Vers une nouvelle ère impériale, vers un nouveau Japon

Mariages impossibles et malaises : la véritable crise de la maison impériale

Politique

Une nouvelle série de débats politiques visant à garantir la stabilité de la maison impériale japonaise s’est soldée (une fois de plus !) par un échec. Alors que les membres féminins quittent la famille par le mariage, le nombre de ses représentants ne cesse de diminuer. La probabilité que des personnes extérieures acceptent d’y entrer semble également particulièrement faible, même si cela devenait possible, observe un spécialiste des questions impériales.

Beaucoup de discours, rien de concret

Depuis des décennies, assurer une succession stable au trône du Chrysanthème constitue l’un des défis les plus tenaces du système politique japonais. La loi actuelle n’autorise l’accession au statut d’empereur qu’aux hommes nés d’un père issu de la lignée impériale, et un seul garçon (le prince Hisahito, né en 2006) est venu au monde depuis la naissance de son père, le prince héritier Fumihito, en 1965. L’empereur et l’impératrice actuels n’ont qu’un enfant, la princesse Aiko, aujourd’hui âgée de 23 ans. En tant que femme, elle n’est pas autorisée à devenir souverain.

La famille impériale aujourd’hui

À l’issue de longues discussions entre les partis au pouvoir et d’opposition, on espérait que les présidents des deux chambres de la Diète parviendraient à faire adopter une proposition de réforme de la Loi sur la maison impériale durant la session ordinaire qui s’est achevée fin juin 2025. Mais les négociations ont échoué, et la perspective d’un règlement à court terme s’est éloignée. Les grandes lignes des propositions s’articulaient autour de deux points : d’abord, permettre aux femmes de la famille impériale de conserver leur statut après leur mariage, et ensuite, réintégrer des descendants masculins d’anciennes branches de la famille impériale afin d’augmenter le nombre d’héritiers potentiels.

Fin mai, les deux chefs de file des discussions, Asô Tarô (conseiller principal du Parti libéral-démocrate) et Noda Yoshihiko (chef du Parti constitutionnel-démocrate), s’étaient entendus pour mettre de côté la seconde proposition, en raison de questions constitutionnelles et d’une opposition publique marquée. Ils avaient décidé de donner la priorité à la possibilité pour les femmes de conserver leur statut impérial après leur mariage. Mais même sur ce point, des divergences importantes subsistaient entre les deux hommes, notamment sur le caractère optionnel ou automatique du maintien du statut, et sur la question de savoir si le mari et les enfants de la femme concernée devaient eux aussi se voir conférer un statut impérial. Ils s’étaient néanmoins accordés pour aller de l’avant, dans l’espoir de faire au moins un pas sur un sujet bloqué depuis des années.

Début juin, les négociations se sont brutalement arrêtées lorsque Asô a déclaré qu’il ne pouvait finalement pas accepter la mise de côté de la seconde proposition. Il restait attaché à l’idée de réintégrer des descendants d’anciens membres de la famille impériale. Noda a répliqué en l’accusant d’avoir renversé la table des négociations et réduit à néant tous les progrès accomplis. Nukaga Fukushirô, président de la Chambre des représentants, a affirmé espérer parvenir à un accord lors de la session extraordinaire de la Diète à l’automne, mais cela semble franchement peu probable. Ayant suivi depuis vingt ans les débats politiques sur la succession impériale, je suis convaincu que la véritable position du PLD, influencée par les convictions inflexibles de ses conservateurs les plus stricts en faveur d’une succession masculine, est de ne rien faire. À leurs yeux, la Loi sur la maison impériale actuelle, qui consacre clairement le principe de la succession patrilinéaire, représente la meilleure solution possible et ne mérite aucune révision.

Mais si le parti au pouvoir persiste à défendre ce principe, la maison impériale risque fort de s’éteindre. Le nombre de ses membres est déjà en net déclin. Les enquêtes d’opinion révèlent un soutien public constant en faveur d’une impératrice régnante. Le PLD sait qu’il ne peut pas rester totalement inactif. Pour se couvrir politiquement, il organise des commissions d’experts et engage des discussions avec l’opposition, mais ces démarches s’achèvent toujours par des critiques, l’échec des négociations et un report de la décision à une date indéterminée. Bien qu’il évoque régulièrement la possibilité de restaurer les anciennes lignées masculines, aucun travail de fond n’a été entrepris sur la faisabilité d’un tel projet, et aucun signe d’enthousiasme réel ne transparaît, sans doute parce qu’il n’est pas vraiment question de le mettre en œuvre.

