À la découverte du quartier chinois de Tokyo

Société Culture

Les quartiers chinois se sont développés en tant qu’enclaves ethniques au Japon depuis que la nation a ouvert ses frontières au monde extérieur au milieu du XIXe siècle. Plus récemment, alors que le Japon et la Chine établissent des liens économiques plus étroits, un Chinatown s’est dessiné dans le quartier d’Ikebukuro, à Tokyo.

Les trois principaux quartiers chinois du Japon sont situés à Yokohama, Kobe et Nagasaki, trois villes dont les ports ont été ouverts au commerce extérieur à la fin de l’époque d’Edo (1603-1868). Chacun de ces quartiers chinois est devenu une destination touristique majeure. Des magasins vendant de l’artisanat chinois, de la nourriture et du thé sont groupés autour des restaurants chinois, créant une atmosphère dépaysante.

Malgré les relations tendues entre le Japon et la Chine, la foule de visiteurs s’agglutinant le week-end dans le Chinatown de Yokohama est très impressionnante. La cohue des week-ends met en lumière le fait que les Japonais aiment non seulement la cuisine chinoise, mais manifestent également un grand intérêt et une fascination pour cette culture.

Un nombre de nouveaux émigrés chinois en augmentation

À mesure que la Chine procédait à la mise en œuvre de politiques de réforme et d’ouverture à la fin des années 70, le nombre de Chinois voyageant à l’étranger pour travailler ou étudier a augmenté. Ces personnes sont appelées « nouveaux émigrés chinois », par opposition aux personnes qui ont quitté la Chine avant le début de la réforme et de l’ouverture de la Chine, appelées « anciens émigrés chinois ».

J’effectue des recherches sur les quartiers chinois du Japon depuis mes années d’étudiant en master, et suis particulièrement intéressé par les Chinatowns formés par les nouveaux émigrés chinois en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie. Les trois principaux quartiers chinois du Japon sont des enclaves établies par des anciens émigrés chinois, qui interagissent depuis longtemps avec la société japonaise. Est-ce qu’à son tour, avec le nombre croissant de nouveaux émigrés chinois sur l’Archipel, un nouveau Chinatown au Japon ne serait pas en train de voir le jour ? C’est la question que je m’étais alors posé.

Un quartier chinois prend forme dans le quartier d’Ikebukuro, à Tokyo

Un étudiant chinois au Japon m’a aidé à répondre à mon interrogation. Vers la fin des années 1990, il m’avait indiqué qu’Ikebukuro était un endroit particulièrement pratique pour sa communauté, puisqu’il existe de nombreux emplois à temps partiel dans le quartier et des magasins offrant tout les biens nécessaires aux nouveaux émigrés.

Sortie nord de la gare d'Ikebukuro
Sortie nord de la gare d’Ikebukuro

Intrigué par cette déclaration, j’ai commencé à explorer les quartiers autour de la gare d’Ikebukuro et c’est vers son côté nord que j’ai découvert une forte concentration de restaurants chinois, de supermarchés, de librairies, de cybercafés et d’agences de voyages fondés par de nouveaux émigrés chinois. C’était la confirmation visible que, comme je l’avais constaté dans d’autres pays, un nouveau Chinatown était en train de voir le jour sous l’impulsion des nouveaux émigrés. En 2003, j’ai nommé cette zone « Ikebukuro Chinatown ». Dans un premier temps, taper « Ikebukuro Chinatown » sur Internet ne renvoyait qu’à ma page Web, mais aujourd’hui, une requête similaire obtient plus de 100 000 résultats. Le « Ikebukuro Chinatown » a été présenté dans des émissions de télévision et des articles de journaux et de magazines, et de nombreuses personnes ont pris conscience de son existence.

