L’expansion économique japonaise continuera en 2019

Économie

En dépit des inquiétudes persistantes à propos d’une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, il est très probable que l’économie japonaise poursuive son expansion en 2019.

La dégradation de la conjoncture économique prend fin

Selon le Tankan (Étude économique à court terme sur les entreprises) publié en décembre par la Banque du Japon (BoJ), l’évaluation globale de la conjoncture pour les grands fabricants n’a pas changé depuis le mois de septembre et se maintient à +19, mettant ainsi fin à quatre trimestres de déclin. La série de séismes et de typhons enregistrée cet été a porté atteinte à la confiance des chefs d’entreprise, mais il semble que ce malaise ait pris fin. La solidité de la conjoncture actuelle a de quoi surprendre, compte tenu des inquiétudes à propos de l’impact qu’aurait une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. On s’attend toutefois à ce que l’indice de confiance perde quatre points au prochain trimestre pour redescendre à +15, en réaction à la persistance des inquiétudes suscitées par le conflit commercial entre Washington et Pékin.

L’indice de la conjoncture générale, qui prend en compte toutes les entreprises et tous les secteurs d’activités, s’établissait à +16, soit un point de plus que dans le rapport de septembre. Les sociétés ayant une opinion favorable de l’économie surpassent depuis cinq ans et demi celles qui en ont une opinion défavorable. L’indice de la situation de l’emploi et les projets de dépenses d’équipement se maintiennent, ce qui laisse à penser que l’économie va continuer de progresser à un rythme modéré.

La hausse des prix est restée inférieure à l’objectif d’inflation défini par la BoJ

Les catastrophes naturelles de l’été ont eu un impact négatif sur l’économie japonaise. Alors que le PIB a baissé à un taux annuel de 2,5 % en termes réels pendant le trimestre juillet-septembre, le Tankan de décembre incite à anticiper une augmentation du PIB au cours du trimestre octobre-décembre.

Le consensus pour l’évaluation de la croissance du PIB exprimé dans les prévisions ESP (moyenne des chiffres proposés par 38 économistes consultés par le Centre japonais pour la recherche économique) s’établissait à 0,73 % pour l’exercice budgétaire 2019. La moyenne était de 0,98 % pour les huit prévisions les plus élevées et de 0,48 % pour les huit plus basses. Le point de vue qui faisait consensus était que l’économie va continuer de croître pendant l’exercice 2019, mais à petits pas. La moyenne des prévisions pour l’évolution de l’inflation au cours de l’exercice 2019 était de 0,89 % d’augmentation pour les prix à la consommation (tous les produits à l’exception des aliments frais, sans prendre en compte les effets d’une hausse de la taxe à la consommation). La hausse des prix pourrait être inférieure à cette prévision, selon le montant de la réduction des taux sur les téléphones portables. Cette perspective est très éloignée de l’objectif d’inflation de 2 % défini par la BoJ.

La plus longue expansion depuis la Seconde Guerre mondiale

Dans ses Indices de la conjoncture économique, le gouvernement affirme que l’économie a été en « progression » (sa plus forte évaluation) tout au long des 23 mois qui vont d’octobre 2016 à août 2018. Cette estimation a toutefois été revue à la baisse pour septembre et octobre, pour lesquels le terme employé est « ralentissement ». La série de séismes, pluies diluviennes et typhons de l’été 2018 a constitué le facteur principal de cette revue à la baisse.

On s’attend malgré tout à ce que l’économie échappe à un basculement dans la récession. Un examen du cycle des stocks montre un début de retour à l’augmentation des stocks en octobre, consécutif à une phase d’accumulation pendant le trimestre juillet-septembre provoquée par les difficultés de chargement et de déchargement des navires dues à un grand typhon survenu en septembre. À moins d’un choc important sous une forme ou une autre, l’économie ne semble pas menacée de ralentissement dans les prochains mois.

La croissance de l’économie s’est prolongée au-delà du mois de septembre 2017, au cours duquel elle a dépassé les 57 mois du boom Izanagi (novembre 1965-juillet 1970), qui constituait jusque-là la deuxième plus longue période d’expansion de l’après-guerre. Il est désormais hautement probable que la croissance actuelle atteindra son 74e mois consécutif en janvier 2019, battant par la même occasion le record de durée pour l’après-guerre détenu par le boom Izanami (février 2002-février 2008).

L’économie mondiale reste solide malgré les inquiétudes suscitées par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine

Dans l’édition spéciale d’octobre 2018 des prévisions ESP, des économistes se sont vu demander de sélectionner trois grands facteurs de risque menaçant de freiner la croissance économique japonaise au cours des 6 à 12 prochains mois. Les deux réponses arrivées en tête concernaient des facteurs extérieurs : un « accroissement du protectionnisme » (28 occurrences) et une « détérioration de l’économie en Chine » (21 occurrences). Aucun facteur intérieur n’a cumulé un nombre de réponses à deux chiffres (y compris les réponses ouvertes) depuis l’introduction de cette question dans l’enquête en juin 2017.

Bien qu’une étude spéciale du mois de novembre suggère une détérioration des perspectives d’évolution du PMI manufacturier de la Chine par rapport au mois d’août, la majorité des personnes consultées, ont répondu « stable » ou aux environs de 50, ce qui montre que peu d’économistes anticipent un fléchissement de l’économie chinoise en 2019.

