Futaba : reconstruire sur les souvenirs de la triple catastrophe de Fukushima

Tourisme Catastrophe

Plus de dix ans après le séisme, le tsunami et l’accident nucléaire de Fukushima, les habitants ont finalement pu rentrer dans la ville lourdement sinistrée de Futaba. Elle y abrite maintenant un musée mémorial de la catastrophe et un centre pour la reconstruction, disposant de restaurants et de boutiques. Il est également possible de se rendre à vélo sur les ruines d’un quartier résidentiel et d’une école primaire, afin de constater l’ampleur du désastre. Reportage sur le terrain.

L’ordre d’évacuation enfin levé après onze ans

En arrivant à Futaba fin septembre (2022), nous constatons immédiatement que les travaux de reconstruction ont bien avancé, tels que les logements sociaux pour les sinistrés à l’ouest de la gare, et le nouveau bâtiment de la mairie à l’est.

Vu sa proximité avec la centrale endommagée de Fukushima Daiichi, Futaba s’est trouvée sous l’ordre d’évacuation et interdiction d’habitation totale la plus longue suite à l’accident nucléaire de 2011. Ce n’est que le 30 août 2022 que l’ordre a été levé pour la zone de reconstruction autour de la gare. La mairie, dont les services avaient été transférés à la ville d’Iwaki, a rouvert ses portes à l’intérieur de Futaba le 5 septembre. Un mois plus tard, le 1er octobre, les anciens résidents ont pu commencer à regagner leur ville pour la première fois depuis onze ans, une fois la construction de 25 nouvelles habitations sociales à côté de la gare terminée.

La structure en bois de la nouvelle mairie ne passe pas inaperçue. Futaba n’avait plus de services administratifs depuis mars 2011.
La structure en bois de la nouvelle mairie ne passe pas inaperçue. Futaba n’avait plus de services administratifs depuis mars 2011.

Le projet de logements sociaux pour les sinistrés, à l’ouest de la gare de Futaba, joue un rôle primordial dans la revitalisation du centre-ville.
Le projet de logements sociaux pour les sinistrés, à l’ouest de la gare de Futaba, joue un rôle primordial dans la revitalisation du centre-ville.

Le musée mémorial du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et de l’accident nucléaire de Fukushima, et le Futaba Business Incubation and Community Center (F-BICC), qui se trouvent dans la zone de restructuration industrielle de Nakano, plus près de la mer, ont ouvert leurs portes en automne 2020. Ils accueillent les touristes, mais aussi les personnes qui ont été impactées par le séisme ainsi que des groupes d’étudiants.

Jusqu’au musée, le trajet en navette à partir de la sortie est de la gare de Futaba ne prend que six minutes. En route, en peut voir l’avancement des travaux de reconstruction de la ville le long de la route nationale, et même admirer les peintures murales aux couleurs vives qu’on aperçoit du Futaba Art District.

La gare JR Futaba a ouvert ses portes en mars 2020.
La gare JR Futaba a ouvert ses portes en mars 2020.

Les horaires des navettes entre la gare et le musée correspondent aux horaires de trains. Le trajet coûte 200 yens pour les adultes et 100 yens pour les enfants. On peut aussi acheter des billets aller-retour à prix réduit.
Les horaires des navettes entre la gare et le musée correspondent aux horaires de trains. Le trajet coûte 200 yens pour les adultes et 100 yens pour les enfants. On peut aussi acheter des billets aller-retour à prix réduit.

D’énormes peintures murales parsèment la ville et égaient les secteurs si longtemps abandonnés.
D’énormes peintures murales parsèment la ville et égaient les secteurs si longtemps abandonnés.

À seulement quatre kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi

Le chauffeur de la navette nous a conseillé de commencer par la plateforme d’observation sur le toit du bâtiment du F-BICC. Si la vue de la « terrasse de la mer » du musée est déjà magnifique, celle-là est plus haute et on aperçoit les cheminées de la centrale de Fukushima Daiichi et l’installation de stockage provisoire des déchets radioactifs au sud.

Les travaux de démantèlement continuent à la centrale nucléaire qui chevauche les villes de Futaba et Ôkuma. Les réacteurs 5 et 6, du côté de la ville de Futaba n’ont pas subi la destruction due aux explosions provoquées par des soufflages d’hydrogène dans les réacteurs 1 à 4, situés du côté de la ville d’Ôkuma. Le bâtiment du F-BICC se trouve à seulement quatre kilomètres de la centrale, et il est possible de saisir de cette distance, même à l’œil nu, l’échelle de l’installation.

