Takaichi Sanae : qui est la nouvelle présidente du PLD, et éventuelle future dirigeante du Japon ?

Politique

Le Parti libéral-démocrate (PLD) a élu Takaichi Sanae comme prochaine présidente. Première femme à diriger ainsi le parti, elle devrait également devenir la première femme Premier ministre du Japon lors du vote prévu au Parlement à la mi-octobre. Issue de l’aile droite du PLD, elle devrait orienter la politique étrangère et économique du Japon dans une direction très différente de celle de son prédécesseur, Ishiba Shigeru.

Un parcours professionnel inhabituel pour la nouvelle cheffe du PLD

Le 4 octobre 2025, le Parti libéral-démocrate (PLD, au pouvoir) a organisé une élection pour désigner son prochain président, après que le Premier ministre Ishiba Shigeru a annoncé le 7 septembre dernier son intention de démissionner. Au premier tour, aucun des cinq candidats n’a obtenu la majorité absolue des 590 voix disponibles (295 membres du PLD au Parlement et un nombre égal de voix représentant les membres nationaux du parti).

Cela signifiait donc un second tour entre les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Takaichi Sanae (64 ans) l’a emporté avec 185 voix (149 membres du Parlement et 36 voix des circonscriptions préfectorales), devançant Koizumi Shinjirô qui en a obtenu 156 (145 du Parlement et 11 des circonscriptions préfectorales). Koizumi, l’actuel ministre de l’Agriculture et fils de l’ancien Premier ministre Koizumi Jun’ichirô, était considéré par beaucoup comme le favori de ce scrutin, mais il semble que son manque d’expérience — à 44 ans, il était le plus jeune des cinq candidats en lice — ait compromis ses chances.

Takaichi Sanae est originaire de la préfecture de Nara, une région riche en histoire. C’est justement ce qu’elle a mis en avant dans ses discours pendant la campagne électorale : « Je suis une femme de Nara. J’ai grandi dans l’ancienne région de Yamato. »

Alors que de nombreux membres influents du PLD sont des politiciens de deuxième ou troisième génération qui perpétuent la « tradition familiale » en occupant des fonctions officielles, elle a grandi dans une famille modeste, avec sa mère policière et son père employé d’entreprise. Son parcours atypique comprend également une expérience en tant que batteuse de heavy metal pendant ses études à l’Université de Kobe.

Takaici Sanae est une ancienne batteuse d’un groupe de heavy metal. (Photo avec l’aimable autorisation du site officiel de Takaichi Sanae)
Takaici Sanae est une ancienne batteuse d’un groupe de heavy metal. (Photo avec l’aimable autorisation du site officiel de Takaichi Sanae)

Après avoir obtenu son diplôme universitaire, elle est entrée à l’Institut Matsushita d’administration et de gestion en 1984. Pendant ses études, elle a participé à un programme d’échange qui l’a envoyée à Washington DC, où elle a travaillé au sein de l’équipe d’un membre démocrate de la Chambre des représentants. Mais cela ne l’a pas pour autant incitée à se lancer immédiatement dans la politique. À partir de 1989, elle a travaillé comme présentatrice pour TV Asahi, se faisant un nom grâce à ses analyses politiques.

Obtenir sa place dans le monde politique

En 1992, elle se présente pour la première fois aux élections, en tant que candidate indépendante dans la circonscription de Nara, pour obtenir un siège à la Chambre des conseillers (la chambre haute). La défaite cuisante qu’elle essuie alors ne la dissuade pas de retenter sa chance : l’année suivante, elle se présente à la Chambre des représentants (la chambre basse) et arrive en tête des suffrages, remportant ainsi son premier siège au Parlement. (Le futur Premier ministre Abe Shinzô, avec lequel Takaichi travaillera étroitement, remporte également son premier siège lors de cette élection.)

En 1994, Takaichi rejoint le Shinshintô (« Parti de la nouvelle frontière ») sous la bannière de laquelle elle est réélue lors des élections à la Chambre basse de 1996, représentant la première circonscription de Nara. Son passage dans ce parti ne dure toutefois pas longtemps. Peu après avoir pris ses fonctions en effet, elle quitte le navire pour rejoindre le PLD.

L’ancien Premier ministre Mori Yoshirô la prend notamment sous son aile, et elle est nommée en 2006 à son premier poste ministériel, celui de ministre d’État chargée des affaires d’Okinawa et des Territoires du Nord (îles Kouriles), sous le premier gouvernement du Premier ministre Abe. En 2012, lorsque le PLD reprend le contrôle du gouvernement des mains du Parti démocrate japonais (PDJ), elle est nommée en tant que première femme à la tête du puissant Conseil de recherche politique du parti, et en 2014, elle devient la première femme ministre de l’Intérieur et des Communications.

