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Le boulier japonais de Tomoe Soroban, outil indispensable pour les cerveaux de demain ?

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Le soroban est tout simplement le mot japonais qui désigne le boulier, cet antique instrument de calcul utilisé pendant des siècles. S’il a en grande partie été remplacé par l’électronique, au Japon, il sert encore d’outil d’enseignement non seulement aux jeunes, pour leur apprendre les méthodes de calcul de base en arithmétique, mais aussi aux moins jeunes afin de maintenir leurs fonctions cérébrales en forme. Nous nous sommes rendus dans la société japonaise Tomoe Soroban pour en apprendre davantage sur l’évolution du rôle joué par ce système de calcul séculaire.

Il est loin le temps où le soroban résonnait dans les écoles, bureaux et magasins du Japon. Au XXIe siècle, il a largement été délaissé au profit des ordinateurs, des calculatrices et plus récemment des applications pour smartphones.

Tomoe Soroban, une société basée à Tokyo, voit néanmoins dans cet outil de calcul un véritable moyen éducatif pour les écoliers et une façon habile d’entretenir les facultés cérébrales des personnes âgées.

Un outil pour les petits et les grands

« Le boulier était largement utilisé lorsque mon père a fondé la société en 1918, mais il l’a été de moins en moins à l’avènement de l'ère numérique », explique la présidente de la société, Fujimoto Tomoe. « Le soroban fait pourtant son grand retour en tant qu'outil pédagogique pour aider les enfants à apprendre à faire des calculs » poursuit-elle.

« Autrefois, les jeunes écoliers l’utilisaient tout naturellement pour faire des maths. Mais l'intérêt pour le soroban a commencé à s'estomper avec l’apparition d’activités extrascolaires telles que la natation et les cours d’anglais. Mais au début des années 2000, retour aux sources. Le boulier réapparaît ! Certains parents inquiets du déclin des capacités en mathématiques des étudiants à l’université désiraient renforcer dès le plus tôt possible les capacités basiques en calcul de leurs enfants, et ils se sont tournés vers le boulier en inscrivant leurs progénitures à des activités de calcul. Ainsi, le soroban longtemps boudé figure maintenant parmi les dix activités les plus pratiquées. »

Fujimoto Tomoe, présidente de la deuxième génération de Tomoe Soroban, a quitté son poste de professeur d’anglais pour diriger la société.
Fujimoto Tomoe, présidente de la deuxième génération de Tomoe Soroban, a quitté son poste de professeur d’anglais pour diriger la société.

Le soroban semble également retrouver sa place d’antan dans les classes d’enseignement obligatoire. Le produit phare de la société, un boulier de 100 billes (comprenez 10 rangées de 10 billes) est ainsi utilisé par un grand nombre de ces mathématiciens en herbe pour faire rimer arithmétique avec ludique.

Les enfants apprennent à compter tout en s’amusant avec le soroban de 100 billes.
Les enfants apprennent à compter tout en s’amusant avec le boulier à 100 billes.

Tomoe Soroban fait également la promotion de son produit phare en tant qu’outil précieux pour maintenir l’esprit des personnes âgées alerte et prévenir des pathologies comme la maladie d’Alzheimer. « Il a été démontré que le calcul arithmétique simple augmente le flux sanguin cérébral, et l'utilisation d'un boulier mobilise également la main de l’utilisateur, ce qui est bénéfique pour maintenir une bonne coordination », explique Fujimoto Tomoe.

La société organise régulièrement des événements dans des maisons de retraite autour du boulier. « Le boulier n’est pas seulement réservé aux additions et soustractions. Il peut également être utilisé pour le bingo par exemple », affirme-t-elle. Ce qui est vraiment bien avec le boulier, c’est qu’il favorise l’interaction sociale. « Les personnes âgées souffrent souvent de solitude donc nous essayons les faire communiquer grâce à cette activité ludique. »

Un succès bien au-delà des frontières de l’Archipel

Tomoe Soroban a passé des dizaines d’années à conter les mille et un bienfaits du boulier à l’étranger. La société a d'abord créé une division spécialisée dans les affaires à l'étranger en 1960, mais c'est sous la direction de Fujimoto Tomoe que la société est passée à la vitesse supérieure pour renforcer son image en dehors des frontières de l’Archipel.

