Lieux sacrés du Japon

Le sanctuaire Tôshôgû : un patrimoine mondial dédié au shogun Tokugawa Ieyasu

Tourisme

Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le sanctuaire Tôshôgû est dédié au fondateur du shogunat d’Edo, Tokugawa Ieyasu. Réputé pour ses édifices majestueux, qui arborent de nombreuses sculptures variées, le site rencontre également un grand succès auprès des personnes en quête de spiritualité.

Vénération divine pour le shogun Tokugawa Ieyasu

Il est difficile de parler de la ville de Nikkô sans évoquer Tokugawa Ieyasu (1543-1616). Après avoir unifié le pays au terme de près d’un siècle de conflits, il a fondé le shogunat qui porte son nom. Décédé à 73 ans dans l’actuelle préfecture de Shizuoka, où il s’était retiré, il a été enterré au sanctuaire Kunôzan. En 1617, ses restes ont été déplacés dans le temple Rinnô-ji, à Nikkô, et le personnage a été déifié l’année suivante.

En son honneur, son successeur Hidetada a érigé le sanctuaire Tôshôsha, bien plus sobre que les structures actuelles. Mais le troisième shogun de la dynastie Tokugawa, Iemitsu, qui vénérait profondément son grand-père Ieyasu, voyait les choses en plus grand. Il a ordonné la rénovation du temple d’origine et n’a pas hésité à mobiliser les artisans les plus réputés du pays pour satisfaire son souhait. Les travaux ont achevés en 1636 et neuf ans plus tard, l’édifice nouvellement construit a été nommé « Tôshôgû » par la Cour impériale.

Le monument de pierre qui flanque l'approche du sanctuaire arbore les trois feuilles de primerose, le blason du clan Tokugawa.
Le monument de pierre qui flanque l’approche du sanctuaire arbore les trois feuilles de primerose, le blason du clan Tokugawa.

Derrière le sanctuaire principal, dans l’okumiya, se trouve la tombe du shogun Tokugawa Ieyasu, en forme de pagode en cuivre. Un chandelier en forme de grue, un encensoir et un vase avec des motifs de lion shishi se dressent devant la sépulture.
Derrière le sanctuaire principal, dans l’okumiya, se trouve la tombe du shogun Tokugawa Ieyasu, en forme de pagode en cuivre. Un chandelier en forme de grue, un encensoir et un vase avec des motifs de lion shishi se dressent devant la sépulture.

L’adoration de Iemitsu pour Ieyasu était telle qu’il a fait construire son propre mausolée près du Tôshôgû pour reposer aux côtés de son grand-père après son trépas. Les autres shoguns Tokugawa, jusqu’au quatorzième, sont enterrés au temple Zôjô-ji ou au temple Kan’ei-ji à Tokyo. Yoshinobu, le quinzième et dernier shogun, repose au cimetière de Yanaka dans la capitale, à l’instar d’autres membres de branches annexes de la famille Tokugawa.

Le site composé du temple Rinnô-ji, du mausolée Taiyû-in et des deux sanctuaires Futarasan et Tôshôgu a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1999. Pas moins de six années de rénovation ont été nécessaires pour que, en 2019, le honden (pavillon principal), le haiden (pavillon cérémoniel), la porte Yômei et de nombreux autres bâtiments du site retrouvent leur splendeur d’origine.

La porte Yômei, dont sa signification est liée avec la lumière du jour, est également connue sous le nom de porte Higurashi, ou « Porte du Crépuscule ». Elle est en effet d’une beauté telle qu'on pourrait la contempler du matin jusqu’au soir.
La porte Yômei, dont sa signification est liée avec la lumière du jour, est également connue sous le nom de porte Higurashi, ou « Porte du Crépuscule ». Elle est en effet d’une beauté telle qu’on pourrait la contempler du matin jusqu’au soir.

