il veut dire « chez moi ».

À  gauche une bouteille de Cidre 2017. Au centre, deux bouteilles du Vin de Ollage. À droite, une bouteille de Muscat Bailey A & Steuben Rosé 2020, un mousseux élaboré à partir de raisins cultivés dans la ville de Aizu-Wakamatsu, dans la préfecture de Fukushima.
À gauche une bouteille de Cidre 2017. Au centre, deux bouteilles du Vin de Ollage. À droite, une bouteille de Muscat Bailey A & Steuben Rosé 2020, un mousseux élaboré à partir de raisins cultivés dans la ville de Aizu-Wakamatsu, dans la préfecture de Fukushima.

Au départ, le vignoble Ôse achetait ses raisins chez six producteurs, mais cela a maintenant augmenté à treize. Sasaki remarque que la quantité et la qualité des vendanges s’améliore d’année en année.

« Les vignes sont encore jeunes, donc nous profitons de cette fraicheur dans les vins que nous produisons, mais nous avons déjà des raisins qui sont exceptionnels de par leur teneur en sucre. Je pense que nos vins pourront bientôt faire concurrence avec ceux produits ailleurs au Japon. »

Maintenant que le vignoble a produit ses premières cuvées, les vignerons ont gagné en motivation pour cultiver de meilleurs raisins, pour un vin encore plus délicieux. Certains rêvent même de voir un jour des vins produits exclusivement de leurs raisins.

Nakao Hideaki, propriétaire de Nakao Grape Farm, dans un de ses vignobles. Ce vignoble cultive des vignes depuis 45 ans, mais n’est passé aux variétés pour la production du vin qu’en 2016 (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).
Nakao Hideaki, propriétaire de Nakao Grape Farm, dans un de ses vignobles. Ce vignoble cultive des vignes depuis 45 ans, mais n’est passé aux variétés pour la production du vin qu’en 2016 (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).

Nakao Hideaki se satisfait de voir que ses raisins sont utilisés pour faire du vin (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).
Nakao Hideaki se satisfait de voir que ses raisins sont utilisés pour faire du vin (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).

Le vin pour la promotion de Fukushima à travers le monde

Kawauchi Kôki est le directeur du vignoble Ôse depuis 2020. « Je suis vraiment touché par l’attention que les producteurs portent à leur raisin et leurs efforts constants pour en améliorer la qualité. Pendant l’ère Meiji (1868-1912), on pensait que la terre à Kôriyama ne donnait rien, mais la mise en place dans les années 1880 d’un réseau de canaux d’irrigation qui a ramené l’eau du lac Inawashiro a rendu le sol fertile. Je suis convaincu que cet esprit pionnier est toujours présent à Fukushima et qu’à travers notre entreprise nous réussirons à faire pousser du raisin de cuve ici. »

Kawauchi Kôki (gauche) et le vigneron Sasaki Hiroshi, avec des bouteilles de Vin de Ollage 2019
Kawauchi Kôki (gauche) et le vigneron Sasaki Hiroshi, avec des bouteilles de Vin de Ollage 2019

Kawauchi est né à Kôriyama et a grandi le long du fleuve Ôse avant de quitter la région à l’âge de 18 ans. Au moment de la catastrophe nucléaire, il travaillait dans une société de commerce et était en voyage d’affaires en Allemagne. Il a fondu en larmes quand il a entendu à la radio, dans un taxi, la nouvelle de cette tragédie. Le fait que tant de gens qui n’avaient jamais entendu parler de Fukushima n’ont connu que ces images négatives l’a bouleversé. C’était comme si la région où il était né allait disparaître. Il se sentait désemparé.

Affecté à Bangkok par la suite, il a appris que la fondation de secours de Mitsubishi Corporation allait créer un vignoble à Kôriyama et s’est promis d’y travailler un jour. C’était encore plus réjouissant pour lui que le vignoble s’appellerait Ôse.

Aujourd’hui, Kawauchi considère son travail comme un défi : « J’applique ce que j’ai appris dans mon poste précédent, et je travaille avec mes anciens camarades de classe pour faire connaître ce vignoble, Kôriyama et Fukushima. »

Suite à de nouvelles réglementations, il s’est mis à encourager les producteurs de raisins à acquérir des permis pour vendre des boissons alcoolisées. « L’idéal est de les soutenir afin qu’ils puissent produire du vin à partir de leurs raisins et commercialisent eux-mêmes leurs propres vins. »

Ce vin serait vraiment du vin « ollage », de chez eux....

La qualité des raisins à cuve produits à Nakao Grape Farm ne fait que s’améliorer (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).
La qualité des raisins à cuve produits à Nakao Grape Farm ne fait que s’améliorer (photo avec l’aimable autorisation du département d’agriculture et des forêts de la ville de Kôriyama).

Si le vignoble Ôse arrive à se faire connaître pour un produit qui a bon goût et de bonne qualité, cela aiderait à pallier l’image de la préfecture, toujours négative encore aujourd’hui. Ce ne sera pas simple d’arriver à une qualité égale à celle que l’on trouve dans les grandes régions viticoles du monde, mais les producteurs et viticulteurs de Kôriyama sont prêts à relever le défi.

Fukushima Ôse Winery

  • Adresse : 2 Tadano aza-Gôshigôshi, Ôse-machi, Kōriyama-shi, Fukushima-ken
  • Horaires : 10 h à 16 h. Fermé le lundi
  • Tarifs : Visite gratuite. Dégustation de vin : 300 yens par verre.
  • Accès : 30 minutes en voiture de la gare JR Kôriyama

(Reportage, texte et photos de Nippon.com, sauf mentions contraires)

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