Les athlètes paralympiques : des hommes et des femmes exemplaires

Une médaille paralympique pour deux : le couple de judoka Hirose Haruka et Junko

Sport Tokyo 2020

En 2016, lors des Jeux olympiques de Rio, Hirose Junko a été la première Japonaise à remporter la médaille paralympique dans l’épreuve de judo pour les handicapés visuels. Hirose Haruka, son époux et partenaire au sein de l’équipe nationale, veut l’aider à transformer le bronze en or aux Jeux paralympiques de Tokyo 2020.

Hirose Junko HIROSE Junko

Judoka. Née en 1990 dans la préfecture de Yamaguchi. Parrainée par les aciéries Marubeni-Itôchû. Elle a commencé le judo lors de sa cinquième année d’école primaire. À l’université, elle a souffert d’une dégradation de la vue due à la maladie de Still de l’adulte. Est passée au judo pour les handicapés visuels en 2012 puis a remporté une médaille de bronze dans la catégorie des 57 kilos aux Jeux paralympiques de Rio en 2016, devenant par la même occasion la première Japonaise titulaire d’une médaille de judo pour les handicapés visuels.

Hirose Haruka HIROSE Haruka

Judoka. Né en 1979 dans la préfecture d’Ehime. Parrainé par les aciéries Marubeni-Itôchû. Il a commencé le judo à l’âge de huit ans. Ayant fait l’objet d’un diagnostic de glaucome alors qu’il était en première, il est passé ensuite au judo pour les handicapés visuels. Il a concouru dans la catégorie des 100 kilos aux Jeux paralympiques de Pékin en 2008, où il est arrivé en cinquième position, et dans la catégorie des 90 kilos aux Jeux paralympiques de Rio en 2016.

Une première médaille paralympique en judo pour le Japon

En discutant avec les judokas Hirose Haruka et Hirose Junko, je suis frappé par la profondeur de la confiance que partage le couple. En 2016, les deux époux représentaient le Japon aux Jeux paralympiques de Rio — Haruka dans la catégorie masculine des 90 kilos et Hirose dans la catégorie féminine des 57 kilos — et le lien qui les unit les a aidés à remporter une médaille de bronze.

Junko, dont la récompense obtenue pour son classement en troisième place était la première médaille paralympique jamais attribuée à une Japonaise dans l’épreuve de judo pour les handicapés visuels, affirme catégoriquement que son mari a préparé le terrain pour son exploit. « Sans Haruka, je n’aurais jamais remporté de médaille », insiste-t-elle. Haruka acquiesce avec un large sourire : « Tu as raison. »

Junko dit qu’elle était réaliste quant aux chances qu’elle avait en s’engageant dans la compétition — elle n’était même pas classée parmi les trois meilleures athlètes de sa catégorie —, mais qu’après sa victoire à l’issue de son premier combat, elle s’est retrouvée qualifiée pour les quarts de finale contre la Brésilienne Lucia Araujo. Toutefois, la rencontre avec une adversaire redoutable, soutenue par les ovations débridées du public local, l’a déstabilisée et elle a été éliminée de la course à la médaille d’or. Décontenacée, elle s’est lancée dans l’épreuve de repêchage.

Haruka a tout de suite senti que quelque chose n’allait pas. « J’ai eu du mal à reconnaître son visage sur l’écran d’affichage », dit-il. « Toutefois, il était clair que sa défaite l’avait ébranlée. Elle avait le teint terreux. » Il se précipita vers elle, mais au lieu de la consoler, il lui conseilla de renforcer sa garde.

Ce mot d’encouragement tira Junko de sa stupeur, et elle entra dans le combat pour la troisième place avec une énergie renouvelée. Confrontée à l’Espagnole Maria Monica Merenciano Herrero, une adversaire qu’elle n’avait encore jamais battue, elle la jeta sur le tatami avec une projection d’épaule et lui appliqua une immobilisation au sol qui lui valut une victoire par ippon et la médaille de bronze.

