Les 24 divisions de l’année solaire au Japon

« Koku-u » : pluie de grains

Vie quotidienne Tradition

La dernière des six périodes solaires du printemps est appelée Koku-u, qui veut dire « pluie de grains ». À cette époque de l’année, la pluie joue un rôle essentiel pour la croissance des cultures.

Koku-u (pluie de grains) est la période solaire qui signe la fin du printemps. Elle commence aux environs du 19, 20 avril selon le calendrier moderne.

L’expression japonaise « les pluies du printemps tombent, arrosant une centaine de grains » fait référence aux diverses céréales cultivées à cette époque de l’année. Les fleurs saisonnières, dont la glycine, le kerria, l’azalée et l'œillet moussu, semblent éclore soudainement.

Cet article va se pencher sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant du 19 avril au 4 mai sur l’Archipel.

Harusame (pluies de printemps)

La langue japonaise abonde en mots utilisés pour désigner la pluie. Harusame s’applique aux douces pluies de printemps, shunrin aux pluies qui durent au moins trois jours, harushigure à la pluie intermittente.

La glycine (fuji)

La floraison de la glycine commence à cette époque de l’année. Le noda fuji est une variété originaire du Japon, généralement cultivée sur un treillage ou utilisée dans le bonsaï. Les fleurs pourpres émettent un parfum doux et subtil. Elles sont mentionnées dans d’anciens textes littéraires tels que le Kojiki, l’anthologie de poésie Man’yôshû et le Dit du Genji, et les poètes de jadis parlaient de « vagues de glycines » pour décrire les grappes de fleurs oscillant dans la brise printanière. Pour désigner la glycine, les poètes emploient aussi le mot futakigusa, fleur de deux saisons, en référence au fait qu’elle fleurit au printemps et en été.

Le Parc floral d’Ashikaga, à Ashikaga, préfecture de Tochigi, est célèbre pour sa glycine géante, qui a plus de 160 ans et se déploie sur quelque 2 000 mètres carrés, ce qui fait d’elle la plus grande du Japon. Il y a des glycines célèbres sur tout le territoire de l’Archipel, et les aficionados se voient même proposer des visites guidées. (Voir notre article : Une arboriste japonaise au chevet des arbres, des jardins et des hommes)

La glycine géante, âgée de 160 ans, du Parc floral d'Ashikaga (© Parc floral d'Ashikaga)
La glycine géante, âgée de 160 ans, du Parc floral d’Ashikaga (© Parc floral d’Ashikaga)

Oborozukiyo

Les nuits de printemps où la lune est en partie voilée par une brume légère sont appelées oborozukiyo. Elles sont fréquentes en cette saison, si bien que le mot est employé en référence au printemps dans la poésie et les comptines.

Fleurs de cerisier avec une lune embrumée en arrière-plan. (Pixta)
Fleurs de cerisier avec une lune embrumée en arrière-plan. (Pixta)

Hachijû-hachiya (vers le 2 mai)

La nuit du quatre-vingt-huitième jour à partir du Risshun (le début du printemps) est un événement important. Le caractère utilisé pour écrire huit (八) est considéré comme de bon augure en raison de sa forme évasée vers le bas, qui est un signe de prospérité, et cet aspect propitiatoire est deux fois plus marqué pour un double huit. Les gelées s’arrêtent vers cette époque de l’année, qui est donc un moment clef pour les agriculteurs dans la mesure où elle leur annonce qu’il est temps de semer les graines et de commencer à récolter le thé.

La récolte du thé

On dit que boire du thé préparé avec des jeunes feuilles cueillies la quatre-vingt-huitième nuit apporte la longévité. Chatsumi, « la cueillette du thé », est une chanson très appréciée qui figurait jadis dans le livre des chansons enseignées aux élèves des écoles élémentaires.

À mesure de l’essor du thé vert en bouteille, il est devenu de plus en plus rare que les gens le préparent eux-mêmes, et la saveur profonde et astringente des feuilles de thé fraîchement infusées leur est de moins en moins familière. Il n’en reste pas moins que la dégustation de thé de saison fraîchement cueilli est un plaisir dont on aurait tort de se priver.

Plantations de thé dans la préfecture de Shizuoka, avec le mont Fuji en toile de fond. (Pixta)
Plantations de thé dans la préfecture de Shizuoka, avec le mont Fuji en toile de fond. (Pixta)

Les préliminaires à la plantation du riz

À cette saison, les riziculteurs font tremper les grains de riz à planter dans de l’eau jusqu’à ce qu’ils germent. Ils labourent les champs de riz et les inondent en prévision de la plantation. Les jeunes plants de riz sont mis en godets dans des serres en plastique jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être plantés en plein champ.