C’est en février 2016, alors qu’elle occupe ce poste, qu’elle déclenche une polémique sur la liberté d’expression en déclarant que le gouvernement pouvait retirer leur licence aux diffuseurs qui émettaient des contenus politiquement biaisés. Elle est également impliquée dans une lutte avec Suga Yoshihide, un autre futur Premier ministre qui exerçait une influence considérable au sein du ministère de l’Intérieur, au sujet des nominations politiques au sein de ce ministère.

Au cours du mandat 2021-2024 de Kishida Fumio, Takaichi a de nouveau été nommée à la tête du Conseil de recherche politique du PLD, ainsi que ministre d’État chargée des questions de sécurité économique. Elle n’a toutefois pas hésité à s’opposer ouvertement aux positions politiques du dirigeant japonais, ce qui a quelque peu affaibli sa position au sein du parti.

Margaret Thatcher comme modèle

Sur le plan politique, Takaichi se définit comme une conservatrice intransigeante et cite la Première ministre britannique Margaret Thatcher comme une figure qu’elle admire. Elle plaide avec force pour le maintien du système traditionnel de succession impériale, selon lequel seuls les enfants mâles des membres masculins de la famille impériale peuvent prétendre au trône. Sur le plan économique, elle semble prête à poursuivre le programme Abenomics — qui pourrait bientôt s’appeler Sanaenomics ? —, caractérisé par un assouplissement monétaire audacieux et des dépenses publiques importantes.

Dans un effort manifeste pour s’attirer le soutien des membres du PLD favorables aux positions conservatrices d’Abe Shinzô, elle annonce lors de la course à la présidence du PLD en 2024 (qu’elle a perdue face à Ishiba Shigeru) qu’elle continuerait à se rendre au sanctuaire Yasukuni même si elle devenait Premier ministre. (Il convient de noter qu’elle s’est montrée beaucoup plus vague sur cette position pendant la campagne électorale de cette année.) Cet édifice situé à Tokyo rend hommage aux morts de guerre, dont des criminels de classe A, ce qui est fait un sujet polémique lorsque des politiques s’y rendent tous les ans.

Takaichi Sanae se rend avec un groupe de députés au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, le 15 août 2014, pour rendre hommage aux soldats japonais morts à la guerre. (© Jiji)
Takaichi Sanae se rend avec un groupe de députés au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, le 15 août 2014, pour rendre hommage aux soldats japonais morts à la guerre. (© Jiji)

Son conservatisme pourrait toutefois causer des problèmes à la coalition entre le PLD et son partenaire, le Kômeitô. Avant l’élection du chef du PLD, Saitô Tetsuo, qui dirige le Kômeitô, aurait déclaré : « Sans un leader au sein du PLD qui adhère aux idéaux du centrisme conservateur, il nous sera difficile de rester dans une coalition avec ce parti. » Si Takaichi est élue Premier ministre du Japon durant ce mois-ci, cette décision du Kômeitô de prendre ses distances avec le PLD pourrait engendrer des difficultés à son nouveau gouvernement, d’autant plus qu’il tente de se rapprocher d’autres partis tels que le Nippon Ishin no Kai et le Parti démocratique pour le peuple, avec lesquels elle n’a jusqu’à présent noué aucune relation solide.

Dans sa vie privée, Takaichi est l’épouse de Yamamoto Taku. Ils se sont mariés en 2004, alors qu’il était membre du Parti libéral-démocrate à la Chambre des représentants, puis ont divorcé en 2017, avant de se remarier en 2021. (Conformément à sa conviction que les couples mariés ne devraient pas être autorisés à porter des noms de famille différents, son mari est officiellement enregistré sous le nom de Takaichi Taku.)

Elle est connue pour sa présence ouverte sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à publier fin 2024 un message sur une opération du nez qu’elle avait subie, et elle est également réputée pour être une fan inconditionnelle de l’équipe de baseball des Hanshin Tigers.

Il reste à voir comment la présidente du PLD évoluera dans ses nouvelles fonctions, mais dans son discours après sa victoire, elle a déclaré aux membres réunis qu’ils avaient « ouvert une nouvelle ère pour le Parti libéral-démocrate ». Elle a également ajouté : « À partir d’aujourd’hui, j’abandonne l’expression “équilibre entre vie professionnelle et vie privée” », une déclaration qui témoigne de sa volonté de travailler dur.

(Photo de titre : Takaichi Sanae affiche un sourire après les résultats de l’élection du chef du PLD le 4 octobre 2025. Jiji)

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