Les coutumes japonaises au fil du calendrier

Le Japon au fil du calendrier : les traditions du mois de juillet (« fumizuki »)

Tradition Culture

Mois après mois, de janvier à décembre, de nombreuses anciennes traditions continuent d’imprégner et de rythmer la société japonaise moderne. Accompagné d’illustrations d’époque, penchons-nous en détail sur les coutumes du mois de juillet (appelé dans l’ancien calendrier fumizuki) et leurs origines.

Le 7 juillet, tout Edo s’hérisse d’une foule de bambous enrubannés

À Sendai (préfecture de Miyagi), à Hiratsuka (préfecture de Kanagawa)… dans tout le Japon, on célèbre Tanabata. Cette fête tire son origine d’une vieille légende chinoise, une version romancée de la rencontre des étoiles Altaïr et Véga situées de part et d’autre de la Voie lactée. Voici l’histoire des amants célestes, des amours du bouvier (Altaïr) et de la tisserande (Véga).

Il était une fois Hikoboshi le bouvier et Orihime la tisserande. L’empereur céleste avait permis à sa fille de se marier au bouvier et le couple coulait des jours heureux. Mais tout à leur amour, ils en oubliaient leur travaux. Furieux, l’empereur les sépara et leur ordonna de vivre chacun d’un côté de la Voie lactée. Ils ne pourraient plus se revoir qu’une fois par an, à la date du 7 juillet.

Cette légende serait apparue en Chine sous les dynasties du Nord et du Sud (439-589) et aurait été introduite au Japon à l’époque de Nara (710-794). Selon la thèse la plus couramment acceptée, cette fête aurait pris le nom de « Tanabata » en se combinant à la légende de Tanabata-tsume, la déesse du tissage.

C’est pendant Edo que Tanabata est devenu l’une des « cinq fêtes (go-sekku) » institutionnalisées par le shogunat Tokugawa et que l’on a commencé à ériger des bambous parés de feuillage (hachiku) auxquels on accrochait des vœux écrits sur des rubans de papier coloré. L’« Almanach de la capitale de l’Est » (Tôto Saijiki, 1838) raconte que « sur chaque maison, on a érigé des bambous ornés » et les rubans de papier coloré dansent dans le ciel d’Edo. On dit même que c’était à qui aurait le mât de bambou le plus grand et que les habitants utilisaient tuteurs et perches à linge pour gagner en hauteur.

Cette estampe peinte par Utagawa Hiroshige est tirée des« Cent sites les plus célèbres qui font la gloire d’Edo, la fête de Tanabata » (Meisho Edo hyakkei shichû han’ei tanabata matsuri,1857). On y voit de nombreux bambous trônant sur le toit des maisons, ils sont agrémentés de nombreux rubans et autres décorations de papier, seul le feuillage de la cime a été gardé. (Source : colbase)
Cette estampe peinte par Utagawa Hiroshige est tirée des« Cent sites les plus célèbres qui font la gloire d’Edo, la fête de Tanabata » (Meisho Edo hyakkei shichû han’ei tanabata matsuri,1857). On y voit de nombreux bambous trônant sur le toit des maisons, ils sont agrémentés de nombreux rubans et autres décorations de papier, seul le feuillage de la cime a été gardé. (Source : colbase)

Aujourd’hui, on utilise plutôt des bambous nains de type sasa qui sont plus petits que ceux utilisés jadis. Ce choix s’explique car il est devenu courant de décorer non plus les toits mais les auvents ou l’intérieur des maisons, la forme naine du bambou aurait alors été privilégiée.

Les petits samouraïs, jardiniers à leurs heures, cultivaient les fleurs d’ipomées

Attraction de la saison estivale, le marché aux fleurs d’ipomées des temples dédiés à Kishimojin (la déité protectrice des enfants et des accouchements) des quartiers d’Iriya et de Zôshigaya sont très populaires sur Tokyo. Ce type de marché aurait vu le jour dans les années 1800-1830 et atteint leur apogée vers la fin de l’époque d’Edo (1848-60).

