Allons voir les festivals japonais !

Les trois grands festivals japonais en l’honneur du serpent

Tradition Culture Tourisme

En cette année du serpent, créatures de bon comme de mauvais augure, voici les trois plus grands festivals au Japon qui le mettent à l’honneur.

Bon ou mauvais augure ?

Par ses crochets venimeux et son mouvement sinueux, le serpent allie une apparence sinistre avec une force vitale qui fait de lui une créature crainte et vénérée partout dans le monde depuis les temps anciens.

Le serpent à plume, Kukulcan, vénéré dans la pyramide maya de Chichen Itza, au Mexique.
Le serpent à plume, Kukulcan, vénéré dans la pyramide maya de Chichen Itza, au Mexique.

Un masque représentant un cobra, utilisé dans une danse du diable au Sri Lanka.
Un masque représentant un cobra, utilisé dans une danse du diable au Sri Lanka.

Dans la culture maya du Mexique antique, le serpent à plume Kukulcan est la divinité suprême ainsi que le dieu de l’agriculture qui apporte la pluie. Au Sri Lanka, le port d’un masque de cobra terrifiant protège les sorciers pendant un rite d’exorcisme de démons. Les rois serpents nâgarâja d’Inde se sont répandus à travers l’Asie en même temps que le bouddhisme. Au Cambodge, c’est un nâga, avatar de cobra, qui veille sur la cité d’Angkor Vat.

Un nâga à têtes multiples, mi-homme et mi-serpent, dans les ruines d’Angkor Vat.
Un nâga à têtes multiples, mi-homme et mi-serpent, dans les ruines d’Angkor Vat.

Dans l’Ancien testament, c’est un serpent, symbole du mal, qui mène Adam et Eve à leur perte. Dans la mythologie grecque, l’hydre aux neuf têtes et la méduse aux cheveux de serpent semaient la terreur. Asclépios, dieu de la médecine, utilisait du sang issu du côté droit de la méduse pour ressusciter les morts. Ophiuchus, le Serpentaire, est une constellation associée à Asclépios. Elle représente un homme portant un bâton enlacé d’un serpent.

Au Japon, les serpents peuvent être de bonne ou mauvaise augure. S’ils nourrissent le monde de pluie, ils peuvent également s’en prendre sans pitié aux humains. Nombre de festivals au Japon sont associés au serpent. Cet article vous en présente trois.

Le festival de Jagamaita a lieu le 5 mai au sanctuaire Mamada Hachiman-gû, dans la préfecture de Tochigi. Son point fort est un serpent géant à tête de dragon, fait de bambou et de paille, qui nage dans la mare du sanctuaire. À l’origine, le festival avait pour objectif de prier pour la pluie. Des variantes existent à travers le Japon.
Le festival de Jagamaita a lieu le 5 mai au sanctuaire Mamada Hachiman-gû, dans la préfecture de Tochigi. Son point fort est un serpent géant à tête de dragon, fait de bambou et de paille, qui nage dans la mare du sanctuaire. À l’origine, le festival avait pour objectif de prier pour la pluie. Des variantes existent à travers le Japon.

Iwami Kagura, Susanoo contre le serpent Yamata-no-Orochi

(Toute l’année, région d’Iwami, préfecture de Shimane)

Yamata-no-Orochi se déchaîne après avoir respiré la fumée.
Yamata-no-Orochi se déchaîne après avoir respiré la fumée.

Yamata-no-Orochi est sans doute l’une des créatures les plus effrayantes parmi les divinités japonaises. Le Kojiki, une compilation de récits datant du VIIIe siècle la comme suit : « Orochi a de grands yeux rouges, et un seul corps pour huit têtes et huit queues. De la mousse recouvre son corps où poussent cyprès et cèdres. Il dépasse huit montagnes, est aussi long que huit vallées, et son ventre est toujours couvert de sang. »

La légende de Yamata-no-Orochi remonte à l’arrivée du dieu Susanoo à Sentsûzan, dans la partie est de la préfecture de Shimane, après son expulsion de Takama-ga-hara, la haute plaine du paradis. Là, il rencontre un couple âgé en larmes qui lui raconte que ce serpent monstrueux vient tous les ans dévorer une de leurs filles. Cette année, c’est le tour de Kushiinada, leur huitième et dernière fille, et ils implorent Susanoo de la sauver. Celui-ci met au point un plan insolite, et demande que des tonneaux de boisson forte soient placés devant la maison. Le démon boit et s’endort, et Susanoo le tue en tranchant ses huit têtes. Kushinada devient alors sa femme.

Susanoo est vêtu d’un magnifique costume en velours cousu de fils d’or.
Susanoo est vêtu d’un magnifique costume en velours cousu de fils d’or.

Dans la région d’Iwami, à l’ouest de la préfecture, il existe plus de 30 danses sacrées kagura autour de ces légendes. Toutes reprennent le thème du combat entre le bien et le mal. Le public qui reste anxieux pendant le déroulement pousse un énorme soupir collectif de soulagement quand le bien finit par remporter la victoire. La danse « Orochi », qui a lieu dans cette région, attire les plus grosses foules au vu de l’envergure de la mise en scène et les magnifiques costumes.

La majorité des représentations de kagura à Iwami ont lieu en octobre et novembre, mais il est possible d’en voir toute l’année dans les sanctuaires et les établissements touristiques. Il existe plus de 130 associations qui préservent ce patrimoine, ainsi que des commerces vénérables spécialisés dans la manufacture des costumes. Ces kagura sont ancrés dans le patrimoine local et unissent les habitants des communautés concernées à Iwami.

