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Au Japon, la loi sur le contrôle des fonds politiques fonctionne-t-elle comme prévu ?

Politique

La scène politique japonaise est actuellement secouée par un scandale portant sur le financement politique du PLD, le Parti libéral-démocrate, au pouvoir. La loi de contrôle des fonds politiques est censée encadrer, empêcher les abus et surveiller l’origine des flux financiers allant aux différents partis japonais, mais les politiciens de l’Archipel trouvent manifestement de nombreux moyens d’échapper à ces astreintes…

La loi sur le contrôle des fonds politiques est lancée dans les premières années de l’après-guerre, quand en 1948, le quartier général des forces alliées occupant le Japon met en place une réglementation visant à prévenir la corruption des politiques. Au cours des décennies suivantes, cette loi a ponctuellement été renforcée afin de s’ajuster aux nouveaux contextes, notamment à la suite des allégations de corruption ayant mis fin au cabinet du Premier ministre Tanaka Kakuei en 1974 ou au scandale « Recruit » dont le délit d’initié a entraîné la chute de nombreux hommes politiques à la fin des années 1980. La loi a connu en tout 12 remaniements, rapporte le ministère des Affaires intérieures et des Communications.

Les rapports des comptes sur le financement des fonds politiques de 2022, gardés au ministère des Affaires intérieures et des Communications. Photo prise le 21 novembre 2023. (© Jiji)
Les rapports des comptes sur le financement des fonds politiques de 2022, gardés au ministère des Affaires intérieures et des Communications. Photo prise le 21 novembre 2023. (© Jiji)

Mais qu’appelle-t-on « fonds politiques » ? Par ce terme fourre-tout, on désigne l’ensemble des sommes dépensées par les partis et les candidats à la fonction publique dans le cadre de leur activité politique ; l’argent vient principalement de dons privés, d’entreprises et autres groupes, ce financement peut prendre la forme de subventions publiques aux partis financées par l’impôt, ou venir de soirées de levées des fonds. Tous les groupements politiques du pays sont tenus d’adresser au ministère ou aux commissions préfectorales gérant les élections des rapports de compte détaillant la manière dont les fonds ont été levés et dépensés au cours de l’année précédant la déclaration.

Ces rapports de comptes doivent faire état des quatre données suivantes : dons, sommes perçues lors de soirées de levée de fonds, dépenses et actifs. Les personnes physiques faisant des dons plus de 50 000 yens (300 euros) et les groupements finançant des bons de plus de 200 000 yens au cours de l’année doivent être déclarées nominativement. Toute dépense dépassant les 50 000 yens doit avoir un destinataire clairement identifié.

Une loi qui n’est pas sans failles… Celle qui est souvent évoquée est qu’il n’est pas obligatoire de mentionner le nom de ceux qui optent pour un ticket forfaitaire de moins de 200 000 yens. Si la loi sur le contrôle des fonds politiques interdit aux entreprises et autres groupes de faire directement des dons à un homme politique particulier, un groupement affilié à un homme politique peut organiser des soirées pour lever des fonds, ce qui a pu ouvrir une brèche aux entreprises qui acheminent de l’argent. Par ailleurs, de nombreux observateurs rapportent que les tickets pour ces soirées sont souvent achetés en espèces, des conditions idéales pour générer des dessous de table. De plus, les entreprises sont légalement autorisées à faire des dons aux partis politiques, mais les partis distribuent ensuite souvent l’argent perçu aux différents groupes politiques qui leur sont affiliés, ce qui rend difficile le suivi des flux. Une situation complexe qui vaut à la loi sur le contrôle des fonds politiques d’avoir la réputation d’être pleine de failles.

De continuels efforts ont été déployés au fil des ans pour renforcer la législation. Depuis 1994, il est interdit aux sociétés ou groupes de faire des dons à un homme politique en tant que personne physique. En 1999, cette interdiction a été étendue aux groupements gérant les fonds d’hommes politiques. Et, en 2007, un système d’audit sur le financement des activités politiques a été mis en place.

Montant annuel des recettes des groupements politiques

Les données du ministère rapportent que pour 2022, 58 164 groupements politiques ont déposé un rapport de comptes, soit au ministère, soit aux commissions préfectorales. Le montant des recettes de 2022 s’élevait à 209,7 milliards de yens (1,27 milliard d’euros), ce qui représente une hausse de 1,4 % par rapport à 2021. Les dépenses étaient, elles, de 206,3 milliards de yens, une baisse de 0,9 %. Les tickets pour les soirées de levée de fonds représentaient 8,6 % du total (18,1 milliards de yens), une baisse considérable par rapport au record historique de 27,4 milliards de yens atteint lors des soirées de 2006.

(Voir également notre article : De l’éthique politique au sein du Parlement japonais : gros plan sur le « Seirinshin »)

(Photo de titre : le Premier ministre Kishida Fumio, à droite, lève son verre aux côtés de membres de sa faction du PLD lors d’une soirée de levée de fonds à Tokyo. le 17 mai 2023. Jiji)

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