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Mitsuya et l’art de la métallisation

Économie Science Technologie

La métallisation joue un rôle fondamental dans les industries manufacturières du monde d’aujourd’hui, dont le fonctionnement repose sur les circuits intégrés. Grâce à sa maîtrise de la technologie la plus pointue et à son attitude résolument positive, une petite entreprise appelée Mitsuya a marqué de son empreinte des produits manufacturés employés sur toute la surface de la Terre, et même au-delà.


Informations sur l’entreprise
Nom de la société : Mitsuya Co., Ltd.
Adresse : 3-8-11 Gotanda, Sinagawa-ku, Tokyo 141-0031
Représentant : Kusama Seiichiro, président-directeur général
Activité : métallisation
Capitalisation : 15 millions de yens
Effectifs : 324
Site Internet : http://www.mitsuyanet.co.jp/

Les touristes affluent vers Nara pour y admirer la statue en bronze du Grand Bouddha du temple Todai-ji. La statue, gigantesque et sombre, offre un impressionnant spectacle, mais elle n’est que l’ombre du Bouddha Rushana (Vairocana) qui accueillait les fidèles au milieu de XVIIIe siècle, époque d’exécution de la statue. La sculpture originelle du temple était non seulement imposante mais encore éblouissante, car elle était recouverte d’or sur toute sa surface. Les artisans qui ont doré l'énorme sculpture en bronze l’ont revêtue d’un amalgame de mercure et d’or, puis l’ont exposée à la chaleur pour que le mercure se volatilise, laissant derrière lui le pur éclat de l’or.

Aujourd’hui, la métallisation est beaucoup plus qu’une simple technique permettant de revêtir un objet d’une couche ornementale. Elle joue un rôle irremplaçable dans la fabrication industrielle, puisque c’est elle qui apporte aux produits et aux composants des propriétés telles que la résistance électrique et la résistance à la corrosion.

Petite entreprise mais grosse part du marché

Kusama Seiichiro, président de Mitsuya, surveille les installations de métallisation les plus avancées.

Actuellement, plus de 40 % de toutes les voitures vendues à travers le monde sont équipées de capteurs moteur auxquels a été appliqué le processus de métallisation de Mitsuya. Jusqu’à une date récente, le placage autocatalytique passait pour le seul procédé valable de nickelage pour le circuit intégré du capteur de débit d’air, un élément essentiel du système de contrôle du moteur.

Mais les produits chimiques utilisés dans le placage autocatalytique en font un procédé coûteux. À l’heure où les constructeurs automobiles cherchent des moyens de réduire les coûts, le nickelage par galvanoplastie proposé par Mitsuya constitue une solution de rechange plus économique. Les gains en termes de coûts s’expliquent par le fait que la galvanoplastie offre une plus longue stabilité du bain de placage, laquelle facilite le placage automatisé par lots. Et même s’il arrive que la solution de placage se détériore, il est facile de la reconstituer.

Avant qu’une nouvelle technologie puisse être adoptée pour la fabrication d’une pièce automobile, il faut procéder à de minutieux essais. La conversion au nickelage par galvanoplastie a pris pas moins d’une année, mais les résultats ont dépassé de loin les attentes des constructeurs automobiles. Grâce au nouveau procédé mis au point par Mitsuya, les frais de placage d’un composant ont diminué de 95 %, tandis que le taux de défectuosité passait de 4 % à pratiquement zéro.

Mitsuya dans l’espace

Éléments de capteur moteur fabriqués par Mitsuya. La fabrication continue est l’un des avantages-clés de la galvanoplastie.

En tant que spécialiste de charge utile à bord de la navette spatiale Endeavor en 1992, le scientifique japonais Môri Mamoru a mené une expérience d’avant-garde dans la formation d’un alliage métallique par le biais d’un « four image ». Le cœur du four était constitué par un réflecteur-collecteur de lumière fabriqué à l’aide du procédé de dorure le plus avancé du monde — une technologie mise au point par Mitsuya.

