La différence entre les partis politiques japonais selon le degré de ferveur de leurs partisans
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Mesurer la température affective envers les partis et leurs dirigeants
Les élections de la Chambre des conseillers (chambre haute du parlement) du 20 juillet dernier ont été très particulières car elles ont renversé ce qui était considéré comme relevant jusqu’alors du sens commun. La surprise qui a vu l’importante progression du nombre de sièges du Sanseitô, un parti d’extrême droite, et du Parti démocratique du peuple (Kokumin minshutô), dont les électeurs vont des conservateurs modérés aux libéraux [au sens américain du terme] se situe dans la continuité de l’élection du gouverneur de la préfecture de Tokyo en juillet 2024, ou de celle du gouverneur de la préfecture de Hyôgo en novembre de la même année.
Pour la première, on s’attendait à un duel entre Koike Yukiko, la gouverneure sortante, et Renhô, l’ex-dirigeante du Parti démocrate constitutionnel, le premier parti d’opposition, mais c’est un inconnu, Ishimaru Shinji, l’ancien maire de la ville d’Akitakata dans la préfecture de Hiroshima, qui est arrivé deuxième en déjouant toutes les projections.
Dans l’élection du gouverneur de la préfecture de Hyogô, le sortant, Saitô Motohiko, qui sollicitait un second mandat après avoir été démis de ses fonctions en raison d’accusations de harcèlement du personnel de la préfecture, a été réélu avec davantage de voix que lors de sa première élection.
Dans toutes ces élections, il est à souligner que le soutien vis-à-vis des partis mentionnés et de leurs candidats a tendance à être plus « passionné » que celui accordé aux partis existants et à leurs candidats. De fait, lorsqu’on regarde les publications sur les réseaux sociaux des partisans du Parti démocratique du peuple ou du parti Sanseitô, et aussi des partisans d’Ishimaru Shinji ou de Saitô Motohiko (mentionnés ci-dessus), on y discerne une intensité absente de celles des partisans d’autres partis. On a aussi pu lire récemment des théories comparant ce soutien passionné à celui que les fans entretiennent envers les idols (boys-band et groupes de chanteuses), les personnages d’anime ou les acteurs.
Je souhaite ici vérifier le degré de passion par parti soutenu, en me servant de l’analyse d’une enquête menée en ligne sur un échantillon de 4 109 hommes et femmes dans tout le Japon, quatre jours avant les sénatoriales.
Cette enquête a été réalisée du 16 au 19 juillet 2025. Une limite de collecte a été attribuée par sexe, âge et région, et elle a été ajustée de manière à devenir, autant que faire se peut, un Japon en miniature. Elle a été examinée et validée par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université d’économie d’Osaka. Cette enquête comportait une question appelée « thermomètre de l’affection », mesurant le degré d’affection ou de désaffection vis-à-vis des principaux partis et de leurs dirigeants. Cette question permettait de répondre par une valeur numérique : le degré d’affection maximale correspondait à 100, de désaffection maximale à 0, la neutralité à 50. Je voudrais alors comparer, sur la base des résultats obtenus, le degré d’affection qu’ont les partisans de chaque parti pour le parti qu’ils soutiennent et son dirigeant.
Les deux graphiques montrent, en valeurs numériques (valeurs moyennes) l’intensité par parti politique de l’affection pour le parti, et pour son dirigeant. Dans le graphique 1, ces chiffres sont classés par parti soutenu, et dans le graphique 2, ils correspondent à ceux de l’ensemble de l’échantillon (c’est-à-dire l’ensemble de l’opinion publique). Par exemple, si l’on regarde les « partisans du Parti libéral démocrate (PLD) du graphique 1, leur degré d’affection pour le PLD est exprimé par la valeur numérique « 69,1 » en rouge, et celui pour son président, Ishiba Shigeru, est indiqué par « 56,9 » en jaune.
La faible intensité des sentiments des partisans du PLD
Intéressons-nous d’abord aux résultats par parti. Trois grandes tendances se dessinent.
La première, c’est la faible intensité de l’affection pour le PLD et son dirigeant quand on la compare à celle pour tous les autres partis. On peut en déduire que lors des récentes élections de la Chambre des conseillers, les partisans du PLD eux-mêmes avaient une attitude négative vis-à-vis du parti.
La deuxième, c’est l’intensité extrêmement élevée du soutien des partisans de trois petits partis. Les chiffres sont de 81,6 pour le Parti Démocratique du peuple, 85,1 points pour le Sanseitô, et 86,6 pour le parti Reiwa Shinsengumi, un parti politique « progressiste ». Tous ces chiffres indiquent un degré d’affection relatif et absolu élevé.
La troisième, c’est le faible écart (en valeur absolue) entre l’intensité de l’affection pour le parti et pour son dirigeant : alors que cet écart atteint 12,2 pour les partisans du PLD, le chiffre équivalent pour le Parti démocratique du peuple est 4,4, celui pour le Sanseitô est 1,8, et 1,3 pour le Reiwa Shinsengumi. On comprend que l’évaluation du parti et l’évaluation de son dirigeant sont couplées.
