Les milles et une merveilles de Kyoto

Les rites du « setsubun » à Kyoto

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Le setsubun est cette précieuse tradition ancrée dans tout le Japon au début du mois de février qui consiste à lancer des haricots de soja pour éloigner le mal. La coutume serait originaire de Kyoto, et en ce lieu, on assiste actuellement à un renouveau du rite original datant du VIIIe siècle.

Aux origines de ce rituel populaire

Originairement, le setsubun correspondait aux changements des quatre saisons de l’ancien calendrier luni-solaire. Le rite était donc reproduit quatre fois par an. Au fil des siècles, la notion de setsubun s’est concentrée sur le « début du printemps », du fait que le setsubun de printemps, comme il marquait également le début de l’année dans le calendrier luni-solaire, était dès l’origine le plus important. De nos jours, le setsubun est fixé aux environs du 3 février. Ce jour-là, les familles lancent des haricots de soja dans la maison en criant : « Les démons dehors ! Le bonheur dedans ! » (Oni wa soto, fuku wa uchi).

Depuis les temps anciens, il est dit que les changements de saison facilitent l’entrée des démons dans le monde humain. Au palais impérial de Heian (l’ancienne Kyoto), pendant la période de Heian (794-1185), un rite « purificateur du mal » appelé tsuina originaire de Chine vers la fin du VIIe siècle-début du VIIIe siècle, était réalisé lors du setsubun de printemps.

Le pouvoir du mamemaki (« lancer de haricots de soja ») contre les démons vient d’un jeu de mot : si un « haricot » (mame) entre dans « l’œil d’un démon » (ma-me), le « démon est anéanti » (ma-me). C’est ainsi qu’un récit du milieu du XVe siècle raconte que lorsqu’un démon était apparu sur le mont Kurama à Kyoto, celui-ci fut exterminé par un lancer de haricots de soja. On dit que c’est ce récit qui aurait popularisé le rite tsuina et l’aurait répandu dans tout le pays.

Un démon rouge au temple Rozan-ji

Au sanctuaire Yoshida, les anciens rites ressuscitent

À Kyoto, le rite du setsubun tel qu’il est pratiqué au sanctuaire Yoshida, dans l’arrondissement de Sakyô, est particulièrement populaire. Le sanctuaire en question fut fondé en l’an 859 afin d’héberger quatre divinités du sanctuaire Kasuga-taisha de Nara, et a la réputation de protéger le palais impérial de Kyoto de la direction néfaste (le nord-est, dite « porte des démons »), prémunir des catastrophes et apporter la chance. Ici, le festival du setsubun dure trois jours autour du 3 février. Environ 800 stands ouvrent les 2 et 3 février à l’intérieur de l’enceinte du sanctuaire qui accueille chaque année environ 500 000 personnes.

Programme des manifestations du grand festival du sestubun, affiché devant le portique ichi-no-torii du sanctuaire Yoshida.

Le 2 février, la veille du setsubun proprement dit, à partir de 18 heures, a lieu le fameux rite tsuina, la reproduction conforme de celui qui se tenait au palais impérial dans les premiers temps de la période de Heian au VIIIe siècle. Plus généralement, on l’appelle aussi oni yarai, le « renvoi des démons ».

Quand apparaissent les démons rouge, bleu et jaune, qui symbolisent les malheurs et les catastrophes, le chasseur de démons (hôsôshi) entre en scène et les disperse.

Le chasseur de démons à la lutte avec bouclier et bâton long contre trois démons

Les représentants des familles nobles tirent des flèches et terminent le travail.

Le 3 février à 23 heures commence la fête du feu, un rite lui aussi typique du setsubun de Kyoto. Un immense lit de braises est préparé devant le portique shintô san-no-torii du sanctuaire, sur lequel les visiteurs sont invités à brûler leurs vieilles amulettes et talismans de l’année précédente afin de permettre aux divinités qui les ont habités de retourner chez eux.

Les amulettes et talismans des visiteurs sont réunis autour d’un grand brasier avant d’être brûlés.

Petits sachets de fukumame (« haricots du bonheur ») du sanctuaire Yoshida (200 yens)

Le temple Rozan-ji et la danse des trois démons

Le temple Rozan-ji, fondé vers l’an 938, abrite lui aussi un rite très populaire du setsubun, appelé oni-odori (« la danse des démons »).

Le temple Rozan-ji

Le 3 février à partir de 15 heures, trois démons, un rouge, un vert et un noir, s’incarnent à partir des trois grands poisons de l’homme : l’avidité, la haine et les récriminations. Les créatures montent sur scène au son des tambours et des conques.

Le démon vert danse et frappe du pied, une grande hache à l’épaule.

Les spectateurs autour de la scène immortalisent la danse des démons.

L’officiant tire à l’arc pour invoquer les cinq « rois de clarté » protecteurs des cinq directions : est, ouest, nord, sud et centre.

Les démons vaincus ressortent du temple dans un piteux état. C’est la fin du spectacle.

Le sanctuaire Yasaka et les geisha jettant des haricots sur la foule

Qu’en est-il du festival de setsubun du côté de Gion, le quartier le plus connu de Kyoto et de son célèbre sanctuaire Yasaka ? Le spectacle est particulièrement magnifique. Le 2 et le 3 février, les geiko, les geisha de Kyoto, et les maiko, des apprenties geisha, venues toutes des quatre « quartiers fleuris » (les parties de la ville où elles exercent leurs activités) se présentent dans leurs plus beaux kimonos. Après avoir rivalisé de danses et de grâce, elles jettent des haricots de soja sur la foule, qui se précipite pour les attraper comme porte-bonheur. Le rite a lieu quatre fois par jour. Chaque lancer de haricots de soja est complété par un programme de danses traditionnelles, de poésies chantées, et autres danses du lion aux tambours.

Des geiko, des geisha de Kyoto, présentent une danse d’une grâce raffinée.

Les visiteurs cherchent à attraper les haricots de soja que lancent les maiko, les apprenties geisha.

La foule est nombreuse autour du pavillon de danse.

Les musiciens aussi jettent les haricots de soja sur la foule.

(Article publié à l’origine en japonais. Reportage, texte et photos : Kuroiwa Masakazu, 96Box. Photo de titre : des maiko, des apprenties geisha, jettant des haricots de soja sur la foule pour le rite du setsubun.)

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