Le b.a.-ba du Japon

Les blasons familiaux japonais : même les citoyens ordinaires peuvent en posséder un

Tradition

Au Japon, non seulement la famille impériale et la noblesse, mais également chaque famille du peuple peut posséder ses armoiries, appelées kamon (« emblème familial »). Voyons de quoi il s’agit.

Un blason familial (kamon) est un insigne utilisé pour identifier une famille. Il y aurait entre 20 000 et 25 000 armoiries familiales en usage au Japon aujourd’hui, et on peut les classer en plus de 200 groupes selon leur motif.

Différentes variantes d’armoiries à motif tomoe (Pixta)
Différentes variantes d’armoiries à motif tomoe (Pixta)

De nos jours, on peut les voir gravés sur les pierres tombales ou teints sur les kimonos portés par les participants, lors de cérémonies de mariages ou de funérailles. Cependant, de nombreuses personnes ne connaissent pas leur propre blason familial. La plupart des Japonais ne prêtent pas attention aux racines de ces symboles et à leur signification.

Les blasons familiaux sont sans doute apparus au milieu de l’époque Heian (vers 900-1000).

Dans le Gukanshô, un livre d’histoire compilé par le bonze Jien de l’école Tendai en 1220, on trouve la description du char à bœuf de Fujiwara no Sanesue, un noble de la fin de l’époque Heian. Sur ce véhicule de type courant pour les aristocrates d’alors, tiré par un bœuf, était peint un écusson tomoe.

Les armoiries familiales étaient des marqueurs permettant d’identifier les individus et les familles. La noblesse de l’époque Heian avait une hiérarchie claire en fonction du rang, et lorsque les chars à bœufs se croisaient sur la route, celui qui avait le rang le plus bas devait céder la place à celui qui avait le rang supérieur. C’est la raison pour laquelle les armoiries familiales étaient peintes sur les chars à bœufs afin de montrer son statut.

Dans le rouleau peint du Heiji Monogatari, qui dépeint les bouleversements qui surviennent dans la société japonaise durant la guerre de Genpei (1180-1185), on peut voir le chariot à bœufs d'un noble impliqué dans une bataille. Un blason à motif kuyô est représenté ici. Le kuyô (« neuf besants ») est censé éloigner la malchance. (Collection de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Dans le rouleau peint du Heiji Monogatari, qui dépeint les bouleversements qui surviennent dans la société japonaise durant la guerre de Genpei (1180-1185), on peut voir le chariot à bœufs d’un noble impliqué dans une bataille. Un blason à motif kuyô est représenté ici. Le kuyô (« neuf besants ») est censé éloigner la malchance. (Collection de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Plus tard, les samouraïs et les nobles de la cour ont commencé à utiliser des armoiries familiales, et leur emploi s’est rapidement répandu pendant l’époque de Kamakura (1185-1333), lorsque les samouraïs régnaient sur tout le pays. Ces emblèmes ont commencé à être utilisées non seulement sur les chars à bœufs mais aussi sur les costumes.

Parmi les gens ordinaires, il existe des exemples de marchands de l’époque Muromachi (1336-1573) dont les enseignes portaient des blasons, qui sont par la suite devenus des blasons familiaux. Plus tard, les acteurs du kabuki en portaient et, à l’époque d’Edo (1603-1868), les roturiers étaient autorisés à choisir et à porter leurs propres armoiries familiales. Toutefois, il était illégal d’utiliser l’écusson à motif de chrysanthème de la famille de l’empereur et celui au motif de rose trémière des shoguns Tokugawa.

À l’ère Genroku (1688-1704), les armoiries familiales sont pleinement établies au sein de la population.

Les motifs des armoiries familiales et les cinq armoiries principales

L’héraldique japonaise blasonne cinq catégories principales de meubles : animaux, plantes, éléments naturels, bâtiments et véhicules, outils et signes abstraits.

Blasons familiaux avec souhaits de longévité « Tortue ascendante » et « Grue qui fait la roue » (Pixta)
Blasons familiaux avec souhaits de longévité « Tortue ascendante » et « Grue qui fait la roue » (Pixta)

Les meubles botaniques, tels que la glycine et la pivoine, sont des symboles de richesse et de noblesse (statut élevé et pouvoir financier). Tous deux représentent l’élégance. La rose trémière de Tokugawa encode un symbole similaire.

Dans la catégorie « blason de bâtiment/véhicule », notons les blasons représentant une roue, ou le motif du char à bœuf lui-même. Ces motifs témoignent de la prospérité de la noblesse. De son côté, un blason avec une portique torii désigne une famille de prêtres shintô.

Parmi les éléments naturels, la lune, les montagnes, la foudre, etc. Ceux-ci sont portés pour rendre hommage à la nature et prier pour une bonne récolte, tandis que les « outils et signes abstraits », par exemple, sont utilisés par les familles impliquées dans la construction, comme la tenaille ou kugi-nuki, et le motif hikiryo (« deux fasces »), qui dériverait, selon certaines hypothèses, de la figure d’un dragon.

Ainsi, chaque kamon possède sa propre signification.

Parmi les animaux, on retrouve les tortues, les grues et d’autres animaux. En raison de leur longévité, leur fonction est de souhaiter longue vie à la famille.

Le blason de la famille Ashikaga : Hikiryô, ou « Maru ni futatsu hiki » (« Un cercle à deux fasces »). Il en existe plusieurs variantes, notamment à une seule fasce ou à trois fasces. (Pixta)
Le blason de la famille Ashikaga : Hikiryô, ou « Maru ni futatsu hiki » (« Un cercle à deux fasces »). Il en existe plusieurs variantes, notamment à une seule fasce ou à trois fasces. (Pixta)

Cinq meubles particulièrement fréquents sont classés à part : le fuji (glycine), le kiri (paulownia), le taka-no-hane (plumes de faucon), le mokkô (la papaye) et le katabami (feuille d’oxalis). Mais tous les auteurs ne sont pas d’accord à ce propos, par exemple, dans le Dictionnaires des armoiries familiales (Tokyo-do publishing), le kashiwa (cyprès japonais) est inclus à la place du paulownia dans les 5 meubles principaux de l’héraldique japonaise.

Cinq meubles majeurs. De gauche à droite : glycine, paulownia, plume de faucon, papaye et feuille d’oxalis.
Cinq meubles majeurs. De gauche à droite : glycine, paulownia, plume de faucon, papaye et feuille d’oxalis.

En plus des blasons utilisés officiellement par chaque famille, de nombreux ont été créés les uns après les autres, notamment des blasons officieux, créés ou modifiés pour des particuliers, et des blasons de femmes, qui reprennent par exemple un élément de leur famille d’origine, avec leur blason de femme mariée.

Il est impossible de déterminer le nombre exact de blasons familiaux, d’autant plus que l’on peut imaginer que des blasons entièrement nouveaux voient le jour.

(Photo de titre : Pixta)

histoire tradition Edo famille samouraï