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Cyclotourisme au Japon : la région du Hokuriku passe la vitesse supérieure

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Le cyclotourisme est un phénomène en pleine expansion. Partout dans le monde, les activités mettant à l’honneur les vélos se multiplient, tout comme les centres d’informations touristiques qui en proposent à la location ainsi que des cartes pour ceux qui souhaitent partir sur les chemins à bicyclette. Exit les deux roues comme moyen de transport ; ils doivent maintenant aussi être divertissants. Trois préfectures situées sur la côte centre-ouest du Japon entendent bien faire la promotion de ce mode de tourisme vert ; elles veulent maintenant passer la vitesse supérieure et créer des itinéraires partagés. L’écrivain et comédienne Hitoto Tae nous raconte son périple dans cette magnifique région.

Le cyclotourisme, un secteur en plein essor

Les trois préfectures de Toyama, Ishikawa et Fukui, qui composent la région du Hokuriku, bordent la côte centre de la mer du Japon, loin de la capitale, Tokyo. Loin ? Plus vraiment, grâce à la ligne Hokuriku Shinkansen qui relie depuis 2015 Tokyo et Kanazawa, et qui se rallongera à partir de mars 2024 jusqu’à la préfecture de Fukui, et ce, pour le plus grand bonheur des touristes.

Dans l’imaginaire populaire japonais, le nom Hokuriku fait immédiatement penser aux sources chaudes relaxantes (onsen), un verre de saké dans une main et des fruits de mer, des crabes ou encore des crevettes à portée de l’autre. Le Hokuriku, c’est aussi un camaïeu en noir et blanc ; il évoque également la grisaille, les vagues agitées de la mer du Japon, qui viennent s’échouer sur le rivage et les chutes de neige qui recouvrent d’un épais manteau blanc la région.

Mais cette nature capricieuse n’est pas un obstacle pour les trois préfectures du Hokuriku, qui entendent bien faire connaître la région sur deux roues. Pendant la pandémie, pourquoi ne pas tenter le tourisme à vélo pour éviter la promiscuité des endroits bondés, une occasion également de se maintenir en forme. Et les autorités locales ne veulent surtout pas manquer le coche.

Le cyclotourisme a le vent en poupe aux quatre coins du monde, particulièrement à Taïwan, d’où je suis originaire. Là-bas, la route Huan Dao, qui fait le tour de l’île, est très appréciée des afficionados du vélo. Prenant exemple sur Taïwan, le Hokuriku souhaite stimuler le tourisme entrant.

Les mille et un attraits de la péninsule de Noto

J’ai moi-même parcouru le Hokuriku à vélo en octobre et novembre 2022. Et je suis venue à bout du Tour de Noto 400, un circuit de 400 kilomètres sur trois jours, qui fait le tour de la péninsule de Noto, dans la préfecture d’Ishikawa. Nous étions près de 600 sur la ligne de départ. Des communautés locales cherchant des volontaires pour promouvoir le cyclotourisme dans la région. Il n’en fallait pas plus pour me donner la bougeotte ; c’est tout naturellement que j’ai participé à des courses d’essai de parcours recommandés le long de la péninsule de Noto et du district de Kaga, dans la préfecture d’Ishikawa.

Hitoto Tae en route pour le Tour de Noto 400.
Hitoto Tae en route pour le Tour de Noto 400.

Le parcours touristique de la péninsule de Noto s’étend sur environ 25 kilomètres, depuis la station en bord de route de Wajima. Elle amène les cyclistes jusqu’à Kamogaura, à la pointe du cap de Wajima, qui s’avance loin dans la mer. Plus loin, les attend l’illustre marché du matin de Wajima, qui accueille les acheteurs dès les premières lueurs du soleil depuis plus de 1 000 ans. Les cyclistes pourront également se rendre au musée artistique de Wajima Kiriko, qui expose des œuvres de verre taillé kiriko, originaire de la région de Noto. Enfin, que serait ce parcours sans citer les rizières en terrasse de Shiroyone Senmaida qui s’étendent à flanc de coteau jusque vers le bleu de l’océan. Une application spéciale recommande même certains itinéraires pour cyclistes. La distance n’est ni trop longue, ni trop courte et il est possible de louer des vélos à assistance électrique ou de sport. D’autres itinéraires traversent par exemple les villes d’Anamizu, Nanao et Hakui.

Les transports secondaires, c’est-à-dire les moyens de déplacement depuis les aéroports ou les gares jusqu’au destinations touristiques en elles-mêmes, font cruellement défaut dans la péninsule de Noto. Certaines sites touristiques sont donc particulièrement difficiles d’accès. Cependant, si les municipalités parviennent à coordonner leurs activités pour les deux roues, ce nouveau style de tourisme a à coup sûr un avenir prometteur.

Soupe de morue chaude servie au poste de secours d'Asahi-machi lors de la course cycliste de la baie de Toyama.
Soupe de morue chaude servie au poste de secours d’Asahi-machi lors de la course cycliste de la baie de Toyama.