Sur cette estampe intitulée « Sélection de trente-six fleurs à la capitale de l’Est - Les ipomées d’Iriya » (Sanjûrokka-sen Tôto Iriya Asagao) peinte par Hiroshige II en 1866, on découvre en arrière plan le marché aux fleurs d’Iriya. (Collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)
Sur cette estampe intitulée « Sélection de trente-six fleurs à la capitale de l’Est - Les ipomées d’Iriya » (Sanjûrokka-sen Tôto Iriya Asagao) peinte par Hiroshige II en 1866, on découvre en arrière plan le marché aux fleurs d’Iriya. (Collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)

Ipomées vendues en pot au marché d’Iriya (Pixta)
Ipomées vendues en pot au marché d’Iriya (Pixta)

En 2023, après une parenthèse de quatre années, le marché aux fleurs d’ipomée d’Iriya a eu lieu du 6 au 8 juillet et pas moins de 120 000 pots y ont été vendus. La légende veut que les débuts de ce marché remontent au grand incendie ayant ravagé le quartier d’Iriya, un jardinier aurait alors utilisé un terrain vague pour y cultiver des plantes. À cette époque les samouraïs de bas rang appelés okachi étaient installés près d’Iriya, or comme ils ne touchaient qu’une solde assez faible, ils se seraient réunis et auraient commencé à cultiver et vendre des fleurs en salaire d’appoint. Le toponyme de Okachi-machi (littéralement quartier des okachi) existe toujours à Tokyo.

Pendant l’ère Meiji, le marché aux fleurs d’ipomées a un temps été supprimé, mais il a été rétabli après-guerre en 1948. Un large éventail de variétés de fleurs a été créé, il en existe aujourd’hui de toutes sortes, de toutes les couleurs, petites ou géantes, aux feuilles de forme variée, elles fleurissent à l’aube et mettent des couleurs dans l’été.

Dans le calendrier lunaire, on fêtait O-bon du 13 au 18 juillet

La fête d’O-bon, qui rend hommage aux ancêtres, tombe aujourd’hui à la mi-août, mais dans le calendrier lunaire, on la célébrait sous le nom d’Urabon-e du 13e au 18e jour du 7e mois.

Au premier jour de la fête, on allumait devant l’entrée un feu de bienvenue pour accueillir les mânes des ancêtres. À l’époque d’Edo (1603-1867), à l’approche d’O-bon, la ville s’animait du passage de colporteurs vendant les offrandes nécessaires à placer sur le tamadana, le petit autel présent dans chaque foyer. Pendant cette période, des prêtres bouddhistes allaient et venaient dans les rues en psalmodiant des prières (nenbutsu).

Feu accueillant les mânes des ancêtres à l'O-bon (Pixta)
Feu accueillant les mânes des ancêtres à l’O-bon (Pixta)

Sur cette estampe peinte par Hasegawa Sadanobu intitulée « Sites célèbres de la capitale, Le grand Dai de feu de Nyogatake » (Miyako-meisho no uchi Nyoigatake Daimonji), on voit l’idéogramme « grand » flamboyer dans la nuit. À Kyoto, il est coutume de dessiner un kanji de feu sur les pans de la colline de Nyogadake. (Collections de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Sur cette estampe peinte par Hasegawa Sadanobu intitulée « Sites célèbres de la capitale, Le grand Dai de feu de Nyogatake » (Miyako-meisho no uchi Nyoigatake Daimonji), on voit l’idéogramme « grand » flamboyer dans la nuit. À Kyoto, il est coutume de dessiner un kanji de feu sur les pans de la colline de Nyogadake. (Collections de la Bibliothèque nationale de la Diète)

À la fin de la fête d’Urabon-e, les esprits étaient renvoyés dans l’au-delà et on allumait un grand feu. De nos jours, à Kyoto le 16 août, sur les cinq monts (gozan) entourant la ville, on réalise de grands feux pour saluer le départ des esprits des ancêtres (okuribi), sur chaque flanc de montagne, on voit alors flamboyer dans la nuit un idéogramme ou un dessin auspicieux.

À l’origine, on danse à l’O-Bon (obon-odori) pour réconforter et apaiser les mânes de retour parmi les leurs. Mais dès l’ère Enpo (1673-81), ce sens religieux cède la place à une visée plus récréative, on ne danse plus que pour se divertir et séduire. O-bon devient alors synonyme de rencontre amoureuse. Dès 1649, on voit apparaître des législations visant à réglementer les mœurs et en 1690, est publié à Edo un décret interdisant les danses et les combats de sumo dans les rues de la ville.

