Le mariage repoussé de la princesse Mako, un sérieux embarras pour la famille impériale

Politique

Le mariage de la princesse Mako, la nièce de l’empereur actuel, est reporté depuis près de deux ans. L’affaire a fait grand bruit au point de devenir un véritable problème pour la famille impériale, sans compter la mauvaise image qu’ont les Japonais envers le fiancé de la princesse et ses ennuis financiers... La Diète japonaise va par ailleurs débattre dès le printemps prochain sur la possibilité pour les membres féminins de rester dans la famille impériale et fonder une branche collatérale même après s’être mariés.

Deux jeunes gens qui annoncent leur amour devant les caméras

Afin de mieux comprendre les sentiments de la princesse Mako, la fille du prince Akishino et nièce de l’empereur actuel, revenons tout d’abord sur les événements et les déclarations qui ont jalonné cette affaire.

En mai 2017, l’Agence de la maison impériale a annoncé les fiancailles de la princesse Mako, 25 ans à l’époque, avec un jeune homme du même âge, Komuro Kei, un de ses anciens camarades de l’Université chrétienne de Tokyo (ICU), qui travaille dans un cabinet d’avocats. Quelques mois plus tard, en septembre 2017, ils donnaient une conférence de presse où ils annonçaient pour la première fois devant les caméras leur intention de se fiancer après cinq ans de relation.

La princesse Mako a déclaré notamment : « Pour moi, Komuro Kei est une présence chaleureuse et réconfortante. La première chose que j’ai remarquée chez lui, c’est son sourire lumineux, comme le soleil. J’ai aussi été attirée par sa façon de penser, la force de sa volonté et sa manière d’affronter les choses avec beaucoup de cœur. » Le jeune homme a dit : « La princesse Mako est une personne qui veille tranquillement sur moi, comme la Lune. J’ai été séduit par son caractère profondément affectueux et par la fermeté de ses convictions ».

La princesse a ajouté : « Depuis ma plus tendre enfance, je sais que le jour où je me marierai, je devrais renoncer à mon statut de princesse impériale. Jusqu’à présent, je me suis efforcée d’apporter mon soutien à l’empereur et de faire tout mon possible pour assumer mon rôle en tant que membre de la famille impériale, tout en accordant aussi de l’importance à ma vie personnelle. Mes parents respectent ma façon de penser et ils m’ont toujours protégée et conseillée. Je me réjouis à l’idée de fonder un foyer chaleureux, accueillant et plein de visages souriants avec Komuro Kei. »

Celui-ci a répliqué : « Je suis conscient de l’immense responsabilité que représente mon engagement avec une princesse impériale et je la prends très au sérieux. La princesse Mako a toujours veillé à ce que cela ne constitue pas un poids pour moi, ce qui nous permis jusqu’à présent d’avoir une relation naturelle. Je souhaite créer un foyer où règne en permanence la simplicité et l’harmonie. »

Le 3 septembre 2017, la princesse Mako et Komuro Kei ont annoncé leurs fiançailles lors d’une conférence de presse qui s’est tenue au palais d’Akasaka, à Tokyo. (Jiji Press)
Le 3 septembre 2017, la princesse Mako et Komuro Kei ont annoncé leurs fiançailles lors d’une conférence de presse qui s’est tenue au palais d’Akasaka, à Tokyo. (Jiji Press)

Un mariage reporté de deux ans

Pour les jeunes gens, l’annonce de leurs fiançailles a sans doute constitué le sommet du bonheur. En novembre 2017, l’Agence de la maison impériale a d’ailleurs indiqué que leur mariage se déroulerait un an plus tard, à l’automne. Mais peu après, les médias ont révélé que la famille de Komuro Kei était impliquée dans un litige concernant un prêt de 4 millions de yens (environ 33 500 euros). Et en février 2018, l’Agence a fait savoir que les cérémonies en relation avec le mariage étaient reportées et qu’elles auraient lieu en 2020, une fois que toutes les célébrations liées à l’intronisation du nouvel empereur, Naruhito, auraient pris fin. L’Agence a par ailleurs démenti les rumeurs circulant dans les tabloïds japonais selon lesquelles le décalage de la date de mariage serait dû aux problèmes d’argent des parents de Komuro Kei.  

Après l’annonce de l’ajournement de ses noces, le jeune couple a diffusé le communiqué suivant par l’intermédiaire de l’Agence. « Nous pensons que nous avons agi dans la précipitation à bien des égards. Nous avons décidé que nous devions prendre le temps suffisant pour effectuer tous les préparatifs nécessaires. L’empereur et l’impératrice respectent notre volonté [de reporter notre mariage]. Nous considérons ce délai comme une excellente occasion pour nous préparer à notre nouvelle vie et nous accordons une grande importance à la période qui va précéder notre union. »

La famille impériale dans l’embarras

En août 2018, le problème de dettes de la famille de Komuro Kei n’était toujours pas réglé. Et le jeune homme est parti pour un séjour d’études de droit de trois ans à l’Université Fordham de New York, afin de pouvoir exercer la profession d’avocat. Il devait toutefois rester en contact étroit avec la princesse Mako, via Internet.