Le F-BICC regroupe des entreprises locataires qui travaillent à la reconstruction, tel que le QG pour la revitalisation de Fukushima de Tokyo Electric Power (TEPCO). Le site propose aussi des salles de conférence disponibles pour des symposiums et des ateliers, un espace de co-working, et plusieurs restaurants.
Le F-BICC regroupe des entreprises locataires qui travaillent à la reconstruction, tel que le QG pour la revitalisation de Fukushima de Tokyo Electric Power (TEPCO). Le site propose aussi des salles de conférence disponibles pour des symposiums et des ateliers, un espace de co-working, et plusieurs restaurants.

La construction du parc mémorial de la reconstruction de Fukushima avance le long de la côte, au nord-est. Au premier plan, on peut voir les maisons en ruines du quartier résidentiel de Nakano.
La construction du parc mémorial de la reconstruction de Fukushima avance le long de la côte, au nord-est. Au premier plan, on peut voir les maisons en ruines du quartier résidentiel de Nakano.

L’installation de stockage provisoire des déchets radioactifs est immédiatement au sud. On aperçoit les cheminées de la centrale au delà des collines.
L’installation de stockage provisoire des déchets radioactifs est immédiatement au sud. On aperçoit les cheminées de la centrale au delà des collines.

Depuis l’incident de mars 2011, des communes de toute la région du Tôhoku (nord-est du pays) ont construit des musées pour préserver et partager les leçons de la catastrophe. La plupart d’entre eux proposent des expositions liées au tsunami, tandis que le musée mémorial du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et de l’accident nucléaire de Fukushima privilégie plutôt la tragédie de la centrale et le travail de décontamination et de démantèlement qui s’est ensuivi, soulignant la complexité da la catastrophe vécue par Futaba.

Quatre fois par jour, le F-BICC propose des séances où les victimes directes ou collatérales de la catastrophe peuvent partager ce qu’ils ont vécu. Y sont évoquées les conséquences immédiates et à long terme de ce désastre, comme les remords de ne pas avoir bien pu s’occuper de parents âgés en logements d’évacuation, la crainte de perdre son travail et son domicile, et les relations difficiles avec la famille et les amis dans un environnement de stress constant. Écouter de telles histoires permet aux visiteurs de comprendre l’aspect humain de ce drame et d’en saisir la réalité. Les expositions au musée sont tournantes et renouvelées, ce qui rend les visites répétées toujours aussi intéressantes. (Voir notre article : Onze ans depuis le tsunami et la catastrophe de Fukushima : le résumé des données)

Vue sur le musée mémorial du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et de l’accident nucléaire de Fukushima à partir du toit du F-BICC. La structure a aussi une terrasse d’observation sur le toit.
Vue sur le musée mémorial du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et de l’accident nucléaire de Fukushima à partir du toit du F-BICC. La structure a aussi une terrasse d’observation sur le toit.

Divers sujets touchant à la catastrophe sont inclus dans les expositions.
Divers sujets touchant à la catastrophe sont inclus dans les expositions.

Cette voiture de pompiers, détruite par le tsunami, est exposée à l’extérieur, à côté de la copie d’une banderole de promotion de l’énergie nucléaire qui était autrefois exposée en ville.
Cette voiture de pompiers, détruite par le tsunami, est exposée à l’extérieur, à côté de la copie d’une banderole de promotion de l’énergie nucléaire qui était autrefois exposée en ville.

En vélo jusqu’aux ruines

Le système de vélos en libre-service est un moyen facile d’aller au delà du musée et de visiter le quartier de Nakano, ravagé par le tsunami, le futur site du parc mémorial de la reconstruction de Fukushima, ainsi que le musée commémoratif dans l’ancienne école primaire d’Ukedo. Il existe une station de vélos à l’extérieur du bâtiment du F-BICC.

La station de vélos en libre-service à l’extérieur du bâtiment F-BICC
La station de vélos en libre-service à l’extérieur du bâtiment F-BICC

Les vélos sont proposés au prix de 100 yens, remboursés au retour.
Les vélos sont proposés au prix de 100 yens, remboursés au retour.

Les ruines du quartier résidentiel de Nakano sont un témoignage de l’ampleur du tsunami. La seule structure reconstruite, au centre, est le sanctuaire de Nakano Hachiman.
Les ruines du quartier résidentiel de Nakano sont un témoignage de l’ampleur du tsunami. La seule structure reconstruite, au centre, est le sanctuaire de Nakano Hachiman.

