Les artistes japonais peuvent-ils s’imposer dans le monde du showbiz américain à l’instar de BTS ?

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Aux États-Unis, un certain nombre d’artistes et interprètes d’origine asiatique ont connu un succès remarquable ces dernières années. Si Gangnam Style du chanteur coréen PSY et PPAP de l’humoriste japonais Pikotaro n’ont connu qu’un seul succès, le groupe de K-pop BTS se maintient au premier plan depuis quatre ou cinq ans maintenant. Cette popularité pérenne d’artistes asiatiques dans le showbiz américain est sans précédent. Nous avons exploré le contexte de cette situation et les raisons de leur triomphe.

BTS augmente son influence aux États-Unis

Le groupe de K-pop BTS a annoncé en juin 2022 qu’il allait se concentrer sur les activités solo de ses membres pour le moment. Ce qui s’entend comme une interruption effective des activités du groupe.

BTS a connu un succès inégalé ces dernières années dans le secteur du showbiz américain pour un groupe exclusivement asiatique. Ils sont les premiers artistes d’origine asiatique à atteindre la première place du Top 100 du Billboard depuis Sakamoto Kyu pour Sukiyaki en 1963. Fin mai 2010, le groupe s’est rendu à la Maison Blanche pour sensibiliser le président Biden au problème croissant de la discrimination et des crimes haineux à l’encontre des personnes d’origine asiatique dans la société américaine. Le groupe K-pop a ainsi montré son influence sociale en échangeant des points de vue avec le président Biden.

Les acteurs japonais aussi sous les feux de la rampe

S’agissant de célébrités asiatiques, l’ascension des acteurs japonais ne peut être négligée. Ceux-ci ont été remarquablement actifs au premier plan de l’industrie américaine du divertissement et du show-business.

Hollywood et Broadway ont également salué le talent d’acteurs japonais tels que Watanabe Ken et Sanada Hiroyuki. Au début de l’année aussi, Watanabe Ken, Kikuchi Rinko et d’autres se sont produits dans TOKYO VICE, un drame coproduit par WOWOW et HBO Max.

Lorsque j’ai visité les États-Unis pour la première fois dans les années 1990, les résidents asiatiques étaient peu nombreux, en particulier dans les banlieues, et les gens venaient vers moi et me posaient des questions curieuses du genre : « D’où venez-vous ? »

Les artistes asiatiques étaient rarement vus à la télévision américaine. Bien sûr, certaines grandes stars comme Bruce Lee et Jackie Chan faisaient exception. Quelques acteurs nippo-américains étaient également actifs, dont Mako Iwamatsu, George Takei et Tamlyn Tomita.

Au XXIe siècle, la notion de diversité a le vent en poupe, et comme la population d’immigrants asiatiques et de deuxième génération (et au-delà) aux États-Unis a encore augmenté, la présence d’artistes asiatiques, telles Lucy Liu, Sandra Oh ou Masi Oka est en notable augmentation. Watanabe Ken s’est fait connaître aux États-Unis pour la première fois dans le film Le dernier samouraï, en 2003, dans lequel il jouait l’un des rôles principaux. Depuis lors, il a continué à jouer dans des films tels que SAYURI, Lettres d’Iwo Jima, GODZILLA et la comédie musicale The King and I, (Le Roi et moi) où ses grandes qualités d’acteur ont été reconnues. Son statut d’acteur japonais « américanisé » de premier plan est solidement acquis.

Les artistes asiatiques ne peuvent pas atteindre le top du top

Il est clair que la porte s’ouvre progressivement pour les descendants asiatiques dans l’industrie du divertissement. Cependant, même si la K-pop attire l’attention, d’autres artistes que BTS sont loin d’avoir la même cote aux États-Unis.

Watanabe Ken n’a été nommé que pour l’Oscar du meilleur second rôle pour Le Dernier Samouraï et pour le Tony Award du meilleur acteur dans une comédie musicale pour The King and I à Broadway. Mais cela veut aussi dire qu’il n’a encore remporté aucun prix qui lui conférerait une reconnaissance et une notoriété définitive.

La barre est très haute pour les Asiatiques aux États-Unis

J’ai posé la question à des artistes japonais vivant à New York.

L’actrice de théâtre Miyake Yuriko, qui s’est produite Off-Broadway, m’a donné son sentiment : « En tant que personne originaire d’Asie, je suis vraiment heureuse que BTS soit si populaire et que leurs chansons soient jouées à plein volume par le grand public américain ».

À propos des propositions et auditions qu’elle reçoit régulièrement, elle explique : « Il y a eu des postes pour lesquels on m’a dit : “Je veux une Asiatique”, et les conditions étaient tellement bonnes que les candidats d’autres origines ethniques étaient jalouses de moi. Il est clair que les Asiatiques bénéficient d’un traitement parfois préférentiel, mais lors d’une autre audition musicale, j’ai entendu les responsables dire sans se gêner : “Nous avons déjà des Asiatiques, alors prenons d’autres races”. »

« “L’origine ethnique n’a pas d’importance, seule la compétence compte.” C’est ce qu’on se dit, mais la réalité sur le terrain est différente. Certains artistes qui courent les auditions sont clairement démotivés par le processus de sélection », dit-elle.

