Les animaux au travail

Une équipe de chèvres « paysagistes » pour un centre d’aide aux enfants handicapés à Tokyo

Société Vie quotidienne

Parmi les innombrables animaux domestiques au Japon, certains passent leurs journées paisiblement au foyer. D’autres, par contre, ont des occupations d’une certaine importance, parfois même un véritable travail vis-à-vis de leur propriétaire. Pour notre troisième article, nous sommes allés voir un centre pour enfants en situation de handicap dans l’est de Tokyo, où un troupeau de chèvres enchante les résidents et assiste le personnel pour entretenir les terrains de manière impeccable !

Des chèvres aménagent naturellement le paysage

Des pentes raides et en terrasse luisent au soleil derrière le Centre Shimada Ryôiku, situé dans la ville de Tama (préfecture de Tokyo). « Quelques années auparavant, ce terrain était en désordre et envahi par la végétation », déclare Morikubo Mayumi, qui supervise le département administratif de l’établissement. « Merci à notre troupeau ! Les chèvres effectuent un travail remarquable pour l’aménagement du paysage. »

L’une des chèvres du Centre Shimada Ryôiku broute l’herbe. L’établissement utilise les animaux pour garder la verdure sous contrôle.
L’une des chèvres du Centre Shimada Ryôiku broute l’herbe. L’établissement utilise ces animaux pour l’entretien des alentours.

Les chèvres, trois au total, apparaissent de loin comme de petits points blancs sur les pentes verdoyantes. Broutant nonchalamment la verdure, elles gardent les 6 000 mètres carrés de terrain à l’arrière du centre dans un état impeccable.

Le centre a ouvert en 1961 comme l’un premiers établissements de santé du Japon dédié aux enfants souffrant de sévères handicaps physiques et mentaux. Aujourd’hui, il s’occupe aussi des jeunes individus affectés d’une déficience du développement.

Madame Morikubo explique avoir eu cette idée d’utiliser des chèvres sur les terrains après avoir observé plusieurs animaux en train de brouter les herbes d’un parking situé près de la station. « J’ai pensé que c’était une excellente méthode d’entretien », s’exclame-t-elle. « J’ai trouvé le numéro de téléphone pour ce service sur un panneau d’affichage et j’ai tout de suite appelé. »

Ikezaki Makoto était à l’autre bout du fil. Il dirige Alpha Green, une entreprise spécialisée dans l’entretien des talus et d’autres types de terrains en pente. Il y a environ 15 ans, l’entreprise a également commencé à louer des chèvres à ses clients. « Il est difficile de couper les herbes sur les pentes raides », dit M. Ikezaki. « Sauf pour une chèvre ! »

Ikezaki Makoto (à gauche) d’Alpha Green et Morikubo Mayumi du Centre Shimada Ryôiku.
Ikezaki Makoto (à gauche) d’Alpha Green et Morikubo Mayumi du Centre Shimada Ryôiku.

Pratique et écologique !

D’après M. Ikezaki, l’instinct de pâturage des chèvres leur donne un considérable avantage sur les êtres humains. Une personne armée d’une débroussailleuse peut s’occuper d’un terrain envahi par la végétation en quelques heures, mais devra répéter ce processus chaque semaine quand tout aura repoussé. Le broutage continu des chèvres permet en revanche de garder le terrain quasi-uniforme, joli et propre en toutes circonstances. Et ces animaux, avec leurs habileté naturelle pour grimper sur les terrains, peuvent facilement escalader les pentes raides telles que celles de l’établissement, qui seraient intimidantes voire dangereuses pour les humains.

D’autre part, il n’y a pas à s’occuper de disposer des déchets, puisque le système digestif des chèvres s’en charge ! M. Ikezaki précise par ailleurs que les déjections qui en résultent fertilisent le sol et qu’elles ne produisent presque aucune odeur puisqu’elles sont composées de plantes mâchées. Il insiste pour ajouter que l’aménagement paysager par les chèvres est également bon pour l’environnement. Le méthane, un puissant gaz à effet de serre émis par le bétail, est un sérieux problème écologique de nos jours. Mais le faible nombre de chèvres utilisées pour l’entretien des terrains au Japon rend la quantité de gaz émis par cette pratique assez négligeable.

Après avoir visité l’établissement une première fois pour une évaluation, M. Ikezaki s’est mis au travail. « Nous nous sommes rapidement mis d’accord », déclare-t-il. « Avec tout cette végétation diverse et savoureuse, c’était un endroit parfait pour nos chèvres ! »

Isoko, le leader du groupe, travaille dur.
Isoko, le leader du groupe, travaille dur.

Alpha Green a transféré trois chèvres au centre : Isoko, Kasumi, et Yû. Le troupeau n’a pas perdu de temps pour se charger des broussailles envahissantes. Les chèvres mangent environ 10 % du poids de leur corps par jour, ce qui correspond pour le trio à 15 kilos de feuillage combinés.

La thérapie par les chèvres

Madame Morikubo remercie les chèvres pour avoir débroussaillé en « un rien de temps ». Elle les félicite également pour leur effet apaisant sur l’établissement de santé. « Ce sont nos petites superstars ! »

Elle précise qu’un programme de thérapie animale a émergé autour des chèvres. « C’est devenu une habitude pour les résidents d’aller voir comment se porte le trio », dit-elle. « Les enfants et le personnel marchent autour des terrains ou les observent depuis leurs fenêtres pour voir ce qu’elles font. Quand le temps est clément, nos médecins aiment amener nos patients en ambulatoire au banc de la cour intérieure, afin de joindre les consultations avec une séance d’observation des chèvres. »

Le trio se repose à l’ombre.
Le trio se repose à l’ombre.

Isoko se comporte comme la meneuse du groupe, mettant l’autre femelle, Kasumi, et le mâle, Yû, au rang. Les animaux passent leur temps à brouter la verdure d’avril à octobre, avant de retourner dans leur abri pour les mois plus frais. « C’était un peu triste de les voir retourner dans leur foyer lors du premier automne », se remémore Madame Morikubo. « Les résidents regardaient toujours vers le flanc de colline à la recherche d’Isoko et des autres, et certains se sont même mis à pleurer en apprenant que les chèvres étaient reparties chez elles pour la saison. »

Les chèvres en sont aujourd’hui à leur quatrième année de service au centre. Alpha Green autorise les clients à sélectionner des animaux spécifiques parmi son élevage, et tous les printemps, le trio fait son retour à la demande générale.

M. Ikezaki nourri les chèvres avec des feuilles de la vigne kudzu, l’un de leur aliments préférés. À l’arrière-plan se trouve un abri pour la pluie, ces animaux ne pouvant supporter le temps humide.
M. Ikezaki nourri les chèvres avec des feuilles de la vigne kudzu (Pueraria montana), l’un de leur aliments préférés. À l’arrière-plan se trouve un abri pour la pluie, ces animaux ne pouvant supporter le temps humide.

Profile

Nom : Isoko
Âge : 5 ans

Sexe : Femelle
Travail principal : entretenir les terrains en broutant l’herbe avec ses deux acolytes.
Lieu de travail : Centre médical Shimada Ryôiku, ville de Tama, préfecture de Tokyo

(Toutes les photos sont de Yamagauchi Noriko)

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