Boire et chanter en attendant que la lune se lève...

En juillet, un autre événement à ne pas manquer est la nuit du 26 (dans le calendrier lunaire).

Tous ont hâte de voir la lune se lever. Car contrairement à la pleine lune du 15e jour, qui voyait Sélène se lever peu après le coucher du soleil, le mince croissant de lune du 26 au soir n’apparaissait qu’après minuit. On ripaillait en attendant de le voir poindre dans la nuit.

Le quartier de Suzaki à Fukagawa, le sanctuaire Tenjin à Yushima et Kudanzaka-jô à Iidabashi étaient à ce titre les sites les plus prisés. Mais la fraîcheur de la plage de Takanawa à Shinagawa avait aussi ses adeptes. Pour « L’Almanach de la capitale de l’Est » (Tôto Saijiki), « Shiba-Takanawa et Shinagawa sont les deux meilleurs endroits pour admirer la lune se lever ce soir-là ».

Les estampes ukiyo-e de l’époque montrent des étals proposant aux passants des nouilles de sarrasin, des tempuras ou des sushis, mais aussi des gelées de haricots rouges, des brochettes de riz gluant, des bouillies sucrées ou des calamars grillés. Dans des campements de fortune, les habitants d’Edo attendent avec impatience le lever la lune, en se régalant de leur pique-nique.

Les geishas et autres instrumentistes sont de la fête. Ils divertissent leur client à bord de leur barque (yakata-bune).

On pensait que juste après le lever de la lune du 26, les trois divinités Amida, Kannon et Seishi apparaissaient, à l’automne naissant on venait s’amuser sur le prétexte de vénérer Bouddha.

L’estampe « Ces 36 fêtes qui font la fierté d’Edo : la nuit du 26 à Takanawa » (Edo jiman sanjûrokkyô Takanawa nijûroku-ya) a été peinte en 1864, on y voit des habitants d’Edo attendre avec impatience le lever de lune assis dans leur barque. (Salle des collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)
L’estampe « Ces 36 fêtes qui font la fierté d’Edo : la nuit du 26 à Takanawa » (Edo jiman sanjûrokkyô Takanawa nijûroku-ya) a été peinte en 1864, on y voit des habitants d’Edo attendre avec impatience le lever de lune assis dans leur barque. (Salle des collections spéciales de la bibliothèque centrale de la métropole de Tokyo)

Autres événements marquant du mois de juillet

Nom Date Explication
Ido-gae 7 juillet Les habitants aident les puisatiers à récurer les puits.
Nochi no yabu-iri 16 juillet Le personnel administratif disposait de deux jours de congé, un au Nouvel An, un autre en juillet.
Enma no saijitsu 16 juillet Enma, le Roi des Enfers, prenant un congé, les criminels et les prisonniers des Enfers pouvaient être libérés. Des rites avaient lieu dans les Enma-dô et des représentations du Roi des Enfers étaient montrées au public.

Sur cette estampe intitulée « Scènes glanées sur les grands axes, nouvelle parution — Le site d’Okura-mae » (Shinpan Daidôzu-i Okura-mae), on voit la statue d’Enma du temple Ketoku à Kuramae. Elle était montrée au public le 16e jour du 7e mois. Cette statue a été détruite par un incendie lors du grand tremblement de terre du Kantô en 1923.  (Source : colbase)
Sur cette estampe intitulée « Scènes glanées sur les grands axes, nouvelle parution — Le site d’Okura-mae » (Shinpan Daidôzu-i Okura-mae), on voit la statue d’Enma du temple Ketoku à Kuramae. Elle était montrée au public le 16e jour du 7e mois. Cette statue a été détruite par un incendie lors du grand tremblement de terre du Kantô en 1923. (Source : colbase)

Bibliographie indicative

  • « Almanach illustré, Edo au prisme des estampes ukiyo-e » (Zusetsu Ukiyoe ni miru Edo no Saijiki) sous la direction de Satô Yôjin revu par Fujiwara Chieko, paru chez Kawade Shobô Shinsha

(Photo de titre : « Ipomées et grenouilles » estampe d’un réalisme saisissant peinte par Katsushika Hokusai. Source : Colbase)

histoire tradition culture Edo calendrier