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Le ramadan au Japon : moments de joie pendant l’iftar

Culture Vie quotidienne

Le ramadan 2022 s’est terminé le 1er mai. Comment les pratiquants résidents au Japon ont-ils passé cette période ? Nous leur avons demandé lors du repas de rupture de jeûne, l’iftar, après le coucher du soleil.

Le ramadan, un rite de renforcement intérieur

Le ramadan 2022, la période la plus importante de l’année pour les musulmans, s’est terminée le 1er mai.

En 2015, Ôsunaarashi, le lutteur de sumô d’origine égyptienne, avait respecté le jeûne alors même que cette année-là, le ramadan tombait exactement pendant le tournoi d’été qui commençait le 12 juillet. La condition physique étant essentielle pour un lutteur, le ramadan semble une tradition dure, mais Ôsunaarashi n’hésite pas à défier les limites depuis ses débuts en compétition.

Le but du ramadan est de comprendre le sentiment des pauvres gens qui ne peuvent pas prendre un repas quotidien, et de ressentir un remerciement naturel. En cela c’est une pratique importante pour tout musulman. Dans la vie quotidienne, cela nous arrive parfois de mentir ou de nous mettre en colère contre les autres sans raison, mais pendant la période du ramadan, c’est comme une chance qui nous est donnée de corriger nos mauvaises habitudes. Faire le ramadan, ce n’est pas seulement jeûner, c’est aussi restreindre ses désirs, et donc former sa volonté pour se renforcer à l’intérieur.

Un patron japonais compréhensif pour le ramadan

Comment les musulmans qui vivent au Japon passent-ils le ramadan ? Abu Bakr Mohammed est un Soudanais qui réside au Japon depuis 2004. Actuellement employé dans une grande entreprise d’électronique, il arrive tous les jours au bureau à 8 h 30. Les heures supplémentaires sont fréquentes, il quitte souvent le bureau au plus tôt vers 20 h, parfois autour de 22 h. Mais, pendant le ramadan, il quitte le bureau vers 17 h ou 18 h pour rentrer directement chez lui.

Dans les pays musulmans, pendant la période du ramadan, les écoles et les bureaux terminent tous vers 15 h et tout le monde rentre chez soi tôt. Après retour à la maison, les gens passent le temps tranquillement à regarder la télévision ou en faisant une sieste jusqu’à l’iftar, le premier repas après le coucher du soleil.

« Je suis content que mon patron se montre compréhensif pour le ramadan. Vers 16 h, le moment où la faim est la plus dure, quand il a un travail à me donner, il me demande gentiment : « Je suis désolé de vous demander cela à une heure si difficile pour vous, mais pourriez-vous effectuer ce travail ? », raconte le Soudanais. 
Alors qu’en temps ordinaire, il a peu souvent l’occasion de manger avec son épouse, pendant le ramadan, comme il finit plus tôt, cela lui fait plaisir de prendre l’iftar avec elle, explique-t-il.

Les premiers aliments après l’heure de la rupture du jeûne sont des dattes, très nutritifs, et une soupe chaude, comme une soupe de lentilles. Puis, tout en s’hydratant abondamment avec de l’eau ou du jus de fruit, ils prennent un repas normal de légumes, riz et viande.

D’après Abu Bakr Mohammed, « Quand on passe toute la journée sans manger ni boire, vous pensez peut-être qu’on mange énormément d’un seul coup, mais en réalité une petite quantité suffit à se sentir rassasié. »

L’incompréhension engendre l’amertume

Née en Égypte, Lina Ali est arrivée au Japon en 2010. Elle est chercheuse en linguistique japonaise à l’Université de Tsukuba, actuellement au milieu de la rédaction de sa thèse de doctorat (en 2015). Pendant la période du ramadan, dès la rupture du jeûne, elle mange des dattes et de la soupe et boit du lait vers 19 h. Après une prière et une pause, elle prend un repas léger autour de 21 h, puis, avant 2 h 30, elle consomme des bananes, du yaourt et du pain, afin d’affronter la journée de jeûne suivante, puis va se coucher.

