Le Japon et l’écologie

Les jeunes unis contre le gâchis : des « bentô » écolo pour promouvoir les produits de la mer

Environnement Gastronomie

Les 17 Objectifs de développement durable (ODD), définis par les Nations unies, prennent leur essor dans de nombreux domaines. Celui concernant l’écosystème marin, dont l’un des buts est de réduire le gaspillage de nourriture dans l’industrie de la pêche, connaît une popularité croissante au Japon. Dans un marché aux poissons de Yokohama, un grossiste a décidé d’adopter les idées proposées par de jeunes étudiants afin d’optimiser son utilisation des ressources et de faire revivre l’alimentation traditionnelle japonaise à base de poisson. Voici donc des bentô 100 % écologiques .

Étudiants et vendeurs de poissons : une collaboration qui donne espoir

Au marché Nanbu de la ville de Yokohama, à environ une heure en train du centre de Tokyo, le grossiste en produits de la mer Yokohama Food Service (ci-après, Yokoshoku) travaille avec les étudiants de l’Université municipale de Yokohama afin de développer de nouveaux produits alimentaires et des systèmes permettant d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. En octobre 2021, l’entreprise a obtenu la certification de l’association « Marine Eco-Label Japan » (MEL) pour transformer et distribuer les produits marins.

Le marché Nanbu, à Yokohama, comprend à la fois des grossistes et des détaillants vendant des produits marins, des fruits et des légumes, ainsi que des fleurs. Le bâtiment à gauche comprend une variété de restaurants, dont le Yokohama-ya Honpo Dining, l’établissement opéré par le grossiste Yokoshoku.
Le marché Nanbu, à Yokohama, comprend à la fois des grossistes et des détaillants vendant des produits marins, des fruits et des légumes, ainsi que des fleurs. Le bâtiment à gauche comprend une variété de restaurants, dont le Yokohama-ya Honpo Dining, l’établissement opéré par le grossiste Yokoshoku.

L’affiche à gauche annonce fièrement la certification de la MEL pour les produits vendus au Yokohama-ya Honpo Dining.
L’affiche à gauche annonce fièrement la certification de la MEL pour les produits vendus au Yokohama-ya Honpo Dining.

Pour diminuer le gaspillage de nourriture, Yokoshoku cherche de nouvelles façons d’utiliser les abats de poissons générés par son système de transformation. Plus de 20 tonnes d’abats sont produites tous les ans lors de la coupe des blocs de sashimi de thon. Auparavant, ces parties consommables étaient nettoyées de leurs arrêtes et de leurs cartilages, puis vendus aux marchands spécialisés.

Les abats laissés après la transformation du thon et du saumon ont en général une texture assez charnue, et Seto Kiyoshi, président de Yokoshoku, était persuadé qu’il pourrait y avoir de meilleures façons de les utiliser. Il s’est alors entretenu avec Shibata Noriko, une analyste en marketing et professeure associée de l’Université municipale de Yokohama, et ont tous les deux décidés de faire collaborer ses étudiants avec l’entreprise pour co-développer de nouveaux produits alimentaires utilisant les abats de poisson.

Les étudiants du séminaire du professeur Shibata discutent des différentes façons d’optimiser la transformation des produits de Yokoshoku.
Les étudiants du séminaire du professeur Shibata discutent des différentes façons d’optimiser la transformation des produits de Yokoshoku.

Comment promouvoir les produits de la mer de la façon la plus écologique qui soit ?

Les séminaires de marketing du professeur Shibata sont connus pour se concentrer sur le domaine des produits alimentaires. En 2021, ses étudiants ont remporté la deuxième place de la compétition nationale d’agriculture, où ces jeunes présentent leurs recherches sur l’agriculture du Japon, sur l’alimentation, les communautés et les coopératives agricoles. Dans une autre compétition intercollégiale liée à l’économie, une autre équipe d’étudiants du professeur Shibata est arrivée en première place face à 132 équipes participantes.

Fiers de cette réussite, les étudiants n’ont pas tardé à se lancer dans un nouveau projet : comment promouvoir les produits de la mer de la façon la plus écologique qui soit ? Les changements de mode de vie liés à la pandémie de Covid-19 ont entraîné une diminution de la consommation de poissons et de crustacés chez les jeunes Japonais. L’équipe s’est donné pour objectif de renverser cette tendance récente et de mettre en avant les Objectifs de développement durable dans ce domaine précis.

La collaboration avec Yokoshoku a alors commencé. Entre temps, cette société avait déjà tenté sa propre initiative pour diminuer le gâchis de nourriture en créant des steaks de poisson faits de thon moulu et d’abats de saumon destinés à être mis sur le marché au côté du poisson frais et des autres aliments offerts par son restaurant Yokohama-ya Honpo Dining. Mais l’utilisation d’abats ne signifiait pas que les produits obtenus soient proposés à bas prix. En effet, le système de production impliquait de retirer les moindres morceaux de viande comestibles des arrêtes de poisson, et le procédé était à la fois coûteux en argent et en temps. Finalement, les galettes de poisson obtenues étaient trop chères. De plus, l’entreprise peinait à conformer ses produits aux ODD. C’est là que les étudiants sont intervenus avec des suggestions pertinentes pour encourager les clients à essayer ces nouveaux produits. « C’était l’idée des étudiants d’inciter les consommateurs à déguster nos steaks avec de l’huile de sésame », déclare le président Seto Kiyoshi.

Des paquets de galettes de saumon et de thon (les paquets de 5 coûtent 580 yens, soit 4,5 euros).
Des paquets de galettes de saumon et de thon (les paquets de 5 coûtent 580 yens, soit 4,5 euros).

