Une pause-café dans une maison traditionnelle japonaise
Engawa Café : une maison traditionnelle de Tokyo offre une pause dans l’atmosphère d’antan
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Un moment de détente à cheval entre deux mondes
L’Engawa Café, situé dans une maison traditionnelle privée au nord de Tokyo, présente toutes les caractéristiques de l’architecture résidentielle japonaise classique. Le terme engawa désigne un couloir en bois qui marque la transition entre l’intérieur et l’extérieur de la maison. Il laisse entrer la lumière et la fraîcheur des brises saisonnières, atténuant ainsi les écarts de température, ce qui en fait un espace idéal pour se détendre. Autrefois, les voisins pouvaient entrer par le jardin et s’asseoir directement sur le rebord de ce couloir pour discuter, plutôt que de passer par l’entrée principale (genkan).
J’apprécie tout particulièrement la manière créative dont l’engawa est exploité dans ce café.

L’engawa délimite l’intérieur et l’exterieur de la maison.
L’établissement se trouve au sein de la demeure appelée Shôwa no Ie, dans l’arrondissement d’Adachi à Tokyo. Construite en 1939, il s’agit d’une maison traditionnelle japonaise avec une annexe de style occidental, très accueillante. Son architecture soignée et la tranquillité du voisinage m’ont parues idéales pour profiter d’une pause gourmande.
Vers un autre monde
À quatorze minutes de la station Takenotsuka, sur la ligne Tôbu Skytree, se trouve le café en question, dissimulé derrière des murs au blanc immaculé. En franchissant le portail, l’air semble changer peu à peu, au fil d’un petit sentier baigné par la lumière tamisée filtrant à travers les feuillages. Au milieu du chant des oiseaux, j’entends une feuille morte glisser doucement jusqu’au sol.

La pancarte à l’entrée, indiquant que le café est ouvert.
Après avoir franchi les petits rideaux noren de l’entrée, puis retiré mes chaussures, je tourne à droite et longe un couloir où les tatamis sont soigneusement disposés. À travers les immenses baies vitrées, le jardin révèle une nature luxuriante, baignée par la lumière du jour. Le café s’étend tout le long de l’engawa, au-delà des portes coulissantes fusuma, dans une pièce de style japonais équivalant à environ trente tatamis, ainsi que dans deux petites pièces situées à chaque extrémité de la véranda.

L’engawa et la pièce typiquement japonaise très spacieuse, offrant une vue imprenable sur le jardin.
Confortablement installée dans l’engawa, j’examine le menu. Parmi les choix proposés — café latte, thé noir, thé aux fruits… Je me laisse tenter par un café filtre maison, accompagné d’une tarte aux fruits de saison. Trois variantes sont proposées : une tarte aux fraises, une autre aux agrumes, mariant la fraîcheur du citron Kawachi bankan et de l’orange Kiyomi, et enfin une tarte à l’ananas peach pine, une variété cultivée sur l’île d’Ishigaki, à Okinawa. Pour les amateurs de douceurs plus traditionnelles, on peut aussi opter pour un bol de matcha accompagné de gâteaux japonais wagashi, ou pour un anmitsu — un dessert composé de haricots rouges sucrés, de gelée d’agar-agar, de pâte de haricots rouges, le tout nappé d’un sirop de sucre brun.

Les tartes faites maison, accompagnées d’un café préparé avec soin.
La maison et son jardin sont un havre de paix au cœur d’une ville bourdonnante. Lors des après-midis ensoleillés, le jardin dévoile un vert tendre et lumineux : quelques fleurs subsistent encore sur les cerisiers aux branches tombantes, tandis que les azalées, se réveillant doucement, apportent une touche de couleur. Branches de pruniers verts, érables rouges, hortensias en attente de la saison des pluies… chaque saison offre un spectacle unique.
À l’intérieur, les panneaux shôji projettent de délicates ombres sur l’alcôve tokonoma. Si, un jour, la chance vous est donnée de visiter une maison traditionnelle, prenez votre temps pour admirer les moindres détails : les portes coulissantes fusuma, les linteaux ajourés ranma, ou encore les yukimi shôji, ces panneaux de papier coulissants dont la partie inférieure se relève pour offrir une vue relaxante sur le jardin. Juste à l’entrée, une fenêtre ronde s’orne d’un motif porte-bonheur représentant un filet de pêche lancé dans l’eau. Tous ces éléments témoignent non seulement d’un artisanat d’une grande finesse, mais aussi du mode de vie aisé de la famille qui habitait jadis ces lieux.

Des motifs sculptés dans le bois, ajoutant du caractère à la pièce.

Les motifs de la fenêtre, représentant un filet de pêche.
Au nord-ouest de la maison se trouve une pièce de style occidental, autrefois utilisée pour recevoir les clients de l’entreprise de l’ancien propriétaire. Elle sert aujourd’hui de salle d’attente lorsque les places du café sont toutes occupées. Ses portes et fenêtres d’époque, ainsi que le lustre suspendu à un splendide plafond à caissons en bois massif, créent une atmosphère empreinte de nostalgie.