À partir de cela, on discerne qu’au sujet des petits partis, l’intensité du soutien éprouvé par leurs partisans pour son dirigeant est semblable à celle de l’affection qu’ont les fans qui soutiennent une idol. Il est possible que cet état d’esprit soit l’une des raisons pour lesquelles la publicité faite autour de l’infidélité de Tamaki Yûichirô, le dirigeant du Parti démocratique du peuple, ou l’annonce, pendant la campagne des sénatoriales, d’un scandale financier dans lequel Kamiya Sôhei, le dirigeant du Sanseitô, était impliqué, ne se soient pas traduites par une baisse de leur soutien.
Quel est le parti qui a le plus fort degré de « dissociation » de l’opinion publique ?
J’aimerais maintenant vérifier le degré de dissociation entre l’intensité de l’affection pour les partis politiques de l’ensemble de l’échantillon (en vert sur le graphique 2), et le degré de celle des partisans des partis politiques (en rouge sur le graphique 1). Ce degré de dissociation montre la différence entre l’état d’esprit de l’opinion publique et celui des partisans. Autrement dit, plus cette différence est grande, plus l’intensité de l’affection des partisans est éloignée de l’opinion publique en général.
Lorsqu’on considère les tendances de l’ensemble, le degré d’intensité de l’affection au sein des partisans de tous les partis a tendance, et cela va de soi, à être bien plus élevé que le degré d’affection de l’opinion publique en général. On constate cependant que ce degré de dissociation montre d’assez grandes divergences selon les partis.
Si l’on observe le degré de dissociation obtenu en soustrayant la valeur moyenne de l’échantillon entier de la valeur moyenne des partisans de chaque parti, on constate qu’on a 32,1 pour le PLD, 35,8 pour le Parti démocrate constitutionnel, 32,2 pour le Parti démocratique pour le peuple, et 35,3 pour le Parti japonais de l’innovation (un parti conservateur malgré son nom), c’est-à-dire des niveaux très proches. Par contraste, la différence avec l’ensemble est de 46,4 dans le cas du Sanseitô et de 52,5 dans le cas du Reiwa Shinsengumi.
À partir de cela, on peut distinguer des différences dans la forme du soutien dans le cas de ces deux nouveaux partis qui ont beaucoup progressé lors des récentes élections sénatoriales, le Parti démocratique du peuple et le Sanseitô. Alors que la passion pour le Parti démocratique du peuple a été accompagnée par une appréciation élevée dans l’opinion publique, dans le cas du Sanseitô, cela n’a pas nécessairement été vrai en termes relatifs, et l’on voit que c’était une passion qui s’est entièrement accomplie entre partisans du parti.
Les partis traditionnels sont aussi à un carrefour
Il n’empêche que cette enquête ayant été réalisée avant les sénatoriales, il est possible que le degré d’affection de l’opinion publique pour le Sanseitô, qui a beaucoup progressé en termes de visibilité pendant celles-ci, ait aussi augmenté. Enfin, selon un sondage réalisé en urgence par le quotidien Yomiuri Shinbun immédiatement après les élections, le 21 et le 22 juillet, le taux de soutien de ce parti a grimpé à 12 %, et il est devenu le premier parti d’opposition dépassant le Parti démocratique du peuple (11 %), et le Parti Constitutionnel démocratique (8 %). À cet égard, c’est probablement la manière dont vont agir les partis au pouvoir maintenant qu’ils ont perdu la majorité dans les deux Chambres qui déterminera si la passion des partisans du Sanseitô gagnera l’ensemble de l’opinion.
Par ailleurs, le PLD et le Komeitô, devenus après les sénatoriales des partis gouvernementaux minoritaires non seulement à la Chambre basse mais aussi à la Chambre haute, ainsi que le Parti constitutionnel démocrate, qui n’a pas réussi à gagner de nouveaux sièges alors qu’il était en position avantageuse au sein des partis d’opposition, font face à un grand danger.
Je n’ai pas pu en parler ici, faute d’espace, mais le degré d’affection pour le Parti constitutionnel démocrate et son dirigeant Noda Yoshihiko est encore plus élevé que ceux du Sanseitô et de son dirigeant Kamiya, et il semble difficile de penser que ce parti n’est pas aimé. Néanmoins si l’on tient compte du fait qu’il n’a pas réussi aussi bien que le Parti démocratique du peuple et que le Sanseitô dans les votes proportionnels, il est fort possible que presque plus personne ne s’y intéresse aujourd’hui.
Les partis existants vont-ils tout faire pour rechercher un soutien fort, ou bien vont-ils continuer à plaider naïvement pour des décisions prises en gardant la tête froide ? Ces partis ont eux aussi à prendre des décisions importantes maintenant que la politique japonaise est entrée dans une nouvelle phase.
(Photo de titre : des partisans du Sanseitô lors d’une allocution en pleine rue, le 19 juillet 2025 à Yokohama. Kyôdô)