Écoles de langue japonaise et loyers raisonnables

Trois facteurs expliquent la concentration des activités des nouveaux émigrés chinois à Ikebukuro. Premièrement, plusieurs écoles de langue japonaise sont situées dans la zone. Elles ont commencé à se concentrer au sein de la ville de Tokyo dans la seconde moitié des années 1980, et nombre d’entre elles se sont établies dans les quartiers d’Ikebukuro et de Shinjuku. Deuxièmement, de nombreux appartements anciens, avec des loyers raisonnables, se trouvaient à seulement 5 à 10 minutes à pied de la gare. Troisièmement, en tant que l’un des principaux quartiers de commerce et de divertissement de Tokyo, le quartier d’Ikebukuro dispose de moult possibilités de travailler à temps partiel, avec des jobs relativement aisés à obtenir pour les étudiants chinois parlant mal le japonais, tels que de faire la vaisselle dans les restaurants, ou de nettoyer les bâtiments. (Voir notre article : Le travail à temps partiel pour les étrangers au Japon, c’est comment ?)

Le « Zhiyin Chinese Foods », un supermarché chinois au nord de la station, a été d’une importance capitale pour le développement du quartier. Cet établissement est devenu un aimant qui a attiré à proximité de nombreuses entreprises. Pour les nouveaux émigrés chinois cherchant à créer une société, « le nord de la gare d’Ikebukuro » est devenue une véritable marque à l’attrait certain.

Se promener à Ikebukuro Chinatown

L’entrée du quartier chinois d’Ikebukuro est sans conteste la sortie nord de la gare d’Ikebukuro. Yôkôjô, un supermarché chinois doté de panneaux rouges caractéristiques, se situe à une minute à pied de la sortie nord. Au troisième étage de l’immeuble situé de l’autre côté de la rue, se trouve Chinese Foods Youyi Shangdian, successeur de Zhiyin Chinese Foods, dont les étagères sont remplies de toutes sortes de plats chinois. Au premier étage du même bâtiment se trouve Bunseidô, une librairie chinoise.

Contrairement aux trois principaux quartiers chinois du Japon, de nombreuses entreprises chinoises situées à Ikebukuro Chinatown sont situées aux étages supérieurs ou dans les sous-sols d’immeubles multi-locataires. Le rez-de-chaussée est fréquemment occupé par une chaîne de magasins japonaise ou une société japonaise existante depuis un certain temps. Il y a peu de places disponibles pour les nouveaux émigrés chinois qui espèrent créer une entreprise au premier étage. Par conséquent, il est nécessaire de regarder au-dessus de soi pour découvrir le véritable quartier chinois.

Le restaurant Yongxiang, spécialisé dans les raviolis frits au style de Shanghai
Le restaurant Eishô (Yong Xiang), spécialisé dans les raviolis frits à la mode de Shanghai

Ces établissements sont plus accessibles à l’heure du déjeuner,  notamment parce qu’ils proposent un menu simple. Il y a un plat du jour, ainsi que d’autres choix, tels que le tôfu épicé à la sichuanaise, le bœuf et les poivrons sautés, le porc à la sauce aigre-douce, les crevettes sautées à la sauce chili, et la ciboulette chinoise avec du foie. La plupart de ces plats sont accompagnés d’un dessert de gelée à l’amande, et sont vendus à un prix compris entre 680 et 800 yens. Les restaurants chinois sont remplis d’ouvriers et d’étudiants japonais à l’heure du déjeuner. Naturellement, les menus sont disponibles en japonais et le personnel chinois parle japonais. Non loin de la sortie nord de la gare d’Ikebukuro, vous trouverez le restaurant Eishô (ou Yong Xiang), spécialisé dans les raviolis frits au style de Shanghai (shoronpo), pour 400 yens les quatre.

Il n’existe au Japon aucune enclave qui ne soit plus culturellement proche de la Chine que l’Ikebukuro Chinatown. Pour les Japonais ayant des sentiments « ambigus » envers la Chine ou la cuisine chinoise, une visite à Ikebukuro Chinatown peut être une révélation. Pour commencer, dirigez-vous vers le nord de la gare d’Ikebukuro pour découvrir la vraie saveur de la cuisine chinoise.

(Voir également notre article : Le quartier coréen de Shin-Ôkubo : le développement des enclaves ethniques au Japon)

(Photo de titre : le supermarché d’alimentation chinoise Yôkôjô, dans le quartier d’Ikebukuro, à Tokyo)

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