Allons voir les festivals japonais !

La venue des dieux en octobre : trois festivals de chars spectaculaires au Japon

Tourisme Tradition

Parmi les festivals du Japon, ceux où les participants portent ou tirent de magnifiques chars décorés à travers les rues des villes sont particulièrement animés. Dans cet article, nous allons à la découverte de trois célèbres festivals qui se déroulent au mois d’octobre.

La descente des dieux

Les jours de festival, les fidèles transportent les divinités descendues sur terre dans des mikoshi, ou sanctuaires portatifs, à travers le quartier. Les humains rejoignent les dieux à bord de chars appelés dashi dans des défilés agrémentés de musique, de spectacles d’automates, de kabuki amateur et de danses japonaises (nihon buyô). Tandis que les mikoshi prennent généralement la forme de sanctuaires miniatures, les dashi sont très variés en termes de forme et de taille. Ils sont souvent sur roues, à deux étages, et avec un toit à pignons. Selon les régions, on les appelle yatai, yama, hikiyama ou danjiri.

On pense que l’origine de ces dashi remonte au Daijô-sai, une cérémonie shintô qui suit l’intronisation d’un nouvel empereur. Le Niiname-sai, un rituel annuel où l’on offre du riz de la nouvelle récolte aux dieux le 23 novembre pour les remercier de leur munificence, est appelé Daijô-sai l’année de la première offrande par le souverain après son accession au trône. Lors du Daijô-sai, on construit un monticule (hyôno-yama) composé de branches de sakaki, un conifère sacré, qui sert de repère pour guider les divinités.

Au sanctuaire Futagami Imizu de Takaoka (préfecture de Toyama), le rituel tsukiyama, ou la construction d’un char en forme de montagne a lieu tous les 23 avril. Vestige de croyances anciennes, il continue à être érigé tous les ans.
Au sanctuaire Futagami Imizu de Takaoka (préfecture de Toyama), le rituel tsukiyama, ou la construction d’un char en forme de montagne a lieu tous les 23 avril. Vestige de croyances anciennes, il continue à être érigé tous les ans.

Des « chars montagnes » similaires ont été mises en place pour toutes sortes de festivals, et petit à petit, ils ont évolué en chars sur roues. Les magnifiques chars du festival Gion de Kyoto en sont un exemple. Il s’agissait au départ d’un défilé de lances mais à partir de l’an 999, on a commencé à voir des chars similaires aux « chars montagnes » du Daijô-sai et, de nos jours, on peut admirer 34 de ces sublimes « chars montagnes » dans le défilé.

Le festival Mitsuyama du sanctuaire d’Itatehyôzu de Himeji (préfecture de Hyôgo) a lieu une fois tous les 20 ans. Trois énormes tours (mitsuyama siginife « trois montagnes ») sont construites en bois et décorées de tissus bariolés pour attirer les divinités de tout le pays. Ce festival date de 939, avant même la création des chars dashi.
Le festival Mitsuyama du sanctuaire d’Itatehyôzu de Himeji (préfecture de Hyôgo) a lieu une fois tous les 20 ans. Trois énormes tours (mitsuyama siginife « trois montagnes ») sont construites en bois et décorées de tissus bariolés pour attirer les divinités de tout le pays. Ce festival date de 939, avant même la création des chars dashi.

Le Japon est riche en festivals de dashi dans les communautés rurales où les habitants ont laissé libre cours à leur imagination pour développer des chars uniques et spectaculaires.

Le festival Nada no Kenka

(14 et 15 octobre, ville de Himeji, préfecture de Hyôgo)

Trois mikoshi richement décorés défilent devant le sanctuaire, portés par les fidèles de sept quartiers, chacun portant un bandeau aux couleurs de son quartier.
Trois mikoshi richement décorés défilent devant le sanctuaire, portés par les fidèles de sept quartiers, chacun portant un bandeau aux couleurs de son quartier.

La région de Harima, dans le sud-ouest de la préfecture de Hyôgo, est connue pour ses festivals d’automne de Banshû (l’ancien nom de la préfecture). En particulier, sept anciens villages, maintenant quartiers de la ville de Himeji, ont chacun leur propre char aux décorations dorées sur fonds de toit laqués, qui défilent lors du festival Nada no Kenka (Les disputes de Nada). À titre officiel, c’est le festival d’automne du sanctuaire Matsubara Hachiman qui commémore la reconstruction du sanctuaire par Akamatsu Masanori après sa destruction par le feu durant une guerre au XVe siècle.

De longues bannières précèdent les chars à l’entrée du sanctuaire, accompagnées d’une danse du lion (shishimai) et un char appelé danjiri.
De longues bannières précèdent les chars à l’entrée du sanctuaire, accompagnées d’une danse du lion (shishimai) et un char appelé danjiri.