C’est en début de soirée que la fatigue atteint son paroxysme et qu’elle ne parvient plus à se concentrer. Affamée, il lui arrive même de faire des rêves où elle dévore des montagnes de crèmes glacées ! Beaucoup de Japonais ignorent totalement de quoi il s’agit, elle a beau dire qu’elle fait le ramadan, et cela lui demande beaucoup d’efforts pour ne pas retarder sa thèse. L’amertume est grande dans le cœur de la jeune Égyptienne.

Lorsque l’on vit dans un pays musulman, le ramadan est un événement banal, vous pouvez vous habituer à cette attitude courageuse parce que les gens autour de vous respectent cette coutume, même si c’est dur. Et l’iftar est un repas de fête à manger tous les jours avec toute la famille, plus riche que d’habitude. Des parents, des amis, et parfois même des inconnus de passage sont invités pour manger joyeusement, c’est un plaisir. Les musulmans du Japon disent que cela se rapproche beaucoup du sentiment du Nouvel An japonais.

Au Japon, par contre, le ramadan n’étant pas bien connu, de nombreux musulmans se sentent seuls pour dépasser le jeûne. Un autre Égyptien qui travaille pour une entreprise japonaise déclare :

« À l’heure de la pause déjeuner, quand les odeurs délicieuses de bentô flottent, je préfère sortir, ça met la faim à trop rude épreuve. »

Des iftar organisés pour les musulmans du Japon

Parce qu’ils placent une grande importance à se retrouver avec la famille et les amis pour des repas joyeux, les musulmans qui vivent au Japon font tout leur possible pendant le ramadan pour se retrouver en grands groupes et partager le repas du soir. Yahaya Shusha, originaire d’Égypte et vivant au Japon depuis près de 30 ans, contribue grandement à rassembler la communauté égyptienne du Japon. Depuis 15 ans, il organise des iftar communautaires où tous les musulmans qui vivent au Japon peuvent se retrouver et fêter le ramadan ensemble.

Le 27 juin 2015, l’iftar a eu lieu au Centre communautaire de l’arrondissement de Meguro à Tokyo. Une trentaine d’Égyptiens et de Soudanais se sont retrouvés. Il y a peu d’occasion de découvrir la véritable cuisine familiale égyptienne au Japon, mais ce soir-là, c’était un véritable festin qui était à disposition sur les tables : riz roulé dans des feuilles de chou, plat mijoté de haricots et de viande hachée, et le pain fourré de viande hachée épicée, le tout préparé ensemble par tout le monde. Ainsi tout fut rapidement nettoyé !

À gauche : des mets de l’iftar disposés sur la table commune. À droite : tout le monde met la main à la pâte pour fabriquer du pain (haut) ; pain fourré de viande hachée (milieu) ; plat égyptien de riz dans des feuilles de chou et de vigne (bas).

Iftar à la résidence du Premier ministre

Le fait n’est peut-être pas très connu, mais en effet, l’iftar est organisé chaque année dans la résidence officielle du Premier ministre. En 2015, le Premier ministre de l’époque Abe Shinzô, a organisé l’iftar le 30 juin, en invitant les Ambassadeurs et les fonctionnaires des pays musulmans à Tokyo. Cette année-là, les représentants de 39 pays ou régions avaient répondu à son invitation. Chaque diplomate présent avait apporté un plat typique de son pays.

À la mosquée de Tokyo, appelée « Tokyo Camii », dans le quartier de Yoyogi-Uehara, tous les soirs du ramadan l’iftar est offert gratuitement. Il n’est pas du tout limité aux musulmans, tout le monde peut participer, nombreux sont les Japonais du quartier à s’y joindre.

Pour les musulmans, la cuisine du pays natal empreinte de nostalgie participe à la paix intérieure. Des enfants jusqu’aux adultes, toutes les générations s’y retrouvent, participant ainsi au resserrement des liens entre les musulmans vivant au Japon.

(Article mis à jour le 1er mai 2022. Photo de titre : tissu spécial pour décorer le lieu de l’iftar pendant la période du ramadan. En lettres rouges : « Bon ramadan ! »)

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