À Kaga, j’ai participé à une course d’essai sponsorisée par le Conseil de promotion du géo-ride de Hakusan. La ville de Hakusan, qui déplore le fait que le Shinkansen qui relie Kanazawa et Fukui ne s’y arrête pas, cherche les moyens de proposer un programme unique de tourisme à vélo mettant à l’honneur les mille et un atouts touristiques de la région. Par exemple, j’ai emprunté la Route du canyon de Tedori, un parcours de près de 20 kilomètres qui suit une voie désaffectée depuis l’ancienne société de transport Hokuriku Rail Road.

La ligne Ishikawa de la Hokuriku Road y met elle aussi du sien, puisque les cyclistes peuvent monter à bord avec leurs vélos, ce qui évite bien des tracas, tels que la réservation d’un endroit spécifique. Un tronçon de 14 kilomètres, soit une durée de 30 minutes, vous emmène de la gare Nomachi, la première à Kanazawa, à la gare de Tsurugi, dernier arrêt à Hakusan, dans la préfecture d’Ishikawa, juste à côté de l’entrée de la Route du canyon de Tedori.

Les vélos sont les bienvenus à bord des trains de la ligne Ishikawa de la Hokuriku Road.
Les vélos sont les bienvenus à bord des trains de la ligne Ishikawa de la Hokuriku Road.

Toyama, première sur la ligne de départ

Je me suis rendue à Toyama à la fin du mois d’octobre. La Route cyclable de la baie de Toyama a été désignée route nationale, et est maintenant l’un des parcours les plus prisés de la région du Hokuriku. Au sud, elle part de Himi, près de la frontière avec la préfecture d’Ishikawa, et emmène les cyclistes plein nord, le long de la baie de Toyama, jusqu’à la frontière avec la préfecture de Niigata. Une course, qui consiste à faire un aller-retour sur ce circuit, a lieu chaque année dans la baie de Toyama. Avec en toile de fond la baie de Toyama et la majestueuse chaîne de montagnes Tateyama, pas étonnant qu’elle soit de plus en plus prisée par les amoureux des deux roues.

En 2014, la baie de Toyama a été ajoutée à la liste du « Club des plus belles baies du monde de l’Unesco ». Tout a commencé lors d’un d’événement où les sept villes et deux villages situés sur le long de la baie de Toyama ont organisé une course pour marquer l’occasion. Le parcours le plus long, de Himi à Asahi, est un aller-retour long de 180 kilomètres. Ce parcours doit s’effectuer aller-retour, parce que contrairement à une route en bord de lac, il ne peut pas faire un circuit complet. J’ai opté pour le parcours de 130 Kilomètres, de Imizu à Asahi, aller et retour.

Ce parcours vous emmène sur le pont Shin-minato Ôhashi, qui s’élève à pas moins de 50 mètres au-dessus d’Imizu, avec une passerelle offrant des paysages à couper le souffle. Il est vraiment dommage que la plupart des cyclistes ne connaissent pas ce pont, d’autant plus qu’il a été conçu pour qu’ils puissent le traverser avec leur vélo, à pied, pour embarquer sur le ferry à l’autre extrémité. Il y a aussi un train à bord duquel les cyclistes peuvent monter avec leur vélo mais ce n’est pas très pratique ; il faut réserver à l’avance et ce service se limite à certains jours de la semaine. Dans la ville, les magasins de location de vélos sont encore peu nombreux, il reste donc un certain nombre de points à améliorer.

Arrivée du ferry de la préfecture de Toyama près du pont Shin-minato Ôhashi
Arrivée du ferry de la préfecture de Toyama près du pont Shin-minato Ôhashi

Les destinations touristiques ne manquent pas à Toyama ; la Route alpine Tateyama Kurobe, la gare de Murodô, la plus haute au Japon, à 2 450 mètres d’altitude, le plus haut barrage de l’Archipel, le barrage de Kurobe, les canyons de neige qui se forment à la fin du printemps avec des murs de neige pouvant atteindre 20 mètres de haut, ou encontre les villages aux toits de chaume de Gokayama, site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco... vous n’aurez que l’embarras du choix. Pour ceux qui préfèrent la mer à la terre, ils pourront déguster de délicieux poissons comme des sérioles (buri), ou encore des fruits de mer tels que des calmars lucioles, des crevettes ou des langoustines. Les sites touristiques, les spécialités de Toyama et le cyclotourisme : que pourrait-on demander de mieux ?