Au premier jour du festival, les chars des sept quartiers sont regroupés au sanctuaire pour les prières. Ces chars n’ont pas de roues et pèsent environ 2,5 tonnes, ce qui demande entre 200 et 300 fidèles pour les soulever. Les groupes commencent à jouer la provocation, et une fois qu’ils se mettent à soulever et baisser les chars, ils se rapprochent les uns des autres, telle des vagues humaines, pour les aligner, et puis les portent à bout de bras. La moindre perte d’équilibre peut faire basculer le char, et même les spectateurs restent aux aguets.

La partie principale du festival a lieu le second jour, avec un défilé de chars devant des milliers de spectateurs, en route vers le pied des collines d’Otabiyama, à presque deux kilomètres à l’ouest du sanctuaire.

Vue panoramique à partir du sommet d’Otabiyama vers la mer de Harima au loin. Les plus beaux points de vue sont des gradins réservés aux résidents et aux invités, mais même de loin, le festival offre un spectacle palpitant.
Vue panoramique à partir du sommet d’Otabiyama vers la mer de Harima au loin. Les plus beaux points de vue sont des gradins réservés aux résidents et aux invités, mais même de loin, le festival offre un spectacle palpitant.

De nouveaux chars sont construits toutes les quelques décennies. En 2014, deux des quartiers ont dévoilé de nouveaux chars qui ont bien tenu tête dans la compétition devant la foule enthousiaste.

Les nouveaux chars ne sont pas laqués les deux premières années, ce qui leur donne un aspect vénérable.
Les nouveaux chars ne sont pas laqués les deux premières années, ce qui leur donne un aspect vénérable.

L’affrontement des trois mikoshi est un autre point fort du festival. Bien qu’on le catégorise comme un « festival de combat », il représente en fait l’action d’enlever les coquilles d’huîtres qui s’étaient attachées aux coques des navires de l’impératrice légendaire Jingu, vénérée au sanctuaire de Matsubara.

Les porteurs des mikoshi viennent des sept quartiers qui s’en chargent à tour de rôle. Les porteurs de chaque quartier s’acharnent à cogner de toute leur force car il est dit que plus un mikoshi est endommagé, plus les divinités se rejouissent. C’est encore mieux si on arrive à trouer le toit d’un autre mikoshi. La bousculade se poursuit toute l’après-midi et jusque dans la nuit. Les structures endommagées sont ensuite déposées dans la salle de prière du sanctuaire, et sont récupérées par les quartiers qui joueront le rôle l’année suivante.

Bien plus petits que les chars, les mikoshi sont hissés en l’air grâce à des bâtons de bambou. Chaque équipe tâche de hisser son mikoshi plus haut que les autres.
Bien plus petits que les chars, les mikoshi sont hissés en l’air grâce à des bâtons de bambou. Chaque équipe tâche de hisser son mikoshi plus haut que les autres.

Les mikoshi endommagés arrivent au sanctuaire d’Otabiyama où les prêtresses dansent pour les purifier .
Les mikoshi endommagés arrivent au sanctuaire d’Otabiyama où les prêtresses dansent pour les purifier .

Le festival Niihama Taiko

(du 15 au 18 octobre, ville de Niihama, préfecture d’Ehime)

Les magnifiques brocarts dorés du char témoignent de la riche histoire de la ville.
Les magnifiques brocarts dorés du char témoignent de la riche histoire de la ville.

Il est dit que même s’ils ne rentrent pas chez eux au Nouvel An et pour le festival de l’O-bon, les natifs de Niihama seront toujours présents pour le festival Taiko. Celui-ci se célèbre en plusieurs endroits du pays, mais il est particulièrement prisé à Niihama, une ville de pêcheurs dans la partie est de la préfecture d’Ehime. Au cœur de cet événement, un énorme tambour taiko qui est martelé avec enthousiasme par des jeunes gens. Posé sur une plateforme, le taiko mesure 5,5 mètres de haut et pèse 3 tonnes. Il nécessite 150 hommes pour le porter.

Plus de 50 chars à tambour prennent part au festival, chacun arborant une tenture finement brodée, d’énormes pompons, et une plateforme matelassée où est posé le tambour. Ce qui les rend uniques, ce sont les broderies tridimensionnelles de dragons au regard foudroyant sur les teintures qui sont créés par des artisans chevronnés avec du fil d’or. La valeur d’une seule tenture peut aller jusqu’à 10 millions de yens (environ 57 000 euros).

Plus les chars sont bousculés, plus on peut apprécier le regard foudroyant des dragons et le savoir-faire des brodeurs.
Plus les chars sont bousculés, plus on peut apprécier le regard foudroyant des dragons et le savoir-faire des brodeurs.

C’est dans la première moitié du XIXe que les chars à tambour sont venus se greffer à un festival d’automne qui existait déjà. De petite envergure au départ, les chars ont gagné en taille et complexité vers la fin de ce siècle-là quand la ville est devenue prospère grâce à la mine de cuivre de Besshi, qui a constitué les fondements du succès financier du groupe Sumitomo avant la guerre.