Hirose Junko maintient son adversaire au sol et obtient la médaille de bronze dans la catégorie féminine des 57 kilos aux Jeux paralympiques de Rio de 2016. (Jiji)
En maintenant son adversaire au sol, Hirose Junko a obtenu la médaille de bronze dans la catégorie féminine des 57 kilos aux Jeux paralympiques de Rio de 2016. (Jiji)

Le travail acharné l’emporte sur le talent

Plutôt que de prendre ombrage de sa décevante neuvième place aux finales de Rio, Haruka est fier de la victoire de Junko, qu’elle ne doit nullement à la chance, souligne-t-il. « Après nous être qualifiés ensemble pour les paralympiques, je me suis dit que l’un de nous devait ramener une médaille à la maison. Comme je pensais que ma femme avait davantage de chances, j’ai mis mon propre temps de pratique à contribution pour l’aider aussi à s’entraîner. »

En tant qu’athlète, il est conscient qu’en plaçant les performances de Junko au-dessus des siennes il viole les règles du bon sens. « Ce n’est pas que je me désintéresse de mes propres performances en compétition », s’exclame-t-il. « Mais pour que notre approche du judo porte ses fruits, il faut que l’un de nous remporte une médaille. Et il faut bien reconnaître que ma femme a davantage de chances. »

Le raisonnement de Haruka part de la conviction que le travail acharné est toujours un meilleur atout que le talent. En plus du judo, il excelle dans le jujitsu brésilien et participe à des compétitions associant plusieurs arts martiaux. Toutefois, dit-il, ses dons naturels ne pèsent pas bien lourd face à la volonté de s’améliorer qui anime sa femme. « Quel que soit le nombre de ses victoires, elle me demande tout le temps de lui apprendre une nouvelle prise ou une nouvelle technique », explique-t-il, avant d’ajouter que tel a été le cas même après son combat pour la médaille d’or à la Coupe du monde de judo IBSA qui s’est tenue au mois d’avril 2018 en Turquie. « Si j’étais devenu champion du monde », glousse-t-il, « l’entraînement serait la dernière de mes préoccupations. »

Une nouvelle vision pour Junko

Junko est née et a grandi dans la préfecture de Yamaguchi. En cinquième année d’école primaire, l’idée de se mettre au judo lui est venue, inspirée en partie par la lecture du manga de Kawamura Mika Awasete ippon, qui raconte l’histoire romantique d’une lycéenne judoka. Malgré son arrivée comparativement tardive dans ce sport, sa propension à travailler dur lui a valu au bout de quelques années une sélection aux championnats nationaux des écoles secondaires.

Elle a continué de s’entraîner, mais sa situation a radicalement changé au cours de sa première année à l’université, quand la maladie de Still de l’adulte, une rare affection auto-inflammatoire, a provoqué une détérioration de sa vue. Cette maladie se soigne, mais Junko n’a pas réagi au traitement comme on pouvait l’espérer. « Les médecins me garantissaient une guérison complète », explique-t-elle. « Mais ma vue n’est pas redevenue ce qu’elle était. » Junko ne s’est pas pour autant laissée abattre. « Peut-être cela aurait-il été différent si un accident m’avait brutalement privée de la vue. Mais compte tenu de mon cas, j’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur. »

Aussi optimiste qu’elle fût, Junko savait qu’elle devait s’adapter à sa situation. « J’avais peur que ma condition ne fasse obstacle à la direction que je voulais prendre dans la vie. » Puis, en 2012, pour rendre service à un ami, elle a donné un coup de main à l’occasion d’un match de l’équipe féminine japonaise de goalball, laquelle avait remporté la médaille d’or aux Jeux paralympiques de Londres. Alors qu’elle regardait les joueurs se bousculer sur le terrain, le spectacle, les sons et les odeurs de ses années de judo ont resurgi. « Ce fut un tournant pour moi », déclare-t-elle. À l’instant même, elle décida de reprendre la compétition.

« Regarder l’équipe de goalball m’a ouvert une toute nouvelle perspective. Cela m’a convaincu que je devais aller de l’avant avec le judo. » Une fois diplômée de l’université, elle prit un emploi dans une grande compagnie d’assurance à Tokyo et se consacra corps et âme à l’entraînement.