Le bentô super écolo

Les étudiants du professeur Shibata se sont mis à développer des déjeuners utilisant les nouveaux steaks de poisson. Après de nombreux échanges d’opinions entre les deux parties pendant près d’un an et demi, cinq variétés ont été mises au point. Ces nouveaux bentô (boîte-repas) sont vendus comme étant des produits « bons pour le corps et pour l’environnement », et comme des aliments respectant les ODD.

Les étudiants du professeur Shibata posent avec leurs bentô écologiques juste avant la mise en vente des produits.
Les étudiants du professeur Shibata posent avec leurs bentô écologiques juste avant la mise en vente des produits.

L’un de ces bentô est le « locomoco », inspiré du fameux plat hawaïen. On y trouve donc un steak de poisson (thon ou saumon) enrobé de sauce brune sur une motte de riz mixte recouverte d’un œuf frit, de poivron rouge et jaune, de tranches d’avocat et de tomates-cerises.

Un des autres bentô à base de saumon est particulièrement coloré avec ses stries rose, vert et jaune. Les garnitures de saumon aigre-doux effiloché, d’épinards et d’œufs brouillés recouvrent du riz blanc. Les jeunes concepteurs de ce repas ont souhaité créer un « apparence attractive pour la génération Instagram », en ayant la conviction que l’apparition du produit sur les réseaux sociaux permettrait de promouvoir la prise de conscience autour des ODD. « Nous n’aurions jamais pensé à cela, ni au bentô locomoco », déclare Seto avec admiration. « Ces jeunes gens savent vraiment comment rendre ces plats plus attrayants. »

Les bentô « locomoco » à base de steak de saumon ou de thon coûtent 498 yens (3,9 euros).
Les bentô locomoco à base de steak de saumon ou de thon coûtent 498 yens (3,9 euros).

Ce bentô coloré à base de saumon est proposé à 450 yens (3,5 euros).
Ce bentô coloré à base de saumon est proposé à 450 yens (3,5 euros).

Le bentô le plus « haut de gamme » des cinq comprend un assortiment savoureux : steak de poisson, chinchard frit, thon grillé avec de la pâte de miso, pâte de poisson chikuwa, morceaux de pâte de poisson kamaboko, tofu frit, et de l’omelette sucrée tamagoyaki. Un des étudiants déclare avec fierté : « On a réussi à inclure le plus de produits à base de poisson possible, tels que des produits grillés, frits et sous forme de pâte, et même en tempura. C’est définitivement un menu complet ! »

Le bentô le plus cher coûte 598 yens (4,6 euros). L’étiquette sur la boîte clame fièrement : « Crée conjointement avec les étudiants du séminaire du professeur Shibata de l’Université municipale de Yokohama. »
Le bentô le plus cher coûte 598 yens (4,6 euros). L’étiquette sur la boîte clame fièrement : « Crée conjointement avec les étudiants du séminaire du professeur Shibata de l’Université municipale de Yokohama. »

Manger en faisant du bien à la planète

Les boîtes à bentô elles-mêmes sont en plastique biodégradable contenant 30 % de matériaux biomasse dérivés des végétaux, une conception venue aussi directement de l’imagination des étudiants, qui ne voyaient pas l’intérêt d’utiliser des ingrédients conformes aux Objectifs de développement durable si les boîtes n’avaient pas de vertus écologiques...

Les cinq bentô ont fait leur première apparition dans un supermarché de Yokohama le 1er décembre, promus par des affiches plutôt tape-à-l’oeil créées par les étudiants. Les repas sont déjà un succès auprès des consommateurs locaux et continueront à se vendre dans le supermarché tout au long de l’année 2022.

« Implémenter des Objectifs de développement durable semble être une tâche particulièrement difficile, jusqu’à ce que l’on réalise qu’on peut commencer par de petites choses », déclarent les étudiants en faisant le bilan du projet. Ils encouragent également les consommateurs à « essayer nos bentô. Nous sommes sûrs que vous vous sentirez satisfaits d’avoir fait un peu de bien à notre planète ».

Les affiches fabriquées à la main par les étudiants attirent le regard.
Les affiches fabriquées à la main par les étudiants attirent le regard.

Pour que les jeunes consomment encore plus de poisson

Les employés de Yokoshoku ayant travaillé avec les étudiants partagent le même avis : « Nous avons appris que l’approche créative des étudiants était plus efficace que le marketing conventionnel à sens unique qui tente de s’imposer au consommateur. Il est important que les jeunes sensibilités puissent s’exprimer afin d’amener la nouvelle génération à consommer davantage de poisson. Les produits maritimes ont toujours été un des piliers de la cuisine japonaise. Nous continuerons à travailler avec les étudiants afin de rétablir sa popularité historique dans l’Archipel. »

Les étudiants montrent une fierté toute particulière vis-à-vis de leur accomplissement. L’un deux déclare : « J’ai toujours préféré la viande, mais après avoir travaillé pour ces paniers-repas, j’ai commencé à réaliser à quel point le poisson pouvait être à la fois nourrissant et délicieux. » Et un autre d’ajouter : « Je vais continuer à promouvoir les attraits du poisson et des autres produits de la mer, ainsi que la nécessité de remplir les Objectifs de développement durable. »

Les étudiants dégustent leurs créations.
Les étudiants dégustent leurs créations.

(Photos de Nippon.com)

bentô environnement écologie gastronomie étudiant poisson jeune Yokohama Kanagawa