Fukui en quête d’une reconnaissance au niveau international

Le succès de Toyama fait des émules et des envieux. La préfecture de Fukui, elle aussi, cherche à faire reconnaître un itinéraire pour les vélos au niveau national, qui pourrait représenter le Japon au-delà de ses frontières. Actuellement, il existe six itinéraires qui peuvent se vanter d’avoir ce statut, dont le Shimanami Kaidô qui relie Onomichi, dans la préfecture de Hiroshima, à Imabari, dans celle d’Ehime, et l’itinéraire Biwaichi qui fait le tour du lac Biwa. Une désignation en tant que route nationale place la région sur le devant de la scène et attire davantage de visiteurs aux événements, entraînant par ricochets de nombreux avantages secondaires. On comprend aisément pourquoi les communautés de tout le Japon sont impatientes d’obtenir une reconnaissance officielle.

Si la reconnaissance officielle tarde à venir, la préfecture de Fukui propose tout de même l’itinéraire Gokoichi, long de 42 kilomètres, qui fait le tour de cinq lacs dans la région de Mikata, près de la baie de Wakasa. Il s’agit d’un parcours tout à fait abordable même pour les débutants, malgré ses nombreux dénivelés. N’oublions pas non plus le Wakasa Kaidô, un itinéraire qui se dirige vers le sud depuis Obama, sur la baie de Wakasa, jusqu’à Kyoto, en passant par l’ancienne région de Wakasa no Kuni. Les eaux de cette région regorgeaient autrefois de saba, ou maquereau, si bien que la route est également connue sous le nom de Saba Kaidô, ou « Route du maquereau ». La préfecture cherche maintenant à regrouper des itinéraires pour proposer un parcours qui plaira à tous, petits comme grands, débutants comme confirmés, seuls ou en famille, avec en vedette la Saba Kaidô, qui relie les régions de Kyoto et de Shiga.

Une carte des itinéraires de Gokoichi
Une carte des itinéraires de Gokoichi

Une seule route pour tout le Hokuriku ?

La Route cyclable de la côte Pacifique est l’un des itinéraires désignés route cyclable nationale par le gouvernement japonais. Longue de 1 200 kilomètres, elle relie Chôshi à Chiba, et s’étend jusqu’à la côte de Kada, dans la préfecture de Wakayama. En fait, cette route est en grande partie encore en travaux. Toutefois, nul besoin de la parcourir tout entière en une fois, bien au contraire.

Une route qui peut lui ressembler et qui traverse les trois préfectures de la région du Hokuriku pourrait partir d’Asahi, tout au nord, dans la ville de Toyama, puis faire le tour de la péninsule de Noto et traverser Kanazawa et Kaga pour se terminer à Takahama, dans la préfecture de Fukui. Long de pas moins de 600 kilomètres, cet itinéraire sillonnerait les côtes littorales des trois préfectures. Cette route pourrait prendre le nom de Route cyclable du Hokuriku et de la mer du Japon. Elle pourrait être une excellente opportunité pour les cyclistes de parcourir la côte, et de profiter des différents climats de la région, de la cuisine locale et de paysages à couper le souffle.

Lors de récentes discussions, les gouverneurs de Toyama et d’Ishikawa ont évoqué la possibilité de créer une carte, de type pass, qui donnerait accès aux lignes de train des trois préfectures et d’unir leurs forces pour la gestion d’un service touristique ferroviaire commun. Ce projet représente une nouvelle étape dans la collaboration entre les trois préfectures, même si une telle initiative aurait pu intervenir plus tôt, étant donné la région du Hokuriku et la fierté qu’on lui connaît. Depuis l’arrivée du Shinkansen, les autorités locales peuvent maintenant travailler ensemble pour promouvoir le tourisme deux roues, et espérer attirer plus facilement encore plus de touristes japonais et étrangers dans la région

Le pont Taizan sur la Route du canyon de Tedori
Le pont Taizan sur la Route du canyon de Tedori

Santé et amitié

Taïwan est un pionnier du cyclotourisme et King Liu, fondateur de la marque de vélos Giant, y est pour beaucoup. Pour lui, la culture du vélo rime avec santé, d’amitié et vie meilleure. Ce type de tourisme permet d’élargir les possibilités d’exploration du quotidien et peut pardonner certains excès, que ce soient de glucides ou même un régime alimentaire riche dans son ensemble. Pour moi qui suis très curieuse, et qui aime bien manger, faire du vélo, c’est le moyen pour allier les deux. Mais pas que ; faire du vélo, c’est amusant, ça apporte de l’énergie au corps comme à l’esprit et c’est aussi un bon moyen pour rencontrer des gens et nouer des liens avec d’autres amateurs comme moi.

J’espère que les trois préfectures du Hokuriku ne se concentreront pas seulement sur les retombées économiques immédiates du cyclotourisme mais qu’elles prendront aussi en compte le bien-être des touristes en eux-mêmes, à long terme, et de la population locale. J’espère sincèrement que cette région deviendra le nouveau visage du cyclotourisme au Japon.

Hitoto Tae, à droite, en compagnie de cyclistes originaires de Taïwan
Hitoto Tae, à droite, en compagnie de cyclistes originaires de Taïwan

(Toutes les photos sont fournies par Hitoto Tae)

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