À la rencontre de l’art bouddhique
Vairocana, le majestueux Grand Bouddha du temple Tôdai-ji
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L’impressionnante taille du Grand Bouddha de Nara inspire le respect à tous ceux qui le découvrent. Créée il y a plus d’un millénaire, cette colossale statue fait la fierté de la ville. C’est l’une des œuvres les plus connues et les plus appréciées de la statuaire bouddhique japonaise.
Connue pour être la plus grande statue bouddhique en bronze du monde avec 15 mètres de haut et ses 250 tonnes, elle représente Rushana-Butsu (Bouddha Vairocana). Statue principale du temple Tôdai-ji, ce Grand Bouddha (Daibutsu) a été réalisé il y a environ 1 300 ans sur ordre de l’empereur Shômu (701-756 ; r. 724-749) pour que la paix et la tranquillité règnent sur le Japon. Construits à une époque où l’empereur soutenait le bouddhisme, le temple et la statue servaient aussi à asseoir le pouvoir politique et religieux dans ce qui était alors la capitale du pays. Aujourd’hui, le Tôdai-ji est toujours le temple principal de l’école Kegon du bouddhisme Mahayana qui révère le Sutra Avatamsaka (Sutra de la Guirlande) et pour qui le Vairocana est le Bouddha cosmique au cœur de l’univers.
Tous les mudras (positions des mains) de la statuaire bouddhique ont une signification et représentent chacun un enseignement du Bouddha. Le Grand Bouddha use de deux mudras : le premier, appelé l’abhaya (semui-in en japonais), symbolise le réconfort et la sécurité, il manifeste la capacité du Bouddha à dissiper la peur et protéger tous les êtres vivants. Sa main est au niveau de sa poitrine, la paume tournée vers l’extérieur, en direction du regardeur. Le second, nommé varada (yogan-in en japonais), représente l’octroi de bénédictions. Ce geste de générosité est représenté par une main paume tournée vers le ciel (l’autre étant tendue vers les fidèles). Ainsi, le Bouddha est montré prêt à écouter les prières et les souhaits les plus sincères de tous ceux qui seraient en quête de conseils. Cette combinaison courante de mudras montre la compassion infinie du Bouddha pour tous les êtres vivants.

La colossale statue est en bronze, l’alliage contient environ 500 tonnes de cuivre, 2,5 tonnes de mercure et 440 kilogrammes d’or. Le métal en fusion a été coulé dans différents moules, une opération de fonte qui a pris neuf années.
À l’époque, comme le Japon ne produisait pratiquement pas d’or, les responsables du projet avaient initialement prévu d’en importer de grandes quantités du continent. Mais alors que la statue était en cours de réalisation, des filons ont été découverts à Oda, dans la province de Mutsu, à l’extrême nord du pays (dans l’actuelle préfecture de Miyagi). Considérant que cette découverte était la preuve miraculeuse que son grand projet bénéficiait de la bénédiction des dieux et des bouddhas, l’empereur Shômu a changé le nom de l’ère en signe de gratitude le faisant passer de Tenpô à Tenpyô Kanpô (Trésors merveilleux de la paix bénie) . Puis il a abdiqué et s’est retiré dans un monastère. La statue était recouverte d’un mélange d’or et de mercure qui lui donnait un aspect doré difficile à imaginer de nos jours, mais à l’origine, ce Grand Bouddha devait rutiler.
Le rite d’« ouverture des yeux » du Grand Bouddha a eu lieu le neuvième jour du quatrième mois 752. Le Shoku-Nihongi décrit la cérémonie comme « l’événement le plus glorieux vu que ce pays ait connu depuis l’introduction du bouddhisme en Orient ». L’empereur Shômu s’était retiré du monde mais il a tenu à participer en personne aux cérémonies religieuses, en prenant la tête d’un cortège de chefs militaires, de courtisans et de dignitaires. Dix mille moines ont pris part à une grande célébration accompagnée de musique et de festivités données pour célébrer l’achèvement de ce monumental projet ayant mobilisé les forces vives du pays.
Dessiner les yeux du Grand Bouddha était le moment important de la cérémonie, la tâche fut confiée à Bodhisena, le moine indien qui avait fondé l’école Kegon du Japon. Le pinceau qu’il a utilisé a traversé les siècles, il fait toujours partie des objets précieux de la collection du trésor Shôsô-in, géré par l’Agence de la maison impériale.

La Grande Salle du Bouddha a été détruite par des incendies pendant les batailles de 1180 et de 1567, la statue du Grand Bouddha a également été gravement endommagée. L’actuelle tête du Bouddha date de la période Edo (1603-1868). Le reste, du torse aux pieds, ainsi que les pétales de lotus du piédestal, sont des vestiges de la pièce originale datant de l’époque Nara.

Chacun des 28 pétales de lotus du piédestal est gravé. Shakyamuni (le Bouddha historique) y est figuré entouré de 22 bodhisattvas. Plus bas encore, on aperçoit ce qui semble être les trois mondes célestes et Sumeru (Shumisen), la montagne mythique qui constitue le centre de l’univers dans la cosmologie bouddhiste. Ces gravures correspondent à la représentation de l’univers infini du bouddhisme que décrit le Sutra de la Guirlande. Surplombant l’ensemble de ce cosmos trône Vairocana, le Grand Bouddha.

Sur l’un des pétales de lotus du piédestal figure une scène originale, on voit que Shakyamuni prêche la loi à un groupe de bodhisattvas. En effet, dans le bouddhisme Kegon, le Bouddha historique est une manifestation de Vairocana. Mais comme les pétales de lotus sont trop hauts pour être bien vus, des répliques sont exposées au niveau du sol pour que les visiteurs puissent les admirer.
Vairocana est si lumineux qu’il éclaire les mondes inconnus et guide tous les êtres vivants vers l’illumination et la salvation. Lumière cosmique de vérité, il fallait que le Grand Bouddha de Nara puisse continuer de nous couper le souffle, 1 300 ans après son érection.

Le précédent édifice ayant été détruit par un incendie, la statue a fini exposée aux intempéries le temps que son nouvel écrin ne soit achevé. La Grande Salle du Bouddha (Daibutsu-den) que peuvent actuellement admirer les visiteurs a été achevée en 1706.
Rushana-Butsu (Grand Bouddha ou Bouddha Vairocana)
- Hauteur : 14,98 m
- Période : achevé en 752 ( époque Nara, 710-794), avec réparations ultérieures
- Emplacement : temple Tôdai-ji (préfecture de Nara)
- Classé : Trésor national
(Toutes les photos : © Muda Tomohiro)