Il semble que le rapport de forces et les préoccupations sécuritaires soient en train de générer entre les États-Unis et la Chine une guerre commerciale qui a le potentiel de saper les fondements de l’économie mondiale. Il est toutefois très probable que celle-ci continuera de progresser à un rythme régulier en 2019. Le FMI et l’OCDE anticipent tous deux une croissance solide au niveau mondial. Dans les Perspectives économiques mondiales qu’il a publiées en octobre dernier, le FMI prévoyait un taux de croissance mondiale de 3,7 % en 2018 et 2019. Et les chiffres annoncés par l’OCDE dans un rapport publié en novembre étaient de 3,7 % en 2018 et 3,5 % en 2019.

La hausse de la taxe à la consommation aura moins d’impact que dans le passé

La demande va grimper avant l’augmentation de la taxe à la consommation de 2019 et elle devrait donc enregistrer par la suite une chute momentanée, mais il est prévu que le gouvernement prenne des mesures correctives.

Dans les prévisions ESP de novembre, figurait un indice de diffusion composite sur la conjoncture exprimant le point de vue consensuel des prévisionnistes. Cet indice se situe dans la tranche haute des 80 à 90 pour les trois trimestres qui vont de janvier à septembre 2019, un chiffre bien supérieur au seuil de 50 qui constitue la ligne de séparation entre croissance et contraction de l’économie. Les prévisionnistes semblent s’accorder pour dire que l’économie va poursuivre son expansion jusqu’en juillet-septembre 2019 et que la période de croissance dépassera les 82 mois.

Au cours du trimestre octobre-décembre 2019, qui subira les effets de l’augmentation de la taxe à la consommation, l’indice de diffusion tombera momentanément à 5,3, pour rebondir à 48,7 en janvier-mars 2020, puis dépasser les 50 et atteindre 70,8 en avril-juin 2020. Cette évolution représente une durée de croissance économique de plus de 91 mois.

En avril 2014, quand la taxe à la consommation est passée de 5 % à 8 %, la consommation a connu une chute brutale, même si l’économie a échappé à la récession. En 2019, la taxe à la consommation va être augmentée de deux points de pourcentage, contre trois points dans le cas précédent. Le gouvernement est en train d’élaborer un certain nombre de mesures de correction, dont une réduction du taux de la taxe pour certains achats et un système de points de fidélité. Compte tenu de ces facteurs, il y a peu de chances que l’augmentation de la taxe à la consommation provoque une récession.

Un autre point qui mérite d’être noté est que la baisse du pourcentage de la population engagée dans la production est plus lente qu’en 2014. Ce ratio, qui était de 62,1 % en 2013, a perdu 0,7 points en une seule année pour tomber à 61,3 % en 2014. Le fort déclin de la population en âge travailler, la tranche d’âge des 15-64 ans, résultait du retrait de la génération du baby-boom de la population active. On pense que l’augmentation de trois points de pourcentage de la taxe à la consommation au moment où les membres de la génération du baby-boom prenaient leur retraite a incité ces derniers à réduire leurs dépenses au-delà des prévisions, parce qu’ils avaient le sentiment que l’augmentation de la taxe faisait peser sur eux un fardeau excessif.

Il est prévu que le pourcentage de la population engagée dans la production passe de 59,6 % en 2018 à 59,3 % en 2019, soit une baisse de 0,3 point de pourcentage. Il est donc raisonnable de penser que l’impact du ralentissement de la consommation sera moins fort en 2019 qu’il l’a été auparavant.

Le tourisme en provenance de l’étranger et la montée sur le trône d’un nouvel empereur

La croissance de la demande associée au tourisme en provenance de l’étranger semble se remettre de la morosité qu’elle a connue l’été dernier, quand les catastrophes naturelles ont incité les touristes à éviter le Japon. En octobre 2019, le Japon va héberger la Coupe du monde de rugby, l’un des trois principaux événements sportifs mondiaux. Le comité d’organisation estime à 437,2 milliards de yens les retombées économiques de l’événement. Au cours des 40 jours que dure la Coupe du monde, les fans de rugby vont affluer de l’Europe et du monde entier pour assister aux matchs qui se dérouleront dans 12 villes du Japon. On peut s’attendre à une diversification et une expansion du tourisme en provenance de l’étranger, dont la source est à l’heure actuelle principalement asiatique (voir notre article lié). Pour peu que ce phénomène trouve un prolongement dans les Jeux olympiques de Tokyo en 2020, le nombre des visiteurs étrangers au Japon est susceptible d’atteindre la cible des 40 millions définie par le gouvernement.

Le couronnement d’un nouvel empereur et le changement du nom d’ère en mai 2019, qui donneront le sentiment d’un nouveau départ, vont sans aucun doute avoir un effet positif sur l’économie.

Dans l’enquête publiée par les Observateurs de l’économie, les réponses mentionnant le changement du nom d’ère dans l’indice de diffusion pour la conjoncture à venir est passé de deux à six entre octobre et novembre. Si nous créons notre propre « indice de diffusion pour la nouvelle ère », établi à 50,0 en octobre de façon à tracer la ligne de démarcation entre expansion et récession, le chiffre grimpera bien au-delà en novembre, pour atteindre 70,8. Il est clair que les gens espèrent de plus en plus que le changement du nom d’ère va avoir un impact positif sur l’économie.

Les statistiques du PIB remontent à 1980. Si nous établissons un classement des trimestres janvier-mars ayant enregistré la plus forte croissance par rapport au trimestre précédent entre 1981 et 2018, les années arrivant en première et seconde positions sont 1989, qui marque le début de l’ère Heisei, et 2000, l’année du millénaire. Ces deux années-là ont enregistré une forte croissance tant de la consommation individuelle que des investissements en équipement. Il semble donc que la consommation commémorative au cours des années marquant un changement d’ère ait un impact important.

(Article écrit à l’origine en japonais. Photo de titre : événement de clôture de la dernière session de l’année au Tokyo Stock Exchange, le 28 décembre 2018. Jiji Press)

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