Les règles de savoir-vivre au Japon
Quels sont les cadeaux à éviter au Japon ?
Tradition Vie quotidienne- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
Au chapitre des connotations malheureuses
Au Japon, on offre des cadeaux pour les anniversaires, les commémorations ou pour les fêtes. Mais comme on pense que certains idéogrammes ou sons peuvent porter malheur ou au contraire être de bon augure, le choix des cadeaux dépend souvent du nom des choses qui seront offertes. Voici un petit vademecum des présents à éviter.
Les chiffres sont importants. En Chine dans l’Antiquité, on disait que les nombres impairs portaient bonheur, le neuf en particulier avait bonne presse, on offrait donc les cadeaux par neuf au moment des fiançailles (yuinô) notamment. Par ailleurs, l’idéogramme du chiffre huit, 八 (hachi), faisait penser à un éventail grand ouvert, cette ouverture était de bon augure et ce nombre considéré comme bénéfique. De nos jours, lors des mariages ou des funérailles, on préfère donner des sommes d’argent commençant par un chiffre impair (un montant de 50 000 yens par exemple). Le nombre neuf est aussi évité à cause de son homonymie avec le mot « souffrance » (ku), de même que quatre est souvent écarté pour son homonymie avec le terme signifiant « mort » (shi).
Les neuf cadeaux de fiançailles yuinô

Neuf présents offerts lors de fiançailles (yuinô) à Tokyo. (Pixta)
Les neuf cadeaux de fiançailles (yuinô) ont chacun une valeur symbolique, on offre par exemple des algues car le terme konbu fait penser à yorokobu qui signifie « se réjouir ». On donne de l’ormeau séché (awabi) car ce mets délicat est aussi un gage de longévité (naganoshi), plus on le fait sécher plus il s’étire. Le mokuroku liste et détaille les présents offerts.
Avec le développement du secteur industriel et l’essor de la logistique, la gamme de cadeaux possible s’est considérablement élargie. Beaucoup de nouveaux usages viennent d’Occident : il est désormais fréquent d’offrir des fleurs et on achète par exemple, des œillets rouges pour la fête des mères. Des orchidées trônent à l’entrée des magasins, restaurants ou entreprises qui viennent d’ouvrir car en langage des fleurs occidental elles portent bonheur. Mais on évite d’offrir des cyclamens puisque le terme shi-ku-ra-men en prononciation japonaise contient les syllabes shi et ku, qui, comme expliqué ci-dessus, sont homonymes de « mort » et de « souffrance ».

Offrir des orchidées, une coutume qui s’est développée à l’époque Meiji (1868-1912). (Pixta)
En japonais, « peigne » se dit kushi, un terme qui contient les deux sons tabous. On évitait donc d’offrir ces objets, sauf qu’à l’époque Edo (1603-1868), les prétendants en donnaient à leur promise pour indiquer qu’ils demandaient leur main. Les couteaux étaient à éviter puisqu’on pouvait considérer qu’ils « coupaient les liens ». Quelques siècles en arrière pourtant, les familles de samouraïs en offraient car ce cadeau prestigieux était censé éloigner le mal. Mais les mentalités évoluent et certains Japonais offrent maintenant des peignes et des couteaux.
Les cadeaux tabous
Peignes

Peigne traditionnel en buis. Un cadeau qui jadis était tabou. (Pixta)
Autrefois, impossible d’offrir un peigne puisque la sonorité du mot portait malheur (ku-shi), comme expliqué précédemment. Mais de nos jours, on dit au contraire que cet objet permet symboliquement de « démêler les nœuds » et garantit que les relations restent harmonieuses. Son image négative s’est progressivement dissipée.
La coutellerie
Si on considère que les couteaux et les ciseaux « coupent les liens », on les évitera en cadeau de mariage ou pour une crémaillère. Mais si on trouve au contraire qu’ils permettent de « percer» et d’« ouvrir la chance », ils peuvent paradoxalement paraître de bon présage.
Mouchoirs

Qui dit mouchoirs blancs dit funérailles... (Pixta)
Les Japonais offrent souvent des mouchoirs lors des pots de départ, c’est l’accessoire parfait pour se dire adieu. Mais les idéogrammes du terme shukin (手巾) peuvent aussi signifier rupture. Alors si vous voulez éviter cette idée, mieux vaut joindre un petit mot au cadeau qui permettra de clarifier vos intentions et préférez une couleur ou un motif qui soient appropriés à la situation.
Chaussures et chaussettes

Chaussettes et chaussures, également des cadeaux à éviter (Pixta)
Comme vous n’avez pas envie qu’ils pensent que vous voulez leur marcher dessus, évitez d’offrir des chaussettes ou des chaussures à un parent ou à un supérieur hiérarchique. Surtout que chacun à ses goûts en la matière et que ce type de cadeau est délicat.
Montres et papeterie

Montre et stylo à plume (Pixta)
À éviter si ne vous souhaitez pas que vos supérieurs pensent que vous trouvez qu’ils ne travaillent pas assez et qu’ils doivent redoubler d’ardeur...
Le verre, à éviter en cas de cadeau de mariage

Verres en cristal taillé (Pixta)
Le verre se brise facilement, il pourrait faire penser à une rupture de fiançailles ou à un divorce.
Éviter les bougies ou chauffage en cas de crémaillère
Puisqu’ils pourraient faire penser au feu et donc à un incendie, mieux vaut éviter les cendriers, radiateurs ou bougies parfumées, en cas de crémaillère. Pour les mêmes raisons, on évite parfois les objets de couleur rouge.
Éviter les plantes en pot en cas d’hospitalisation
Comme on ne veut pas que la maladie « prenne racine », on évite d’offrir une plante en pot en cas d’hospitalisation, surtout que ce type de cadeau suppose par ailleurs que la personne hospitalisée s’occupe de la plante et la ramène chez elle après la sortie de l’hôpital.
Les nombreux tabous sont plus que des superstitions modernes sans fondement. Si on offre du thé vert pour les funérailles, c’est que le thé est léger, et qu’il se conserve bien c’est donc un présent idéal en cas de deuil, et s’il est étroitement associé à cette célébration il peut sembler logique de l’éviter à d’autres occasions, plus festives.
Certains Japonais sont très sensibles aux connotations négatives de certains cadeaux, mais les mentalités évoluent et ce qui jadis était tabou est souvent accepté aujourd’hui. Offrir un cadeau c’est exprimer sa gratitude ou montrer son attachement à un être cher, le plus important reste que le présent soit utile ou fasse plaisir.
(Article supervisé par Shibazaki Naoto, professeur associé à l’Université de Gifu, spécialiste des études sur la psychologie des bonnes manières et conseiller pour les enseignants dans ce domaine. Photo de titre : Pixta. Illustrations de Satô Tadashi)