Le plafond à caisson en bois massif de la pièce occidentale du café.
Une maison familiale repensée
La maison fut construite en 1939 par Hirata Genshichi, qui dirigeait un atelier de fabrication de pièces automobiles. À l’époque, la propriété s’étendait sur plus de 6 500 mètres carrés, réunissant l’atelier de Genshichi et la maison familiale. Dix personnes y vivaient : la famille, un jeune domestique et une femme de chambre.
Aujourd’hui, le café est tenu par le petit-fils de Genshichi, Hirata Shigeru, qui me confie qu’autrefois, on pouvait apercevoir le mont Fuji depuis la maison — un panorama difficile à imaginer aujourd’hui. À l’époque, l’atelier était la seule construction dans les environs. Il n’y avait pas de restaurants ni de bars où les employés pouvaient se détendre après une dure journée. Alors, de temps en temps, ils étaient conviés à partager un repas et quelques verres dans la grande pièce zashiki de la maison. C’est pour cela qu’un espace aussi vaste avait été prévu.
Hirata me dit en souriant : « La porte par laquelle vous êtes entrée était autrefois la porte arrière de la maison. Elle ne donnait pas sur la rue, mais aujourd’hui à cause du réaménagement du quartier, la rue passe juste devant. »
Avec le développement du voisinage et l’évolution des modes de vie, la maison et le jardin ont eux aussi connu des transformations. Cependant, une part de leur atmosphère d’origine est restée intacte, figée dans le temps. La pièce attenante à l’engawa servait autrefois d’espace de rangement, et celle d’à côté était réservée au domestique. Il y a plusieurs décennies, des travaux sur les volets extérieurs ont permis de transformer ces pièces en un charmant salon de style occidental, ouvert sur l’extérieur. Assise sur le canapé, je profite d’une vue parfaite sur le jardin, sa verdure éclatante et les branches tombantes des cerisiers en fleur.
Je demande à Hirata pourquoi il a choisi d’ouvrir un café dans cette maison héritée de sa famille.
« Ma mère vivait avec moi, et après son décès, j’ai trouvé dommage que seule la famille puisse profiter de cette vue. Certes, entretenir la maison et le jardin demande de gros efforts, mais j’ai décidé d’ouvrir un café pour partager ce lieu avec d’autres personnes, au-delà du cercle familial. »
En préparant l’ouverture, Hirata s’est souvent plongé dans les souvenirs des trois générations qui ont vécu ici. Pendant les travaux de rénovation, il a dû se séparer de tout le mobilier, y compris d’un kotatsu encastré et de nombreux hibachi, qui étaient autrefois les seules sources de chaleur durant l’hiver. Le froid est mordant dans les vieilles maisons comme celle-ci.

Un mélange harmonieux entre les tatamis et les meubles de style occidental.
Pendant la saison estivale, les moustiques faisaient partie du quotidien, et les moustiquaires étaient indispensables pour dormir en toute tranquillité. Les linteaux de la maison conservent encore les traces des crochets qui servaient à les suspendre. Hirata se souvient avec nostalgie de ces soirées d’été de son enfance, où les enfants bavardaient à voix basse avant de s’endormir profondément, bercés par les effluves persistants des feux d’artifice qu’ils avaient admirés peu auparavant depuis l’engawa, mêlés à l’odeur caractéristique des spirales anti-moustiques que l’on allumait pour éloigner les insectes.
Cela fait maintenant quatre-vingt-six ans que la maison est entretenue avec le plus grand soin. Une imposante lanterne de pierre se dresse dans un coin du jardin, qui autrefois abritait également une cascade et un bassin. Sous une colline artificielle, il y avait même un abri anti-aérien. Aujourd’hui, Hirata confie qu’il consacre la majorité de son temps à arracher les mauvaises herbes qui envahissent le sol moussu du jardin.
Cette maison datant de l’époque Shôwa (1926–1989), avec son magnifique engawa, témoigne de l’attention et de l’affection qui lui ont été portées au fil des décennies. À mes yeux, le café lui-même fait office d’engawa — un espace à mi-chemin entre l’intimité d’une vie familiale et le tumulte de la ville environnante. C’est du moins l’impression que j’ai ressentie, en restant assise là, silencieuse, face à la tranquillité du jardin.
Engawa Café — Shôwa no Ie
- Adresse : 2-5-10 Nishi Hokima, Adachi-ku, Tokyo
- Horaires : 11 h 30 – 18 h 00 (dernière commande à 17 h 30)
- Fermeture : Samedi, dimanche, lundi, et occasionnellement à d’autres moments
- Accès : À 14 minutes à pied de la station Takenotsuka (ligne Tôbu Skytree)
- Site web : http://shouwanoie.jp/ (en japonais uniquement)
(Toutes les photos : © Kawaguchi Yôko)