La sueur et le sourire pour Haruka

Haruka a grandi dans la ville de Matsuyama (préfecture d’Ehime). Il a commencé le judo en deuxième année d’école primaire et, au cours de son adolescence, il s’est lancé dans la compétition aux championnats nationaux des écoles secondaires. Dans sa jeunesse, dit-il, il ne faisait « rien d’autre que s’entraîner ». Mais les longues et dures heures de pratique ne l’enchantaient guère et il reconnaît volontiers que le diagnostic de glaucome dont il a fait l’objet au cours de ses études secondaires lui a fourni une bonne raison d’arrêter. « J’étais davantage soulagé de renoncer au judo qu’effrayé de perdre la vue. »

À sa sortie de l’école secondaire, Haruka s’est lancé dans l’étude de l’acupuncture à l’école préfectorale de Matsuyama pour les aveugles. Un jour, son professeur l’a pris à part et l’a encouragé à tenter de rejoindre l’équipe paralympique de judo. Haruka avoue que cette pensée ne lui était jamais venue à l’esprit, mais que la recommandation affectueuse de son professeur l’a convaincu de retourner sur le tatami.

Le judo pour les handicapés visuels est pratiquement identique à son équivalent pour les personnes valides. Les athlètes aveugles et partiellement voyants combattent ensemble au sein des diverses catégories de poids ­— sept pour les hommes et six pour les femmes. La différence la plus notable est que, au début du combat, les judokas se font face, non pas à distance, mais en tenant les manches et le revers du kimono de leur adversaire.

Depuis qu’il s’est remis au judo, Haruka a changé sa façon de pratiquer. Plutôt que de s’entraîner avec acharnement, il attache désormais plus de prix à la joie que lui procure le sport — une approche associant, pourrait-on dire, « la sueur et le sourire ». En 2008, cette nouvelle tactique l’a propulsé en cinquième place aux finales des Jeux paralympiques de Pékin.

Hirose Haruka aux prises avec un adversaire en novembre 2017, au cours du championnat pan-japonais de judo pour les aveugles et les handicapés visuels
Hirose Haruka aux prises avec un adversaire en novembre 2017, au cours du championnat pan-japonais de judo pour les aveugles et les handicapés visuels.

Un mariage de ceintures noires

Les Hirose se sont rencontrés pour la première fois alors qu’ils participaient, au sein de l’équipe nationale japonaise, à un tournoi aux États-Unis à l’été 2013. Junko avoue que Haruka lui a plu dès le début, mais qu’elle était trop timide pour l’aborder. Avec un petit rire, elle dit que « malgré la place centrale qu’il occupait au sein de l’équipe, je l’ai pratiquement ignoré tout au long de la première journée du voyage ». Quoi qu’il en soit, la gaité et la gentillesse naturelles de Haruka n’ont pas tardé à lui faire baisser sa garde.

Peu après le tournoi, ils ont commencé à sortir ensemble, même si la distance ne facilitait pas leur relation, Haruka vivant à Ehime et Junko à Tokyo. Le couple, qui avait beaucoup de choses en commun, faisait de son mieux pour tirer le meilleur parti des rares occasions où il pouvait se rencontrer au cours de l’année.

L’éloignement s’est pourtant avéré difficile. Au bout de deux ans, Haruka a suggéré de jeter l’éponge. Junko était encline à acquiescer, en se disant que ce serait mieux pour l’un comme pour l’autre de se concentrer sur leur préparation en vue des jeux de Rio. Mais elle a suivi son cœur et, plutôt que de rompre avec Haruka, elle lui a fait sur le champ une demande de mariage. Un jour suffit à Haruka pour décider de dire oui.

Dans la fièvre de l’action, Junko a abandonné son travail à Tokyo, fait ses valises et est partie s’installer à Matsuyama. Peu après leur mariage, les Hirose ont reçu une offre de parrainage des aciéries Marubeni-Itôchû et, aujourd’hui, ils s’entraînent pour les jeux de Tokyo 2020. « Ce serait formidable si on arrivait tous les deux à être champions, mais je dois être réaliste en ce qui concerne mes propres chances », dit Haruka. « Mon objectif est de me donner à fond, et que Junko remporte la médaille d’or. »

Pendant les Jeux paralympiques de Tokyo 2020, les Hirose vont constituer une équipe à ne pas perdre de vue, tant sur le tatami qu’en dehors.

(Photos : Kawamoto Seiya, sauf mentions contraires)

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