La porte Yômei, magnificence architecturale

Le site du sanctuaire Tôshôgû comprend huit édifices désignés Trésors nationaux et trente-quatre structures reconnues Biens culturels importants. Le portique torii de pierre, avec ses 9,2 mètres de haut, marquant l’entrée et la pagode à cinq étages située à proximité, tous deux reconnus Biens culturels importants, accueillent le visiteur avec une vue magnifique, prélude au spectacle dans la zone centrale.

À gauche, le portique de pierre, une donation de Kuroda Nagamasa, seigneur du domaine de Chikuzen, sur l'île de Kyûshû. À droite, la pagode à cinq étages, généreuse contribution au site de Sakai Tadakatsu, seigneur du domaine d'Obama dans l'ouest du Japon.
À gauche, le portique de pierre, une donation de Kuroda Nagamasa, seigneur du domaine de Chikuzen, sur l’île de Kyûshû. À droite, la pagode à cinq étages, généreuse contribution au site de Sakai Tadakatsu, seigneur du domaine d’Obama dans l’ouest du Japon.

La zone principale du sanctuaire, dont l'entrée est payante, commence après la porte Omote, reconnue Bien culturel important. Cette porte est également connue sous le nom de porte Niô, en référence à la présence de divinités gardiennes à l'allure menaçante à gauche et à droite de l’édifice.
La zone principale du sanctuaire, dont l’entrée est payante, commence après la porte Omote, reconnue Bien culturel important. Cette porte est également connue sous le nom de porte Niô, en référence à la présence de divinités gardiennes à l’allure menaçante à gauche et à droite de l’édifice.

Une fois à l’intérieur, le visiteur passe tout d’abord devant l’écurie sanctifiée, qui abrite un cheval blanc sacré, puis une sorte d’entrepôt où sont conservés des équipements et des costumes de cérémonie équestres. On se retrouve ensuite nez à nez avec la porte Yômei. Et avec plus de 500 sculptures représentant des êtres issus des légendes et des saints, elle ne passe pas inaperçue. Elle aussi est reconnue Trésor national. Cette sublime architecture arbore sur son toit des figures symboliques, notamment des tuiles oni-gawara, comme leur nom l’indique, « tuile à visage d’ogre », des dragons avec la gueule grande ouverte, des créatures sacrées et de mythiques montures dont les sabots éloigneraient les esprits maléfiques.

La porte Yômei et ses magnifiques décorations
La porte Yômei et ses magnifiques décorations

Autrefois, par superstition probablement, on croyait que la fin de la construction de la porte pourrait entraîner l’effondrement du régime des Tokugawa. Pour conjurer le sort, l’un des douze piliers de soutien a été installé à l’envers à dessein, rendant la porte « incomplète ».

Le deuxième pilier en partant de la droite a été érigé avec des motifs décoratifs allant dans le sens inverse de ceux des autres piliers. Cette particularité n’est pas le fruit du hasard.
Le deuxième pilier en partant de la droite a été érigé avec des motifs décoratifs allant dans le sens inverse de ceux des autres piliers. Cette particularité n’est pas le fruit du hasard.

Les couloirs à gauche et à droite de la porte Yômei sont également reconnus Trésors nationaux. Toutes leurs formes aux couleurs vives sont sculptées à partir d'une seule pièce de bois.
Les couloirs à gauche et à droite de la porte Yômei sont également reconnus Trésors nationaux. Toutes leurs formes aux couleurs vives sont sculptées à partir d’une seule pièce de bois.

Du sanctuaire principal à la tombe d’Ieyasu

Le sanctuaire principal est le cœur du Tôshôgû. Il est composé du pavillon principal, du pavillon cérémoniel et d’un passage au sol recouvert de pierres qui sert d’espace intermédiaire symbolique entre les bâtiments. Ces structures sont reconnues Trésors nationaux, à l’instar de la porte de style karamon qui se retrouve souvent dans l’architecture japonaise), richement décorée, qui protège le sanctuaire principal. Ces salles accueillent diverses cérémonies. Certaines de leurs sculptures figurent des émissaires présentant leurs vœux à leur chef à l’occasion de la nouvelle année. La couleur blanche quasi diaphane est obtenue grâce à des pigments de gofun, préparation fabriquée à partir de coquillages concassés.