Cela ne signifie pas pour autant que le parti est prêt à rester les bras croisés et regarder la maison impériale s’éteindre naturellement. À mon avis, la plupart de ses membres estiment tout simplement que ce n’est pas leur responsabilité. Ils préfèrent laisser aux générations politiques futures le soin de gérer la situation quand elle deviendra critique. Pour quiconque se soucie sincèrement de l’avenir de la famille impériale, c’est une situation décourageante. Le samouraï et peintre Watanabe Kazan (1793-1841) disait un jour : « Ne te laisse pas piéger par des calculs à court terme au point d’oublier de penser au siècle futur. » Malheureusement, rares sont les hommes politiques aujourd’hui capables de suivre ce conseil…

« Une pénurie de conjoints » : l’avertissement prémonitoire du prince Takahito

Soyons réalistes. Même si les dernières négociations avaient débouché sur un accord pour réviser la Loi sur la maison impériale afin de permettre aux femmes d’accéder au trône à l’avenir, cela aurait-il réellement changé la donne face à la crise actuelle de la succession ? Je ne le crois pas. Pourquoi ? Parce que le vrai problème n’est pas tant le sexe du successeur que sa capacité à se marier. La véritable crise réside dans les difficultés qu’éprouvent les membres de la famille impériale (hommes comme femmes) à trouver un conjoint.

Le taux de fécondité total du Japon, publié en juin 2024 par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, n’était que de 1,15, ce qui constitue un plancher record. Les recherches montrent que 80 % de la baisse des naissances est due au recul du mariage. Aux raisons économiques s’ajoutent également des évolutions dans la perception du mariage et de la famille. En 1990, environ 5 % des hommes et des femmes restaient célibataires toute leur vie. En 2020, ce chiffre atteignait près de 30 % chez les hommes et 20 % chez les femmes. Avant la guerre, la famille impériale élargie et l’aristocratie offraient un vivier de partenaires potentiels. Aujourd’hui, la famille impériale doit se tourner vers la population générale. Il est donc inévitable que l’ « ère glacière du mariage » la touche aussi.

L’un des premiers à avoir mis en garde contre la pénurie de conjoints était le prince Takahito de Mikasa, mort en 2016 et figure respectée de la maison impériale. À l’occasion de son 88e anniversaire en 2004, lors d’une émission de radio, il avait évoqué les difficultés qu’avait rencontrées sa mère, l’impératrice Teimei, à s’adapter aux coutumes et au protocole du palais lorsqu’elle était entrée dans la famille impériale. Il avertit qu’avec les médias modernes suscitant un tel émoi autour de la vie de cour, la plupart des gens ordinaires seraient effrayés à l’idée d’en faire partie. Il prévoyait déjà que la situation ne ferait qu’empirer. « Pour une personne issue de la société civile, épouser un membre de la famille impériale est extrêmement difficile. Au Royaume-Uni, pays qui comme le nôtre possède une monarchie, la reine Élisabeth a pu choisir un mari au sein des familles royales et nobles. Mais l’ancienne aristocratie japonaise a été supprimée après la guerre… Avec le recul, cela faisait partie des réformes visant à transformer le système impérial. Résultat : même si nous autorisions l’avènement d’une impératrice, le vrai problème est qu’il serait bien difficile de trouver quelqu’un prêt à l’épouser dans le Japon d’aujourd’hui. »

Le prince Takahito se disait favorable à une impératrice régnante, affirmant qu’« évidemment, cela ne poserait aucun problème », mais qu’il doutait de la viabilité du système. « Concrètement, comment cela fonctionnerait-il ? Cela ne servirait à rien d’ouvrir le trône aux femmes si le système s’éteint après une seule impératrice. C’est, je crois, le véritable problème », expliquait-il, prédisant que la pénurie de conjoints deviendrait bientôt l’enjeu central pour la famille impériale.

Ces dernières années, les discussions publiques sur l’éventualité d’une impératrice se sont multipliées, en partie grâce à la popularité croissante de la princesse Aiko, fille unique de l’empereur et de l’impératrice actuels. Beaucoup de Japonais soutiennent aujourd’hui ouvertement une éventuelle réforme de la loi permettant à Aiko de succéder un jour à son père. Sans doute conscients de cela, de nombreux parlementaires, notamment dans l’opposition, adoptent une position ambiguë : tout en affirmant soutenir une impératrice régnante, ils rejettent l’idée d’une lignée féminine. Une manière habile d’éviter les accusations de discrimination fondée sur le sexe. Cette position est accueillie favorablement par les partisans les plus inflexibles de la succession patrilinéaire. Dans ce scénario, la princesse Aiko pourrait bien monter sur le trône, mais tout enfant né de son union avec un homme du peuple serait exclu de la succession. Une impératrice dans une impasse, en somme, sans aucune remise en question réelle du principe de la lignée masculine.