Trois mois plus tard, les parents de la princesse Mako ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle le prince Akishino a dit ce qui suit. « Comme vous le savez, il n’y a pratiquement pas de semaine sans que les revues et les périodiques publient des articles sur Komuro Kei. Nous avons des contacts épisodiques avec lui une fois tous les deux ou trois mois. S’ils ont tous les deux encore l’intention de se marier, il faut trouver une réponse appropriée. Etant donné qu’il n’y a pas encore eu de fiançailles officielles, je m’abstiendrai de tout commentaire à propos de sa famille, mais il faut arriver à une solution. Nous ne pouvons célébrer la cérémonie d’engagement que si elle satisfait la majorité des gens. »

La princesse Kiko a précisé sa position en ces termes : « Pour notre famille, cette situation est extrêmement pénible, mais je sais aussi à quel point notre fille ainée Mako est une personne précieuse et irremplaçable pour moi. Mes sentiments vis-à-vis d’elle ne changeront pas et je continuerai de mon mieux à veiller sur elle. »

Le 22 novembre 2018, le prince Akishino a donné une conférence de presse à sa résidence de Tokyo en compagnie de son épouse, la princesse Kiko. À cette occasion, le couple a répondu à des questions à propos du report du mariage de leur fille ainée, la princesse Mako. (Jiji Press)
Le 22 novembre 2018, les parents de la princesse Mako, le prince Akishino et la princesse Kiko, ont donné une conférence de presse à leur résidence de Tokyo. À cette occasion, le couple a répondu à des questions à propos du report du mariage de leur fille ainée. (Jiji Press)

Le fiancé de la princesse ne fait pas l’unanimité

Deux mois plus tard, en janvier 2019, Komuro Kei a fait paraître une déclaration écrite par le biais de son avocat où l’on pouvait entre autres lire ceci.

« En 2010, ma mère et son ex-fiancé ont décidés de se marier. Il a toutefois rompu avec elle deux ans plus tard. Ma mère a accepté sa décision en dépit de sa brutalité. Elle lui a proposé de lui rembourser ce qu’il avait dépensé pendant le temps de leurs fiançailles, mais il a répondu qu’il n’avait nullement l’intention de lui demander quoi que ce soit. Et tous deux ont reconnu d’un commun accord qu’ils ne se devaient rien l’un à l’autre en termes de soutien ou de compensation et que toutes les questions financières étaient closes. Un an plus tard, en 2013, ma mère a pourtant reçu une lettre de son ex-fiancé lui réclamant le remboursement de ses dépenses durant leur relation. Les médias ont alors largement fait état d’un problème lié à un prêt qui nous a laissés perplexes, ma mère et moi. Nous étions en effet persuadés que cette affaire avait été réglée. Ma mère et moi sommes reconnaissants envers son ex-fiancé pour le soutien financier qu’il lui a apporté et nous sommes prêts à tout faire pour nous entendre avec lui. »

Le communiqué de Komuro Kei a été loin de faire l’unanimité, en particulier sa version des faits à propos de la résolution du problème et du non-remboursement du « soutien financier » dont sa mère a bénéficié. Par conséquent, la majorité des Japonais ne voient pas d’un bon œil ses fiançailles avec la princesse Mako... Pourquoi n’a-t-il pas profité de l’occasion pour rembourser la somme en question et classer l’affaire une fois pour toutes ? Pour beaucoup, il ne s’agit pas d’un litige financier mais d’une question d’honnêteté.

La petite sœur s’en mêle

En mars 2019, la princesse Kako, la petite sœur de la princesse Mako, a publié une déclaration écrite à l’occasion de la fin de ses études universitaires. Dans ce message qui a fait beaucoup de bruit, elle affirmait entre autres : « En ce qui concerne le mariage, je considère que ce qui compte, ce sont les sentiments des intéressés. Je souhaite que les vœux de ma sœur ainée en tant qu’individu se réalisent. »

La princesse Kako a été vivement critiquée pour sa façon franche et directe d’exprimer ses sentiments. On lui a notamment reproché un « manque de conscience de son statut de membre de la famille impériale ».