À droite, adjacent à la porte de style karamon, se trouve une autre salle de prière, le kitôden. Ici, les visiteurs sont invités à se déchausser avant de s’y recueillir. Le pavillon principal, lui, n’est pas ouvert au public. Il abrite des peintures du célèbre artiste Kanô Tan’yu (1602-1674) et près de 2 500 sculptures.

Au-delà de la porte de style karamon, se trouve le sancturaire principal. On y accède par l’entrée qui se trouve sur la droite.
Au-delà de la porte de style karamon, se trouve le sancturaire principal. On y accède par l’entrée qui se trouve sur la droite.

La porte de style karamon est également richement décorée, à l’instar du pavillon principal  et du pavillon cérémoniel.
La porte de style karamon est également richement décorée, à l’instar du pavillon principal et du pavillon cérémoniel.

Ensuite, pour accéder à l’okumiya où repose Tokugawa Ieyasu, il faut traverser la porte Sakashita puis gravir un escalier de 207 marches. Le chemin qui mène à la dernière demeure du shogun est bordé de grands arbres, lui conférant une atmosphère calme et paisible, aux antipodes des sculptures et décorations somptueuses des bâtiments du sanctuaire principal. L’okumiya se compose d’un pavillon cérémoniel, de la porte Inuki, d’un portique, de deux statues komainu et bien sûr du tombeau lui-même. Toutes ces structures sont désignées Biens culturels importants.

Sur le chemin menant à l'okumiya règne une profonde sérénité. Fait d’une seule pierre, cet escalier compte 207 marches.
Sur le chemin menant à l’okumiya règne une profonde sérénité. Fait d’une seule pierre, cet escalier compte 207 marches.

Le pavillon cérémoniel de l'okumiya, reconnue Bien culturel important. Derrière l’édifice, la porte Inuki et la tombe de Tokugawa Ieyasu.
Le pavillon cérémoniel de l’okumiya, reconnue Bien culturel important. Derrière l’édifice, la porte Inuki et la tombe de Tokugawa Ieyasu.

L'imposante porte Inuki, de style karamon
L’imposante porte Inuki, de style karamon

Singes, chats et éléphants

Si le site du Tôshôgû abrite plus de 5 000 sculptures, deux en particulier attirent l’œil.

La première est le trio de singes qui se dresse dans l’écurie sacrée : « Ne pas voir le Mal, ne pas entendre le Mal, ne pas dire le Mal ». Ils protègeraient les chevaux. La sculpture de Mizaru, Kikazaru et Iwazaru figurent en fait une satire de l’existence humaine, plaçant la prudence au rang de maître-mot d’une vie sûre et heureuse.

L’écurie sacrée et la sculpture des trois singes attirent de nombreux visiteurs.
L’écurie sacrée et la sculpture des trois singes attirent de nombreux visiteurs.

La célèbre sculpture des singes Mizaru, Kikazaru, et Iwazaru
La célèbre sculpture des singes Mizaru, Kikazaru, et Iwazaru

La deuxième attraction du site est la sculpture d’un chat endormi, qui serait l’œuvre de Hidari Jingorô, dans le couloir menant à la porte Sakashita. De l’autre côté de cette sculpture se trouve celle d’un moineau. Selon la légende, l’oiseau serait en sécurité tant que le félin reste endormi. Il s’agit en fait d’une allégorie de la paix dans le pays. Mais en regardant de plus près, on remarque que le chat ne dort pas à poings fermés et que ses pattes sont fermement posées sur le socle. Il reste en fait sur ses gardes.