« Lors d’une audition il y a quelques années, pour écrémer les candidatures, il y a eu une première sélection de groupe, et l’un des groupes était uniquement composé d’Asiatiques. Je me souviens de la frustration que j’ai ressentie, car lorsque le groupe asiatique dansait, il était évident que les juges ne les prenaient pas au sérieux. »

Miyake Yuriko (au premier plan à droite) pendant les répétitions d’un spectacle Off-Broadway.  (Photo avec l’aimable autorisation de l'auteure de l'article)
Miyake Yuriko (au premier plan à droite) pendant les répétitions d’un spectacle Off-Broadway. (Photo avec l’aimable autorisation de l’auteure de l’article)

L’acteur Ken Kensei, qui a travaillé avec Takakura Ken et Watanabe Ken dans des films hollywoodiens tels que Black Rain et Lettres d’Iwo Jima, analyse la tenue des auditions pour les acteurs asiatiques :

« Pour le cinéma, c’est seulement si vous avez vraiment envie de jouer un rôle d’Asiatique. Lettres d’Iwo Jima avait de nombreux acteurs Japonais, mais c’est l’exception qui confirme la règle. Ces dernières années, l’industrie du cinéma, comme l’industrie musicale, ont été en recherche d’un équilibre quantitatif en termes d’équilibre ethnique, mais même dans ce cas, à moins d’avoir quelque chose de vraiment bon à montrer, on n’a pas besoin d’acteurs exclusivement asiatiques. »

Il est clair que la barre est encore très haute pour les artistes d’origine asiatique. Mais « d’un autre côté, lorsque des rôles d’origine asiatique sont demandés, vous pouvez y trouver la chance de votre vie », dit Kensei.

Comment les Japonais peuvent-ils trouver le succès aux États-Unis ?

Pour réussir dans le monde du show-business américain en tant qu’artiste japonais, « parler anglais est une condition sine qua non », d’après Miyake, qui ajoute : « En premier lieu, vous avez intérêt à avoir quelque chose qui intéresse le public, mais avouons clairement que l’émergence de BTS a facilité l’entrée sur le marché des artistes asiatiques de divertissement ».

Concernant le bond en avant des artistes coréens, elle déclare : « La principale différence avec des artistes japonais est qu’ils bénéficient du soutien de leur pays en premier lieu. Ils passent des années à cultiver un talent authentique, pas un simple vernis. Le schéma est le suivant : ils affinent leur art dès leur plus jeune âge, acquièrent des compétences en y mettant toute leur vie, et seulement ensuite se lancent à l’étranger, l’Asie puis le monde entier ».

Au Japon, la démarche est différente.

« Au Japon, la culture des idoles penche fortement en faveur de la stratégie du “si c’est jeune et mignon, ça va se vendre”. Cela ne fonctionne pas aux États-Unis où l’accent est mis sur le talent. Bien sûr, il existe des artistes de classe mondiale au Japon. Pour être compétitif sur la scène mondiale, l’un des moyens est d’impliquer les animes et les mangas, qui sont déjà reconnus au niveau international ».

Ken Kensei dit : « Pour que des artistes Japonais tirent le meilleur parti des possibilités qui s’offrent à eux, il leur faut des compétences, du charisme, et maîtriser l’anglais. Il ajoute : « Le Japonais qui a le mieux exploité les deux premiers points ces dernières années est Ebina Kenichi, qui a gagné America’s Got Talent pour sa performance de la tête qui tombe. D’autres danseurs font peut-être la même chose au Japon, mais la plupart des Américains l’ont vue pour la première fois dans son spectacle, et l’impact qu’elle a eu sur le public a été géant. Pas besoin de parler anglais quand vous dansez, il y a donc une chance pour les Japonais de concourir aux États-Unis. »

Ken Kensei (deuxième à partir de la gauche) dans le film Lettres d’Iwo Jima, avec Watanabe Ken à droite. (Photo avec l’aimable autorisation de l'auteure de l'article)
Ken Kensei (deuxième à partir de la gauche) dans le film Lettres d’Iwo Jima, avec Watanabe Ken à droite. (Photo avec l’aimable autorisation de l’auteure de l’article)

J’ai déjà interviewé Ebina Kenichi à New York en 2013, le lendemain de sa victoire dans l’émission America’s Got Talent. Pendant la prise de vue, à l’extérieur de la salle, les fans se sont succédé pour lui demander des photos et des autographes, et j’ai été surpris par sa popularité. Par la suite, lorsque je lui ai demandé quel était le secret de son succès aux États-Unis, il m’a répondu :

« Vous devez être le meilleur du monde, mais vous pouvez aussi être le seul sur votre créneau. Si votre performance est originale, vous pouvez être différent des autres et attrayant sans avoir à surpasser la concurrence. Avez une façon différente d’attirer les gens et vous n’aurez pas de concurrence. »

Bien que la porte soit encore étroite, on peut dire que même les Japonais ont une chance de devenir des stars s’ils ont un impact artistique et visuel exceptionnel, la maîtrise de la langue étant un absolu.

(Photo de titre : BTS rencontrant le président Biden à la Maison Blanche le 31 mai 2022, pour échanger sur la question des crimes haineux et de la discrimination à l’encontre des personnes d’origine asiatique. ©Adam Schultz/White House/Planet Pix via ZUMA Press Wire/Kyôdô Images)

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