Le 17 décembre 2019, la princesse Mako et la princesse Kako ont procédé à un lâcher de canards sauvages dans la réserve impériale de Shinhama de la ville d’Ichikawa (préfecture de Chiba). Cette manifestation s’est déroulée à l’issue d’une partie de chasse traditionnelle au filet à laquelle étaient notamment conviés les ambassadeurs de dix-sept missions diplomatiques étrangères et leurs épouses. (Jiji Press)
Le 17 décembre 2019, la princesse Mako et la princesse Kako ont procédé à un lâcher de canards sauvages dans la réserve impériale de Shinhama de la ville d’Ichikawa (préfecture de Chiba). Cette manifestation s’est déroulée à l’issue d’une partie de chasse traditionnelle au filet à laquelle étaient notamment conviés des ambassadeurs étrangers et leurs épouses. (Jiji Press)

Une perte de contact entre le prince Akishino et Komuro Kei

Après des mois sans grands changements, le prince Akishino s’est à nouveau exprimé en novembre 2019, au cours de la conférence de presse qui a marqué son 54e anniversaire. Il a notamment expliqué qu’il y aurait une annonce à propos du mariage de sa fille en février 2020, à la fin de la période d’ajournement de deux ans. « Rien n’a changé depuis ce que j’ai dit il y a un an. Toutefois, deux années se sont écoulées depuis la décision du report, en février 2018, et je pense qu’une déclaration s’impose, d’une manière ou d’une autre. Je n’ai pas eu l’occasion de parler de son mariage avec ma fille ainée et je n’ai pas non plus eu de contact avec la famille Komuro. »

La grande différence avec la conférence de presse de l’année précédente, c’est la révélation de l’absence de contact entre les familles des deux jeunes gens. Par ailleurs, le prince Akishino ne semble pas satisfait par la façon dont Komuro Kei a présenté le problème financier de sa mère comme étant « réglé ».

Les inquiétudes légitimes de l’empereur et de l’impératrice retirés

Quand une femme membre de la famille impériale se marie, elle perd son statut et devient une citoyenne japonaise ordinaire. À cette occasion, elle reçoit une somme de plus de 100 millions de yens (environ 840 000 euros) pour lui permettre de s’installer. Voilà aussi pourquoi le mariage de la princesse Mako fait l’objet de la plus grande attention et pourquoi les médias ne sont pas près de cesser de suivre l’affaire.

L’empereur retiré Akihito, qui a maintenant 86 ans, et son épouse, l’impératrice retirée Michiko, sont eux aussi préoccupés par ce problème qui n’en finit pas. La princesse Mako est leur première petite-fille. Et Akihito a dû avoir beaucoup de mal à supporter l’agitation suscitée par le report de son mariage à la fin de son règne. Certains vont même jusqu’à dire que la santé du couple impérial, déjà très âgé, en aurait été affectée.

À quand une femme sur le trône impérial ?

La polémique à propos des noces de la princesse Mako est par ailleurs en train d’influencer le débat en cours sur une éventuelle autorisation des femmes de la famille impériale à continuer à en faire partie après leur mariage et à fonder une branche collatérale, appelé josei miyake. Un changement crucial étant donné la diminution préoccupante de la taille de la famille impériale (voir notre article lié : Comment assurer la pérennité de la lignée impériale japonaise : un problème crucial).

En 2020, la Diète doit délibérer sur une proposition visant à donner l’accès au trône aux femmes et aux membres de la famille impériale de filiation matrilinéaire, ce qui impliquerait l’adoption du principe de primogéniture sans distinction de sexe. Elle doit aussi se prononcer sur le maintien des princesses dans la maison impériale après leur mariage et leur droit à créer un josei miyake.

L’idée de la possibilité de fonder une branche collatérale de la maison impériale a été conçue pour les petites filles de l’empereur retiré Akihito, à commencer par la princesse Mako, la première d’entre elles. Sa mise en application leur permettrait de seconder le souverain en place tout en limitant la réduction des activités de la maison impériale dont les rangs sont de plus en plus clairsemés. Si le système de succession en place avec une filiation exclusivement patrilinéaire continue et que leur jeune frère, le prince Hisahito accède au trône, ses sœurs pourraient ainsi lui apporter leur soutien.

Le débat sur la succession portera aussi sur la possibilité pour les époux des princesses impériales et leurs enfants de devenir des membres à part entière de la famille impériale. Mais la polémique autour du mariage de la princesse Mako risque fort d’envenimer les discussions autour du josei miyake et même de diviser l’opinion.

Le mariage de la princesse Mako et de Komuro Kei relève du choix personnel des deux intéressés et de la famille du prince Akishino. C’est une décision importante non seulement pour les deux jeunes gens mais aussi pour la maison impériale au moment où elle fait son entrée dans une nouvelle ère . Les Japonais espèrent en tout cas que la situation va se dénouer rapidement en mettant fin à une interminable attente qui dure déjà depuis deux ans.

(Photo de titre : la princesse Mako au moment où elle est pénètre dans le palais impérial, le 22 octobre 2019, jour de l’intronisation du nouvel empereur Naruhito. Jiji Press)

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