Nawashiro (parterre de plants de riz) dans une serre. (Pixta)
Nawashiro (parterre de plants de riz) dans une serre. (Pixta)

Tango no Sekku (5 mai)

Dans le calendrier moderne, ce jour tombe entre la période Koku-u et celle du Rikka (début de l’été). Le 5 mai est un jour férié connu sous le nom de Jour des enfants, mais on l’associe plus particulièrement aux garçons. Le Hina matsuri, célébré le 3 mars, est traditionnellement un jour consacré aux filles, tandis que le Tango no sekku est dédié à la saine croissance des garçons. (Voir notre article : Le 5 mai : « Tango no sekku », la fête des garçons)

D’anciennes traditions venues de Chine et consistant à prier pour une abondante moisson en repoussant le mal à l’aide d’iris et d’armoise, se sont transformées pour donner naissance, à l’époque de Kamakura (1185-1333), à une cérémonie dédiée aux garçons des familles de samouraïs. Les familles exposent des armures, des casques, des poupées à l’effigie de samouraï ou d’autres personnages chers aux garçons, en vue de prier pour obtenir que le malheur épargne leurs fils. Elles font aussi voler des cerfs-volants koinobori en forme de carpes, symboles de progrès dans la vie, devant leurs maisons.

Objets exposés pour la fête des garçons Tango no Sekku (Pixta)
Objets exposés pour la fête des garçons Tango no Sekku (Pixta)

Les tulipes

Les jardins privés et les parcs publics sont ornés de tulipes, et la préfecture de Niigata est célèbre pour ses spécialistes de la culture de cette fleur. Ces dernières années, la culture sélective a permis de produire tout un éventail de nouvelles couleurs et formes de tulipes.

Tulipes en fleur (Pixta)
Tulipes en fleur (Pixta)

Les marchés de poteries

Pendant la Golden Week (du 29 avril au 5 mai), la période de congés nationaux, des fours à céramique situés en différents endroits du Japon organisent des festivals au cours desquels ils vendent leur propre production sur le marché. Le marché aux ustensiles d’Arita, dans la préfecture de Saga, propose à la fois de la céramique et de la porcelaine.

Le festival de poterie Himatsuri se tient à Kasama (préfecture d’Ibaraki) pendant le printemps et l’automne. Les pottiers vendent leur création directement aux clients. (Nippon.com)
Le festival de poterie Himatsuri se tient à Kasama (préfecture d’Ibaraki) pendant le printemps et l’automne. Les pottiers vendent leur création directement aux clients. (Nippon.com)

Les pivoines

Les pivoines, originaires de Chine, ont été sélectionnées au fil des siècles de façon à créer des variétés ornementales. Les pivoines de printemps fleurissent en avril et mai. Elles ont un grand nombre d’autres noms poétiques qui reflettent le prestige dont elles jouissent parmi les fleurs. Sur les terrains du temple de Haseda, dans la préfecture de Nara, poussent plus de 7 000 pivoines de 150 variétés différentes.

Fleurs de pivoines (Pixta)
Fleurs de pivoines (Pixta)

L’ayu d’une saison l’autre

L’ayu (Plecoglossus altivelis) entame sa vie au fil des cours d’eau en automne, atteint l’âge adulte dans l’océan, puis remonte les cours d’eau au printemps. Les ayu consommés à cette saison, qu’on qualifie de « remontants », « jeunes » ou « parfumés », ont un arôme délicat. Ils vivent en amont en été, puis, lorsqu’ils redescendent les cours d’eau pour aller pondre, on les appelle ayu « tombants » ou « descendants », et ils ont une saveur piquante très caractéristique.

La cuisine japonaise classe les saisons des ingrédients en trois périodes. Hashiri est le début de l’année et la première récolte, sakari est la saison de pointe, où les produits abondent à l’étalage des boutiques, et nagori est la fin de la saison. L’amertume de l'« ayu tombant » est une saveur propre à la saison nagori. Aucune de ces saisons n’est considérée comme supérieure ou inférieure, et c’est un plaisir que de savourer les changements de goût.

Ayu salé-grillé (Pixta)
Ayu salé-grillé (Pixta)

Yomogi (armoise)

Le yomogi, ou armoise, est une vivace de la famille des Asteraceae, des plantes florales dont font partie les pâquerettes et les tournesols. Au début du printemps, les jeunes feuilles sont utilisées dans la préparation des gâteaux et des boulettes de riz, d’où leur surnom de mochigusa, ou « herbe à gâteau de riz ». L’armoise a un goût caractéristique et la réputation de chasser les mauvais esprits.

 Les kusamochi sont des gâteaux de riz gluant contenant du yomogi moulu et remplis de pâte de haricots azuki. (Pixta)
Les kusamochi sont des gâteaux de riz gluant contenant du yomogi moulu et remplis de pâte de haricots azuki. (Pixta)

L’aji, poisson des masses

L’aji, ou chinchard, est de saison du printemps à la fin de l’été. Une préparation courante consiste à le couper en petits cubes (tataki) servis crus avec de la sauce soja, du gingembre et des oignons de printemps. On peut aussi l’ouvrir et le faire sécher avec du sel, pour le consommer frit ou accompagné de marinade nanban.

Chinchard cru servi façon tataki
Chinchard cru servi façon tataki

Sazae (turbo)

Le sazae, ou turbo, est un coquillage bien connu, en forme de spirale, que l’on ramasse sur tout le littoral du Japon. On le fait griller, opercule tourné vers le haut, avant de l’assaisonner avec de la sauce soja et du saké. Le sazae peut aussi se servir cru, en sashimi. Il a une consistance caoutchouteuse et croquante.

Turbo grillé
Turbo grillé

(Article supervisé par Inoue Shôei, chercheuse sur le calendrier et auteure, prêtresse shintô, professeure invitée à l’université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : une plantation de thé sous la pluie. Toutes les photos de l’article © Pixta, sauf mentions contraires)

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