Un palais plus humain

Mais ceux qui défendent cette position semblent ignorer qu’elle reviendrait à nier les droits humains des héritiers impériaux et de leurs conjoints, et qu’elle ne ferait qu’accentuer le rétrécissement du chemin déjà étroit de la succession. Si les enfants d’une impératrice sont exclus du trône, comment celle-ci, son mari et leurs enfants pourront-ils comprendre et accepter le sens de leur rôle ? Certains feraient bien de se demander ce qu’ils ressentiraient à leur place. La question est tout aussi sérieuse pour les hommes que pour les femmes, mais elle risque d’être particulièrement délicate pour ceux qui épouseraient une impératrice ou une autre femme de la famille, étant donné qu’il n’existe aucun précédent de roturier rejoignant la maison impériale par le mariage.

On peut imaginer ce qui pourrait advenir en observant ce qui se passe à l’étranger. Aux Pays-Bas, avant l’actuel roi, trois reines se sont succédé. Le prince Claus, époux de la reine Beatrix, a souffert de dépression. Le prince Bernhard, mari de la reine Juliana, fut mêlé à un scandale après avoir accepté des pots-de-vin dans l’affaire Lockheed. Je ne veux pas dire par là qu’il faudrait renoncer à l’idée d’une impératrice parce que ce serait trop compliqué. Mais dans une société comme celle du Japon, où les femmes ont été cantonnées pendant des générations au rôle d’épouse au foyer, il faut réfléchir plus sérieusement à ce que cela signifierait pour un homme du peuple d’épouser une impératrice ou une autre femme de la famille impériale. Les difficultés pourraient inclure leurs attaches du passé (vie professionnelle, identité personnelle), mais aussi une crise existentielle plus profonde. La situation de Masako, ancienne diplomate et femme de carrière avant son mariage, donne une idée des épreuves que pourrait rencontrer un futur époux impérial. Elle a souffert de troubles psychologiques bien documentés et de plus, selon la loi actuelle, sa fille unique ne peut accéder au trône.

Rappelons-le : le manque de conjoints adaptés concerne aussi bien les hommes que les femmes. Aux inquiétudes soulevées par le prince Takahito à propos de la pression médiatique s’ajoute aujourd’hui l’influence des réseaux sociaux. Les hebdomadaires mélangent parfois faits et rumeurs, mais en tant que produits d’une longue tradition journalistique, ils conservent un minimum de scrupules. Les réseaux sociaux, eux, sont un espace sans filtre, où chacun diffuse ses opinions sans que personne ne soit responsable de distinguer le vrai du faux. C’est un monde où l’anonymat règne, sans limites ni responsabilité morale. Contrairement aux citoyens ordinaires, les membres de la famille impériale ne répondent pas aux attaques ni ne portent plainte en diffamation. Certains commentateurs semblent éprouver une satisfaction perverse à s’en prendre à une institution qui ne peut se défendre.

On se souvient encore vivement des critiques adressées dans les médias et en ligne à l’impératrice Michiko, à l’impératrice Masako, ou encore au prince héritier Fumihito et à sa famille après les fiançailles de la princesse Mako avec Komuro Kei, un roturier, qui se sont envolés aux États-Unis. Qui ne serait pas quelque peu hésitant en imaginant que lui-même, un proche ou un ami puisse épouser un membre de la famille impériale ?

Peut-être avons-nous trop longtemps oublié une évidence : les membres de la famille impériale sont des êtres humains. Et peut-être que notre manque d’empathie est en train de déclencher une crise qui menace la survie même de l’institution impériale en tant que symbole de l’unité nationale. Si nous voulons que le rôle symbolique de l’empereur perdure, il est urgent de transformer la maison impériale en un lieu plus humain, où des gens ordinaires puissent entrer sans craindre pour leur bien-être ou leur équilibre mental. Si l’on continue d’imposer des règles, un environnement et des obligations insupportables pour la majorité des Japonais, on ne fera qu’accélérer la disparition d’une lignée millénaire.

(Photo de titre : à gauche, le prince Hisahito, fils unique de la famille Akishino, et la princesse Aiko, fille unique de l’empereur Naruhito et de l’impératrice Masako. Jiji)

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