Vu de face, le chat semble dormir. Vu de côté, il semble à l’affût d’une proie.
Vu de face, le chat semble dormir. Vu de côté, il semble à l’affût d’une proie.

Des sculptures d’éléphants imaginaires attirent également les regards. Le sculpteur n’aurait jamais vu l’un de ces pachydermes en vrai, d’où le terme « imaginaires ».
Des sculptures d’éléphants imaginaires attirent également les regards. Le sculpteur n’aurait jamais vu l’un de ces pachydermes en vrai, d’où le terme « imaginaires ».

Nikkô était connu comme un lieu sacré bien avant la construction du sanctuaire Tôshôgû, une réputation qui suscitera plus tard l’intérêt de visiteurs en quête de spiritualité.

Le portique Karadô, devant l’escalier de pierre qui mène à la porte Yômei, aurait des réverbérations spirituelles particulièrement puissantes. Situé dans l’axe de l’Étoile polaire, il est également connu sous le nom de porte Hokushi, « porte de l’Étoile polaire ». Si on regarde en direction du nord, on constate que la porte de style karamon, le pavillon principal et le pavillon cérémoniel sont parfaitement alignés avec la porte Yômei, conformément aux préceptes de Myôken, une divinité bouddhiste vénérée comme la déification de l’étoile polaire. Par ailleurs, le portique Karadô se trouve à l’extrémité sud, une position qui lui confère le statut de point de départ de la voie vers l’Étoile polaire. On dit que se tenir dans l’encadrement parfait du portique avec la porte Yômei est de bon augure et permettrait de gagner la faveur des dieux.

Les visiteurs en quête de spiritualité peuvent également se rendre sur la tombe d’Ieyasu dans l’okumiya. Le kanae, un immense cèdre dont les branches se dressent au-dessus du site, aurait le pouvoir d’exaucer les vœux, si bien que de longues queues se déploient souvent devant l’arbre majestueux. Cette énergie spirituelle, les visiteurs pourront également la ressentir sur le chemin qui mène au sanctuaire Futarasan.

La légende veut que celui qui se tiendra dans l’alignement parfait de la porte Yômei et du portique Karadô obtiendra la faveur des dieux.
La légende veut que celui qui se tiendra dans l’alignement parfait de la porte Yômei et du portique Karadô obtiendra la faveur des dieux.

Le portique Karadô vu de la porte Yômei
Le portique Karadô vu de la porte Yômei

L’immense cèdre à la gauche des chandeliers en forme de grue est connu sous le nom de kanae. Son âge est inconnu, mais il était là avant la construction du sanctuaire.
L’immense cèdre à la gauche des chandeliers en forme de grue est connu sous le nom de kanae. Son âge est inconnu, mais il était là avant la construction du sanctuaire.

Le chemin qui mène au sanctuaire Futarasan. L’édifice est visible en arrière-plan.
Le chemin qui mène au sanctuaire Futarasan. L’édifice est visible en arrière-plan.

Sanctuaire Tôshôgû

  • Adresse : 2301 Sannai, Nikkô-shi, Tochigi-ken
  • Heures d’ouverture : 1eravril – 31 octobre, 9 h - 17 h ; 1ernovembre – 31 mars, 9 h - 16 h  (dernière admission 30 minutes avant la fermeture)
  • Tarifs : 1 300 yens pour les adultes et les lycéens, 450 yens pour les élèves d’école primaire et de collège
  • Ouvert toute l’année
  • Accès : prendre le bus Tôbu à destination de Chûzenji Onsen / Yumoto Onsen depuis les gares JR Nikkô et Tôbu Nikkô. Descendre à l’arrêt Shinkyô. L’entrée se trouve à 8 minutes de marche. Possiblité de prendre également le bus Sekai Isan Meguri (bus du circuit du site du patrimoine mondial) jusqu’à l’arrêt Omotesandô. L’entrée se trouve à 2 minutes de marche.

(Reportage, texte et photos de Nippon.com)

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