Le parc mémorial de la reconstruction devrait ouvrir ses portes en 2025. Une « colline du souvenir » et un parvis pour les offrandes de fleurs serviront de monuments aux victimes. Pour l’instant, la seule partie ouverte au public est une plateforme d’observation située à environ cinq minutes en vélo du F-BICC. Le niveau supérieur est à 11 mètres au dessus du niveau de la mer, la même hauteur que la colline du souvenir quand elle sera terminée. Une balise à 16,5 mètres du sol indique la hauteur du tsunami qui a ravagé ce lieu.

L’école primaire d’Ukedo se situe dans la ville de Namie, à environ cinq minutes de là. Lorsque la catastrophe est survenue, les enseignants ont immédiatement pris la décision d’évacuer les enfants vers le mont Ôhira, à proximité, et tous ceux présents ce jour là ont été épargnés. Par contre, les bâtiments de l’école ont été gravement touchés. Le toit et les murs des salles de classe au rez-de-chaussée ont été emportés, ne laissant en place que l’infrastructure en acier. Le bâtiment ravagé demeure en témoignage de la violence du tsunami et de l’importance d’une bonne préparation aux désastres. Le premier étage qui avait été inondé ainsi que le nouveau bâtiment administratif contiennent des vidéos et d’autres pièces qui montrent Namie au moment de la tragédie et partagent le vécu des victimes.

La plateforme d’observation du parc mémorial de la reconstruction de Fukushima
La plateforme d’observation du parc mémorial de la reconstruction de Fukushima

Le rez-de-chaussée de l’école primaire d’Ukedo a été complètement submergé par le tsunami. Des expositions au premier étage décrivent le sinistre de Namie.
Le rez-de-chaussée de l’école primaire d’Ukedo a été complètement submergé par le tsunami. Des expositions au premier étage décrivent le sinistre de Namie.

Une salle de classe ravagée témoigne de la force destructrice du tsunami
Une salle de classe ravagée témoigne de la force destructrice du tsunami

Des restaurants et des boutiques sur place

F-BICC propose aussi des lieus où les visiteurs peuvent se restaurer et se reposer. Le restaurant Penguin, dans l’aire de restauration, était situé devant la gare de Futaba jusqu’en 2007 et était très apprécié des lycéens à la sortie des cours. Les gérants ont pensé que comme les commerces du coin étaient peu nombreux, l’idée de gouter à des mets familiers donnerait envie à d’anciens habitants de Futaba d’y revenir. Penguin a agrémenté son sandwich phare, mais les crèmes glacées et autres desserts restent les mêmes.

Sendantei, un restaurant de yakisoba, attire aussi la clientèle. Leurs nouilles frites typiques de Namie, faites avec des nouilles râmen ultra épaisses, de la poitrine de porc et des pousses de soja, se sont vues attribuer le « Grand Prix B1 » en tant que mets régional populaire. La boutique Sunplaza Futaba se trouve à côté des restaurants et propose un grand choix de produits locaux aux visiteurs qui attendent les navettes.

L’aire de restauration au rez-de-chaussée de F-BICC propose des plats régionaux.
L’aire de restauration au rez-de-chaussée de F-BICC propose des plats régionaux.

Le sandwich phare de Penguin, à la côtelette de porc (600 yens), des frites (280 yens) et une crème glacée (300 yens)
Le sandwich phare de Penguin, à la côtelette de porc (600 yens), des frites (280 yens) et une crème glacée (300 yens)

Le yakisoba typique de Namie (650 yens) est servi garni d’un œuf cru.
Le yakisoba typique de Namie (650 yens) est servi garni d’un œuf cru.

Sunplaza Futaba propose des produits de la mer, de l’artisanat local, et du saké de la région.
Sunplaza Futaba propose des produits de la mer, de l’artisanat local, et du saké de la région.

Futaba Business Incubation and Community Center (F-BICC)

  • Adresse : 1-1 Ôaza-Nakano Aza-Takada, Futaba-chô, Futaba-gun, Fukushima-ken
  • Horaires : 9 h à 18 h
  • Fermé entre le 29 décembre et le 3 janvier
  • Accès : six minutes en navette depuis la gare JR Futaba (ligne Jôban), ou dix minutes en vélo

(Reportage, texte et photos de Nippon.com)

tourisme Fukushima reconstruction