Deux enfants lutteurs de sumo à la conquête de leur rêve

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TOKYO (Reuters) - C’est le visage cramoisi que les deux lutteurs projettent leurs corps l’un contre l’autre, se transportant sur le pourtour du ring recouvert de terre et de sable. Et ce, jusqu’à ce que l’un des deux renverse l’autre.

La scène est typique d’un match de sumo, à un détail près : les deux participants ont seulement 11 ans et pèsent déjà plus lourd que n’importe quel homme adulte...

Kumagai Kyûta (à droite), encore en école primaire, affronte Sasaki Hisatsugu lors d'un tournoi du Championnat de Sumo des écoles primaires du Japon à l’arène national de sumo au Ryôgoku Kokugikan à Tokyo, au Japon, le 5 décembre 2021. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)
Kumagai Kyûta (à droite), encore en école primaire, affronte Sasaki Hisatsugu lors d’un tournoi du Championnat de Sumo des écoles primaires du Japon à l’arène national de sumo au Ryôgoku Kokugikan à Tokyo, au Japon, le 5 décembre 2021. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)

« Je suis content, vraiment content » se réjouit Sasaki Hisatsugu qui, même s’il pèse 135 kg, a encore la voix aigüe d’un enfant. « J’espère que je deviendrai un lutteur professionnel. »

Son adversaire, Kumagai Kyûta, qui pèse 90 kg, a le même rêve. Tous deux veulent passer professionnels. S’il atteignent les rangs les plus élevés, dont l’ultime est celui de yokozuna (tel Hakuhô), ils peuvent gagner beaucoup d’argent et devenir de véritables stars au Japon.

Leur succès dépendra de leur enrôlement dans une écurie de sumo. C’est là que les lutteurs vivent et s’entraînent ensemble. Certains commencent dès leur adolescence. (Voir notre article : Une journée type dans une écurie de lutteurs de sumo)

Kumagai Kyûta, du sable sur son visage provenant d'un ring de sumo (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)
Kumagai Kyûta, du sable sur son visage provenant d’un ring de sumo (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)

Si les lutteurs, appelés rikishi, sont vénérés au Japon, leur vie est fortement dictée par des siècles entiers de tradition. Il arrive que le poids qu’ils doivent prendre pour leurs compétitions fasse débat. Selon certaines études médicales, les rikishi meurent plus jeunes que la population en général. Mais cela dépend si le lutteur perd du poids après la fin de sa carrière.

Lorsqu’on lui pose la question, Taira Shin’ichi, l’entraîneur du jeune Kumagai, confie ne pas vraiment être au courant de l’impact de la prise de poids sur la santé des jeunes. Il ajoute que le poids de son élève est légèrement supérieur aux autres lutteurs de sumo de son âge.

Selon l’Association nationale de sumo pour enfants, environ 40 000 enfants de 10 à 12 ans pratiquent ce sport. Cependant, peu d’entre eux envisagent de devenir professionnels.

Ceux qui le souhaitent, comme Sasaki et Kumagai, n’épargnent pas leurs efforts.

Kumagai Kyûta jette un regard à son rival, Sasaki Hisatsugu. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)
Kumagai Kyûta jette un regard à son rival, Sasaki Hisatsugu. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)

Kumagai, dont la famille est venue s’installer dans un quartier de Tokyo connu pour le sumo, s’est montré prometteur dès son premier tournoi à l’école maternelle. Sasaki, lui, n’a commencé à acquérir de notoriété que récemment, explique Taira.

Dominant les autres garçons de son club à Tokyo, le jeune Kumagai s’entraîne six jours par semaine, selon un emploi du temps élaboré par son père, lui aussi ancien lutteur de sumo. Au programme, entraînement de sumo, haltérophilie, natation et athlétisme. Toutes ces disciplines lui permettront de développer sa souplesse et son dynamisme, nécessaires pour devenir un bon lutteur.

La routine, qui s’articule autour du programme de son école, pousse parfois le jeune Kumagai au bord des larmes. Mais ses efforts ont payé puisqu’en 2019, il est devenu champion, catégorie moins de 10 ans.

« C’est drôle de battre des lutteurs plus âgés que moi » nous a-t-il confié.

Kumagai Kyûta déjeune des sushis avec sa mère après une défaite lors d’un tournoi. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)
Kumagai Kyûta déjeune des sushis avec sa mère après une défaite lors d’un tournoi. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)

En octobre, il est devenu le grand champion de l’Association de sumo pour enfants de sa tranche d’âge, s’imposant devant le jeune Sasaki.

Leur revanche du 5 décembre, dans un tournoi scolaire national, était une étape clé sur leur chemin, avec Kumagai donné comme grand favori.

Pour cette compétition, les meilleurs lutteurs de tout le Japon étaient réunis. La concurrence était rude.

« Sasaki ? Il est exceptionnel » a déclaré Taira Shinichi. « Cette année, les enfants sont particulièrement doués. »

Les deux garçons se sont jetés l’un contre l’autre, sous le regard des parents du jeune Kumagai, qui filmaient leurs exploits. Ils se sont ensuite transportés sur le pourtour du dohyô, le ring de combat, dans une lutte acharnée. Sasaki a été déclaré vainqueur et remporté le championnat.

« Il s’est bien battu et il avait affaire à un rival performant » dit Taisuke, le père du jeune Kumagai, revenant sur le combat de son fils. « Voilà un angle d’approche pour améliorer ses performances. »

Mais le jeune lutteur voyait déjà plus loin.

« Je suis vraiment frustré » dit-il. « Heureusement qu’il y a un autre tournoi, car je veux prendre ma revanche. »

Kumagai Kyûta (à droite) affronte Sasaki Hisatsugu. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)
Kumagai Kyûta (à droite) affronte Sasaki Hisatsugu. (REUTERS/Kim Kyung-Hoon)

(Reportage de Elaine Lies et Akira Tomoshige. Version française de Nippon.com)

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