« 777 » : après « Bullet Train », le jackpot pour l’auteur Isaka Kôtarô ?

Livre Cinéma

Le nouveau livre d’Isaka Kôtarô, 777, est la suite de son précédent ouvrage, Bullet Train, en version française traduite par Céline Cruickshanks. L’ouvrage a même fait l’objet d’un film du même nom avec Brad Pitt. Coccinelle, assassin qui joue éternellement de malchance, reprend du service, cette fois dans un hôtel, d’où il ne parvient pas à s’échapper et qui grouille de tueurs et de personnages au passé sombre.

D’un train à un hôtel de luxe

« Écoute, cette fois-ci, tout va bien se passer. Le boulot est tellement simple. » C’est ce que dit d’un ton rassurant Maria, la responsable, au tueur à gages Nanao. Maria a toujours autant le sourire aux lèvres lorsqu’elle confie une nouvelle mission à « Coccinelle », le nom de code de Nanao. Seulement, voilà, sans surprise, rien ne se passe comme prévu pour ce dernier, qui semble vraiment avoir la poisse dans n’importe quelle situation.

Dans Maria Beetle, paru en 2010 (traduit en français par Céline Cruickshanks sous le titre Bullet Train), l’écrivain Isaka Kôtarô plaçait l’intrigue dans le train à grande vitesse Shinkansen Tôhoku. Coccinelle doit monter à bord du train à Tokyo, récupérer une valise et descendre quelques minutes plus tard à l’arrêt Ueno. Coccinelle, contre qui tout le monde semble décidément s’acharner, découvre que d’autres tueurs se trouvent aussi à bord. Lui, qui devait faire un voyage détendu et descendre une gare plus tard se retrouve mêlé à une affaire riche en rebondissements, où les péripéties s’enchaînent jusqu’au terminus, Morioka, au nord-est du pays, ajoutant presque son propre cadavre à la pile qui s’amoncelle à la fin du voyage.

Pourtant cette fois-ci, dans le roman paru l’année dernière et intitulé 777 (à paraître en anglais sous le titre Hotel Lucky Seven à l’été 2024, dans une traduction de Brian Bergstrom), la mission semble on ne peut plus simple : trouver une homme séjournant dans un hôtel de luxe de la capitale et lui remettre un cadeau d’anniversaire de la part de sa fille. Rien de difficile, n’est-ce pas ? Coccinelle arrive à la chambre, jusqu’ici tout va bien… Mais rien ne va se passer comme prévu puisque Coccinelle se retrouve à couteaux tirés avec l’homme et finit par le tuer. Mais coup de théâtre ! Coccinelle s’est trompé de chambre et l’homme qu’il vient de tuer était un autre assassin. Coccinelle panique mais parvient à remettre le cadeau à son destinataire. Il prend l’ascenseur pour redescendre, mais celui-ci s’arrête bien avant le rez-de-chaussée et Coccinelle se retrouve nez à nez avec un autre tueur qui a lui aussi certain nombre de griefs contre le héros.

Chez l’auteur, l’espace clos en tant que lieu d’intrigue n’est pas nouveau ; dans Bullet Train, l’histoire se déroulait déjà à l’intérieur d’un train et cette fois-ci, dans 777, il s’agit un hôtel de luxe d’où le personnage principal ne parvient pas à s’échapper. Isaka Kôtarô réussit avec brio à remplir cet espace, confrontations dramatiques les unes après les autres, introduisant habilement des personnages aux caractères bien trempés et créant des scènes riches en tension. Les dialogues sont truffés de mots d’esprit et d’humour ; imprégnés de la patte de l’auteur.

Une mémoire infaillible et un hôtel infesté de tueurs

Kamino Yuka, une femme peu fiable qui séjourne à l’hôtel, apparaît comme l’héroïne du livre, aux côtés de Coccinelle. Elle a la particularité d’avoir une mémoire visuelle instantanée et infaillible, grâce à laquelle retenir des informations inutiles telles que les conditions de séjour de l’hôtel devient pour elle un jeu d’enfant. Avec une telle capacité, Kamino était très bonne élève à l’école mais c’est aussi cette mémoire qui est à l’origine de sa solitude et de sa misérable vie. Elle travaille en tant qu’assistante de bureau pour Inui, un homme bien sous tous rapports. Enfin, à première vue, puisqu’il s’agit en fait d’un courtier qui trempe dans bon nombre d’affaires pas très nettes...

Inui utilise les talents de Kamino en lui faisant mémoriser les moindres détails de son travail, lui permettant de faire disparaître chaque preuve physique de ses crimes. Inui se plairait particulièrement à disséquer des êtres humains vivants sous anesthésie. Enfin, c’est ce que disent les rumeurs. Kamino, craignant d’être la prochaine sur la liste des personnes « effacées » en raison de ce qu’elle sait, fait appel à Koko, une pirate informatique d’âge moyen, pour l’aider à s’échapper et à cacher ses traces. Les deux femmes s’enferment à double tour dans une autre chambre de l’hôtel.

Seulement voilà, Inui découvre où se cache Kamino et envoie six assassins à ses trousses pour la kidnapper. Il a besoin d’un mot de passe dont elle seule se souvient. Et c’est là qu’entrent en scène deux autres tueurs ; Makura et Môfu (littéralement « oreiller » et « couverture », rappelant le duo loufoque « Citron » et « Mandarine » de Bullet Train). Dans le restaurant français huppé de l’hôtel, un ancien membre de la Diète, maintenant à la tête d’une agence de renseignement nationale, se dispute avec un journaliste qui tente de lui soutirer des informations sur son passé. Voilà, tout est prêt. Le décor est planté. Place à l’intrigue….

777, jackpot pour l’auteur ?

777, le titre du livre, évoque le jackpot d’un machine à sous. Kamino, acculée, se tourne alors vers Coccinelle. « Pour une fois dans ma vie, j’aimerais remporter le jackpot » lui dit-elle, à bout. Mais Coccinelle n’est pas sûr d’être l’homme de la situation. « Je suis plutôt du genre à casser le bras de la machine. C’est plutôt le genre de type que je suis » lui répond-il.

À l’instar de Bullet Train, le deuxième opus de la série « hommes de main » d’Isaka Kôtarô, le quatrième ouvrage de l’auteur s’articule de manière à ce que chaque chapitre se concentre sur l’action d’un personnage différent. La narration laisse au lecteur à peine le temps de respirer et surtout de lever le nez du livre avant la dernière page. L’auteur présente différentes histoires qui semblent évoluer parallèlement les unes aux autres. Jusqu’au moment où, coup de théâtre, elles finissent par se rejoindre pour le climax de fin. Kamino pourra-t-elle échapper aux six tueurs qui sont à ses trousses ? Coccinelle, qui est entraîné malgré lui dans une fuite désespérée, pourra-t-il sortir sain et sauf du pétrin dans lequel il s’est mis ? Tout autant de questions auxquelles les lecteurs trouveront des réponses à mesure qu’ils découvriront qui se cache derrière tout ce joyeux capharnaüm.

Il est conseillé de lire Bullet Train, mais si ce n’est pas indispensable. L’histoire de 777 peut très bien se comprendre seule. Tout comme Bullet Train, 777 sera probablement publié et traduit en anglais pour une prochaine adaptation sur le grand écran. D’ailleurs, peut-être Isaka Kôtarô avait-il Brad Pitt en tête pour le rôle de Coccinelle lorsqu’il a écrit 777 ?

(Photo de titre avec l’aimable autorisation des éditions Kadokawa)

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