Les fours images concentrent de la lumière infrarouge en vue de fondre des solides à très haute température. La clef de leur bon fonctionnement réside dans l’efficacité de la concentration des ondes infrarouges en un seul endroit par le réflecteur parabolique concave. Grâce à la technologie de placage mise au point par Mitsuya, qui permet de déposer à la surface du réflecteur une couche d’or parfaitement uniforme et hautement réfléchissante, l’efficacité de la réflectivité et de la concentration de la lumière est passée de 87 % à 99,8 %, ce qui a grandement contribué à assurer le succès de l’expérience.

Ozawa Shigeo, administrateur délégué. Nommé « Maître artisan contemporain en 2006 » par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, en reconnaissance de ses exploits techniques, notamment la mise au point d’une technologie de pointe dans le domaine de la métallisation.

La réflectivité d’une surface métallisée est affectée par les subtiles différences qui peuvent exister dans la composition du métal de placage. Mitsuya a collecté de grandes quantités de données en vue de déterminer la composition optimale du métal. Aujourd’hui, l’entreprise a fabriqué près de vingt réflecteurs-collecteurs de précision destinés à des expériences effectuées tant sur terre que dans l’espace, tous dotés d’une efficacité optique avoisinant les 100 %. Le père de cette technologie du placage de haute précision n’est autre qu’Ozawa Shigeo, administrateur délégué de Mitsuya.

Les techniques de placage mises au point par Mitsuya entraient également dans la fabrication d’une partie des équipements emmenés dans l’espace par le véhicule spatial inhabité Hayabusa, lancé en 2003 par l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA). La communauté internationale a beaucoup parlé de Hayabusa en juin 2010, lorsqu’il a réintégré l’atmosphère terrestre à l’issue d’une mission d’exploration consacrée à un astéroïde proche de la Terre. « Nous savons que le vaisseau spatial comportait une pièce que nous avons fabriquée, mais nous ne savons exactement ni où elle se trouvait ni à quoi elle a servi », reconnaît Ozawa Shigeo. Il se trouve en effet qu’une bonne partie des projets qui ont recours à la technologie de placage mise au point par Mitsuya baignent dans une telle aura de secret que l’entreprise ne sait jamais à quoi servent exactement les composants qu’elle fabrique.

Capacité et vitesse de développement

Des pièces destinées au placage dans le cadre d’une fabrication automatisée par lots sont alignées dans un casier.

L’un des points forts qui font la fierté de Mitsuya est son aptitude à mettre au point des produits et des procédés à la demande. Respectueuse des préceptes — ne jamais refuser un travail, ne jamais dire que ce n’est pas faisable — formulés par son précédent président-directeur général, l’entreprise ne recule devant aucun défi technique. « Je ne prétends pas que nous satisfaisions toutes les demandes », observe Kusama Seiichiro, « mais nous acceptons près de 80 % d’entre elles. » Comme le dit le directeur des achats d’un grand fabricant japonais d’électronique : « Si vous êtes dans le pétrin, adressez-vous à Mitsuya. »

La réactivité constitue aussi l’une des grandes préoccupations de la direction de l’entreprise. Dans cette perspective, l’usine de Gotanda, située en plein cœur de Tokyo est un atout majeur. Compte tenu du boom résidentiel que connaît cette zone, l’entreprise a envisagé un moment de fermer l’usine de Gotanda et de transférer ses opérations à l’usine de Yonezawa, dans la préfecture de Yamagata. Mais la direction a finalement renoncé à cette idée, après s’être rendu compte des bienfaits et de la commodité d’une situation centrale, en termes de gain de temps au cours de l’intense va-et-vient avec les clients qui caractérise les phases de conception et d’expérimentation.

Il arrive que des clients se présentent chez Mitsuya le matin en demandant que le produit fini leur soit livré le soir. « Il y a même un client qui nous a demandé de préparer la commande pendant qu’il tuait le temps au café du coin », se souvient Kusama Seiichiro. Bien qu’elle dispose d’autres installations de production à Kôfu, dans la préfecture de Yamanashi, dans la grande banlieue de Tokyo, ainsi qu’à Yonezawa, Mitsuya n’a nullement l’intention d’abandonner Gotanda, où elle a fait ses premiers pas.

(Photographies de Kuyama Shiromasa.)

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