Des douzaines de chars à tambour présentent un spectacle haut en couleur.
Des douzaines de chars à tambour présentent un spectacle haut en couleur.

Le point fort du festival a lieu le 17 octobre lorsqu’une vingtaine de chars à tambour sont parfaitement alignés sur le site, suivi de manœuvres parfaitement synchronisées. Les chars arrivent devant le public un à un, secoués de bas en haut frénétiquement. Plusieurs d’entre eux sont ensuite presque collés les uns à côté des autres, et hissés vers le haut à l’unisson. Chaque char pivote ensuite sur 180 degrés. Ces manœuvres parfaitement synchronisées incarnent l’esprit de solidarité et d’entraide de la ville.

Le soir venu, les chars sont déplacés vers un autre lieu qui attire aussi les foules. Alors que les chars se métamorphosent en mode combat, l’atmosphère est électrique. Des jeunes hommes ouvrent un passage au milieu de la foule et les chars se heurtent les uns aux autres au son des flûtes et des sifflements. Ce spectacle qui incarne l’esprit du festival est intense et bouleversant.

Dans le passé, on enlevait les tentures décoratives pour que les chars puissent se heurter plus fort.
Dans le passé, on enlevait les tentures décoratives pour que les chars puissent se heurter plus fort.

Le festival d’automne de Kanuma

(Deuxième samedi et dimanche d’octobre, Kanuma, préfecture de Tochigi)

Le char du quartier d’Asau arbore des décorations particulièrement remarquables. Le dragon doré sur le linteau est l’œuvre du maître sculpteur Hidari Jingorô XII.
Le char du quartier d’Asau arbore des décorations particulièrement remarquables. Le dragon doré sur le linteau est l’œuvre du maître sculpteur Hidari Jingorô XII.

Le sanctuaire Tôshôgû de Nikkô, dans la préfecture de Tochigi, est connu pour ses décorations en bois sculpté. Le portail Yômei, à l’entrée, arbore 508 sculptures, et le pavillon de prière est célèbre pour la sculpture d’un chat qui dort ainsi que des trois fameux singes qui « ne voient pas le Mal, n’entendent pas le Mal, ne disent pas le Mal ». Kanuma, qui se trouve à 25 kilomètres au sud-est de Nikkô, était une ville relais sur la route qui reliait Edo (le Tokyo d’aujourd’hui) et Nikkô et qui a prospéré grâce au savoir-faire transmis par les artisans du Tôshôgû. Les chars du festival de Kanuma ont été sculptés par des artisans illustres tels que Hidari Jingorô.

Des chars sculptés magnifiques, qui sont au nombre de 27, défilent lors du festival d’automne du sanctuaire Kanuma Imamiyama, comme des miniatures du sanctuaire de Tôshôgû sur roues. Le festival s’est déroulé pour la première en 1608 avec des danses rituelles pour célébrer le succès des prières qui avaient demandaient aux divinités l’arrivée des pluies après une longue période de sécheress.

Des résidents de chaque quartier de la ville défilent, vêtus d’habits de festival qui rappellent l’époque d’Edo.
Des résidents de chaque quartier de la ville défilent, vêtus d’habits de festival qui rappellent l’époque d’Edo.

Le premier jour du festival, les 27 chars forment un cortège qui se dirige vers le sanctuaire d’Imamiya. En tête se trouvent de jeunes danseuses tekomai habillées de costumes traditionnels, avec un bras hors de la manche et un pantalon large plissé (hakama) portant des barres en fer et des claquettes en bois. Les hommes au sommet des chars prennent des poses impressionnantes. Une fois les prières au sanctuaire terminées, les chars sont décorés de lanternes et défilent dans le centre-ville la nuit tombée.

Les orchestres du festival se mettent à jouer lorsque les lanternes sont allumées.
Les orchestres du festival se mettent à jouer lorsque les lanternes sont allumées.

Durant les deux jours du festival, des chars se regroupent aux grands carrefours de la ville pour des « combats » entre les musiciens de chaque char. Ces derniers font un tel vacarme à qui joue le plus fort que, dans le passé, on appelait cela le « festival de combat de Kanuma ». Au sein de cette cacophonie, les musiciens ferment les yeux pour se donner tout entier à leur musique. Le charme du festival vient du son des orchestres qui résonne dans tout le corps et donne l’impression de flotter dans l’espace.

Les acclamations de la foule sont en phase avec la musique entraînante du festival.
Les acclamations de la foule sont en phase avec la musique entraînante du festival.

(Les dates indiquées sont les dates usuelles de ces manifestations. Photo de titre : un mikoshi au festival Nada no Kenka. Toutes les photos : © Haga Library)

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