La culture pop nippone se mondialise
Sony prend le box-office mondial d’assaut avec le triomphe planétaire de Demon Slayer
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Diffusé dans plus de 70 % des cinémas dès le premier jour
Demon Slayer : Kimetsu no yaiba — La forteresse infinie est sorti dans les salles japonaises le 18 juillet 2025 (et le 17 septembre en France). Sous-titré « Film 1 : Le retour d’Akaza », il s’agit du second film Demon Slayer, et du premier volet d’une nouvelle trilogie. Il fait suite à Demon Slayer : Kimetsu no yaiba — Le train de l’infini, sorti en octobre 2020, et qui était devenu le plus grand succès cinématographique de l’histoire du Japon.
Près de 75 % des 590 cinémas du pays ont projeté La forteresse infinie dès le jour de sa sortie. Universal Pictures aurait même repoussé la sortie japonaise de Jurassic World Rebirth pour éviter toute concurrence directe avec le blockbuster animé.
En cinq semaines, La forteresse infinie a rapporté 26 milliards de yens (147 millions d’euros) et attiré 20 millions de spectateurs. Le film devrait dépasser les 40 milliards de son prédécesseur d’ici la mi-octobre.
Faire trembler Ghibli sur son trône
La série Demon Slayer accumule les records. Peut-elle désormais s’imposer comme un classique de l’animation japonaise ?
Le record actuel des recettes cumulées pour une série animée japonaise appartient à Détective Conan, dont les 28 films totalisent 140 milliards de yens. Mais pour les films d’animation, il s’agit bien entendu du studio Ghibli, dont les 24 films, produits depuis plus de 40 ans, ont rapporté 169 milliards de yens et attiré 120 millions de spectateurs au Japon.
Selon le Livre blanc sur les loisirs publié par le Centre de productivité du Japon, 31 millions de Japonais sont allés au cinéma en 2024. Les 29 millions de spectateurs du Train de l’infini représentent plus de 90 % de cette fréquentation, et sa diffusion télévisée aurait doublé cette audience. Autrement dit, Demon Slayer dispose d’un immense potentiel pour dépasser Ghibli.
L’industrie cinématographique japonaise a connu une longue période de déclin entre les années 1970 et 1990. Ghibli l’a ressuscitée grâce à son art de l’animation. Princesse Mononoké (1997) a notamment joué un rôle crucial dans le retour du public en salles, alors que la fréquentation avait chuté depuis le pic de 1,1 milliard d’entrées en 1958.
Le phénomène Ghibli, combiné à l’essor des multiplexes, a transformé les vacances familiales (Golden Week, été, etc.) en périodes consacrées aux sorties cinéma. Ce changement culturel majeur, initié par Ghibli seul, pourrait aujourd’hui être surpassé par Demon Slayer.
La forteresse infinie, qui se déroule dans un château s’étendant perpétuellement, adopte un style d’animation 3D unique, ainsi que des scènes de combat à la vitesse vertigineuse. Les effets visuels y sont exploités avec une sophistication inédite. Malgré ses 2 h 35, le film captive sans relâche, entraînant le spectateur dans une montagne russe émotionnelle capable d’émouvoir même les plus jeunes.
Le premier volet, Le retour d’Akaza, est suivi de deux suites prévues. Ensemble, elles devraient engranger jusqu’à 80 milliards de yens et réunir 60 millions de spectateurs. Une nouvelle « demon-slayer-mania » semble inévitable. La série est en passe de réécrire l’histoire de l’animation japonaise bâtie par Ghibli.
Un sabre pourfendant la concurrence
Une étude menée par GEM Partners a mesuré la croissance des fanbases d’anime, de jeux vidéo, de mascottes, de musique et de cinéma. Demon Slayer s’est largement imposé en tant que licence la plus populaire au Japon entre 2020 et 2022.
Début 2022, la série comptait 4,3 millions de fans, avec des pics à 2 millions supplémentaires lors de la diffusion des arcs télévisés Katana Kaji no Sato (printemps 2023) et Hashira-geiko (printemps 2024). La forteresse infinie a provoqué un nouveau pic d’engouement à l’été 2025.
Mais la concurrence s’intensifie : Détective Conan, Chiikawa et d’autres licences populaires renforcent également leurs communautés de fans fidèles.
L’enjeu chinois : franchir la barre des 100 milliards de yens
Si Demon Slayer s’est solidement imposé au Japon, son expansion internationale sera déterminante pour sa croissance future.
Depuis la mi-août, La forteresse infinie est sorti en Indonésie, à Hong Kong, en Malaisie, en Thaïlande et au Vietnam, engrangeant plus de 3 millions de dollars dans chacun de ces pays. Le film est maintenant projeté dans plus de 80 pays, y compris en Europe, en Amérique et en Océanie. Le train de l’infini avait déjà rapporté 120 millions de dollars à l’étranger. La forteresse infinie devrait aisément dépasser ce chiffre.
En Chine, le film n’est pas diffusé dans sa version originale à cause des censures liées aux scènes de combat. Pourtant, lors d’événements comme le Bilibili World, la série y jouit d’une popularité remarquable.
Le marché chinois est crucial pour l’animation japonaise : Suzume (Shinkai Makoto, 2023) y a rapporté 800 millions de yuans, et Le Garçon et le Héron (Miyazaki Hayao, 2024) 790 millions. Si La forteresse infinie était projeté sans censure, il pourrait dépasser ces deux succès, et ses recettes mondiales franchiraient aisément les 100 milliards de yens.
Le joyau d’un empire mondial
Demon Slayer est produit par Aniplex, filiale de Sony Music Entertainment, responsable de la distribution et de la sortie internationale des films d’animation de Sony.
Tout a commencé avec la création de la division animation de Sony Pictures Entertainment, fondée par l’ancien président Ôga Norio et inspirée par Disney. Ôga est aussi à l’origine des rachats de CBS Records (aujourd’hui SME) et de Columbia Pictures, mais également du développement de la PlayStation.
La division animation de Sony était déficitaire jusqu’au succès de Fullmetal Alchemist en 2003, qui a ouvert la voie à de véritables hits tels que Fate et Puella Magi Madoka Magica. Mais c’est avec Demon Slayer qu’Aniplex est devenu un acteur majeur de l’animation japonaise.
Disney avait également connu une crise similaire au milieu des années 1990, avec une baisse de ses revenus liés aux films, avant de rebondir grâce à l’acquisition de Pixar (2006), de Marvel (2009) et de Lucasfilm (2012), qui lui ont permis de sortir blockbuster sur blockbuster.
Pixar, petite société pionnière en animation 3D, avait fait exploser ses recettes grâce à la célèbre franchise Toy Story : 400 millions de dollars en 1995, 500 millions en 1999, 1 milliard en 2010, puis 1 milliard à nouveau en 2019, scellant une alliance fructueuse avec l’empire Disney, dont Pixar est aujourd’hui le cœur créatif. De la même manière, Aniplex est devenu pour Sony ce que Pixar est à Disney.
Sony Group, dont les franchises rayonnent à l’échelle mondiale, a fait de Demon Slayer la pierre angulaire de sa stratégie globale, et vise désormais à détrôner désormais rien de moins que Disney lui-même. Si le phénomène Demon Slayer continue sur sa lancée, ce rêve pourrait bien devenir réalité.
(Photo de titre : des fans le jour de la sortie du dernier film Demon Slayer, le 18 juillet 2025, au Toho Cinemas Hibiya à Tokyo. Kyôdô)