La notice est disponible en 6 langues, dont le français.
La notice est disponible en six langues, dont le français.

« Nous avons lancé notre site internet en 1996. Nous réalisons maintenant la plupart de nos ventes en ligne », dit la présidente. « Les clients peuvent facilement acheter nos produits et les commandes proviennent de presque partout dans le monde. » En plus des commandes à l’international, la société reçoit régulièrement des demandes de personnes de l’étranger désireuses de suivre les cours de formation à l’utilisation du soroban dispensés par la société.

Fujimoto Tomoe se souvient du cas il y a quelques années d'un professeur d'université en Turquie qui cherchait à répandre l’utilisation du boulier dans son pays. « Cette personne a assisté à un cours de deux jours à Tokyo. Elle a ensuite à son tour formé 500 personnes et aux dernières nouvelles, elle dirige maintenant une école dédiée avec un effectif de 25 000 étudiants. » Nous avons également reçu des demandes de la part de personnes originaires des États-Unis, d’Afrique du Sud et des Émirats arabes unis. Fujimoto Tomoe se souvient avec tendresse d'une Sri Lankaise vivant en Angleterre qui avait assisté à une formation pour ensuite elle-même apprendre aux personnes âgées comment utiliser un boulier.

Aux États-Unis, les académies de Harlem Village, situées dans la ville de New York, les écoliers sont initiés au soroban à 100 billes dès le plus jeune âge.  (Photo de 2014, avec l’aimable autorisation de Tomoe Soroban)
Aux États-Unis, dans les académies de Harlem Village, situées dans la ville de New York, les écoliers sont initiés au soroban à 100 billes dès le plus jeune âge. (Photo de 2014, avec l’aimable autorisation de Tomoe Soroban)

Au Danemark, un atelier spécial offre une initiation au boulier pour ces lycéens qui étudient le japonais  (Photo de 2013, avec l’aimable autorisation de Tomoe Soroban)
Au Danemark, un atelier spécial offre une initiation au boulier pour ces lycéens qui étudient le japonais. (Photo de 2013, avec l’aimable autorisation de Tomoe Soroban)

Le boulier au Japon

Bien que le boulier existe depuis des temps immémoriaux, son arrivée au Japon par la Chine ne date que de la fin du XVIe siècle. Son utilisation s'est généralisée au cours de l’époque d’Edo (1603-1868) et s’est peu à peu adaptée pour répondre aux besoins de l’Archipel.

Contrairement aux perles rondes du premier abaque chinois, les colonnes du soroban japonais ont un bord surélevé entourant la partie centrale. Le nombre et la valeur des billes sont également différents. Le boulier chinois a un arrangement standard 2/5 de 2 billes équivalant à 5 chacune sur le rebord supérieur et 5 billes équivalant à 1 chacune sur le rebord inférieur. En 1935, le Japon adopte une structure 1/4 afin que chaque barre puisse représenter des valeurs de 0 à 9.

Fujimoto Tomoe explique que l’application du système décimal a été un développement clef. « Avec un peu de pratique, n'importe qui peut facilement faire des calculs de tête en imaginant la disposition des billes d'un soroban. »

Les bouliers de Tomoe Soroban sont fabriqués dans son usine d'Ono, dans la préfecture de Hyôgo. Les billes sont fabriquées à partir d'une variété particulièrement dure de bouleau et assemblées à la main en rangées sur des chevilles en bambou.
Les bouliers de Tomoe Soroban sont fabriqués dans son usine d'Ono, dans la préfecture de Hyôgo. Les billes sont fabriquées à partir d'une variété particulièrement dure de bouleau et assemblées à la main en rangées sur des chevilles en bambou.

À l’avenir, Tomoe Soroban continuera de conter les mille et une qualités du soroban à travers le monde. Pas de doute, pour la société, le boulier a un futur encore plus prometteur !

(Photos : Nagasaka Yoshiki, sauf mention contraire)

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