En voyant le serpent de 17 mètres s’enrouler, on a l’impression qu’il est réel.
En voyant le serpent de 17 mètres s’enrouler, on a l’impression qu’il est réel.

Yatsushiro Myôken-sai, la légende de la tortue-serpent

(Le 23 novembre, Yatsushiro, préfecture de Kumamoto)

Une tête de serpent jaillit du corps d’une tortue.
Une tête de serpent jaillit du corps d’une tortue.

On découvre souvent des créatures étranges lors des festivals japonais. Le festival de Myôken-sai remonte à plus de 500 ans, et se déroule à Yatsushiro, au centre de la préfecture de Kumamoto. Le personnage principal est le kida, une créature imaginaire au corps de tortue mais à tête de serpent, à qui les habitants ont attribué le sobriquet de Game.

Dans les textes bouddhiques, Myôken est en fait le Myôken Bosatsu, la divinité qui protège les enseignements. Durant son acheminement de l’Inde vers la Chine, il est devenu Genbu, la tortue noire protectrice de la direction du Nord dans les croyances taoïstes, qui considèrent l’étoile polaire comme empereur céleste. Il existe de nombreuses interprétations de la forme qui allie tortue et serpent, mais beaucoup pensent que Genbu représente longue vie et prospérité.

L’énorme créature féroce évolue à grande vitesse.
L’énorme créature féroce évolue à grande vitesse.

La légende dit que Myôken est arrivée à Yatsushiro en 680, monté sur une tortue-serpent kida. Depuis, il est vénéré au sanctuaire de Myôken-gû. Lors de la séparation du shintoïsme et du bouddhisme au début de l’ère Meiji, le nom est changé de Yatsushiro Myôken-gû à Yatsushiro-jinja (sanctuaire de Yatsushiro). Étant donné ses origines bouddhiques, Myôken a perdu sa place de divinité du sanctuaire désormais strictement shintô. Les habitants n’ont cependant jamais cessé d’utiliser les noms Myôken-gû et Myôken-sama, et continuent aujourd’hui de célébrer son festival.

Le spectacle offert par le festival Myôken-sai est très varié. La veille se tient un défilé où l’on voit Myôken monté sur un cheval blanc sacré, accompagné d’un sanctuaire portatif (mikoshi) abritant la divinité, faire le trajet de 4,5 kilomètres de Myôken-gû vers le sanctuaire de Shioya Hachiman-gû. Le matin du 23 novembre, une procession élégante de 1 700 personnes entament le chemin du retour vers Myôken-gû. Avec ses chars décorés de parasols, ses lions shishi, et son défilé de seigneurs féodaux, cette parade est un réel plaisir pour les yeux.

Ce festival haut en couleur est l’un des 33 festivals de chars inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2016.
Ce festival haut en couleur est l’un des 33 festivals de chars inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2016.

Le kida se manifeste enfin quand la procession se rapproche du lit de la rivière où coule un filet d’eau, tout près du sanctuaire. L’immense créature de quatre mètres de long et plus de 100 kilos se met à courir le long de la berge et se rapproche des gradins tout en tournant en rond. Les spectateurs lui crient des « hoi hoi » d’encouragement.

Après le kida, le clou du festival est l’arrivée de 12 chevaux richement caparaçonnés qu’on fait galoper en main le long du lit de la rivière. Les chevaux et les hommes semblent voler sur l’eau !

Les chevaux et les meneurs sont parfaitement en phase. Les chevaux sont élevés dans la région pour le festival.
Les chevaux et les meneurs sont parfaitement en phase. Les chevaux sont élevés dans la région pour le festival.

Le festival Taishitamonja, un serpent géant pour prier contre les inondations

(Dernier dimanche d’août, Sekikawa, préfecture de Niigata)

Le serpent géant du festival est inscrit au livre Guinness des records.
Le serpent géant du festival est inscrit au livre Guinness des records.

Un vieux conte du nord de la préfecture de Niigata relate comment une jeune femme du village de Sekikawa se transforme en serpent après avoir mangé de la viande de serpent conservée dans du miso. Le serpent bloque le cours de la rivière et inonde le village, voulant en faire son repaire, mais il est chassé par un moine itinérant joueur de biwa (luth). Le serpent devient une parabole pour les inondations, et le conte tourne en leçon pour les générations suivantes sur le danger des crues.

Le 28 août 1967, d’importantes inondations dans les préfectures de Niigata et Yamagata causent des dégâts considérables dans le village de Sekikawa. Le festival Taishitamonja reprend la légende du serpent pour sensibiliser les habitants aux dangers de fortes crues. La longueur du serpent en bambou est de 8,28 mètres pour commémorer le mois et le jour de l’inondation. Il est inscrit au Guinness des records en tant serpent en bambou et paille le plus long au monde. Lors du festival, il est porté par les habitants des 54 hameaux qui constituent le village. Vu le poids de deux tonnes, plus de 500 personnes se relaient pour le porter.

Le serpent défile sur un parcours de plus de quatre kilomètres.
Le serpent défile sur un parcours de plus de quatre kilomètres.

Admirer de près ce serpent défiler est une expérience inoubliable. N’importe qui peut aider à le porter en réservant une place à l’avance, et la manifestation attire de nombreux touristes. En plus de rapprocher les gens de la communauté, la participation de visiteurs aide à propager le message sur le danger associé aux crues pour les générations à venir.

Le serpent est constitué de tronçons fabriqués dans les hameaux du coin, et ils sont ensuite assemblés.
Le serpent est constitué de tronçons fabriqués dans les hameaux du coin, et ils sont ensuite assemblés.

(Les dates données sont celles auxquelles les festivals ont normalement lieu. Toutes les photos : © Haga Library)

tradition festival animal légende Kumamoto Shimane Niigata