Les 24 divisions de l’année solaire au Japon

Shunbun : l’équinoxe de printemps

Vie quotidienne Tradition

À mesure que les jours se réchauffent, on ressent l’approche du printemps. Lors du shunbun, l’équinoxe de printemps, le jour et la nuit ont la même durée. Notre article va se pencher sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant du 20 mars au 3 avril.

Shunbun, l’équinoxe du printemps, est une date importante au sein des 24 périodes solaires en vigueur au Japon. C’est un jour férié, qui tombe aux environs du 20, 21 mars sur le calendrier moderne. Le soleil se lève exactement à l’est et se couche exactement à l’ouest, et le jour et la nuit ont une durée égale. Le 21 mars, connu sous le nom de Nowruz, est célébré comme le jour du Nouvel an dans le calendrier iranien.

Higan

Higan, qui se situe aux alentours des équinoxes de printemps et d’automne, est une période de vacances pour les bouddhistes, au cours de laquelle ils rendent hommage à leurs ancêtres. Dans cette religion, le Bouddha et les bodhisattva résident dans la Terre pure, qui se trouve à l’ouest et constitue le monde de l’éveil ou « rivage lointain » (selon la traduction littérale du mot japonais higan). Au Japon, la croyance veut que la Terre pure soit plus proche aux équinoxes, du fait que le soleil se couche exactement à l’ouest. Les cérémonies commémoratives du Higan, qui remontent à l’époque de Heian (794-1185), sont exclusivement célébrées au Japon.

Les semaines du Higan commencent trois jours avant chacune des équinoxes et se poursuivent les trois jours suivants. Des cérémonies shintô sont également célébrées pour le début de l’année agricole, et on dit que la fin de Higan coïncide avec un réchauffement du printemps et un rafraîchissement de l’automne.

À l'occasion du Higan, bien des gens vont sur les tombes de leurs ancêtres pour leur rendre hommage.
À l’occasion du Higan, bien des gens vont sur les tombes de leurs ancêtres pour leur rendre hommage.

Le gâteau de riz botamochi nappé de pâte sucrée de haricots azuki est un plat traditionnel de l’équinoxe de printemps, qui évoque les botan (pivoines), dont c’est la saison. Ces gâteaux de riz sont aussi utilisés comme offrandes faites sur les tombes des ancêtres et les butsudan (autels bouddhiques à la maison) en vue d’obtenir une bonne récolte. En automne, ces mêmes gâteaux de riz son appelé ohagi, en référence au hagi, ou trèfle des prés, qui fleurit à cette saison.

Gâteaux de riz connus sous le nom de botamochi au printemps et celui de ohagi en automne.
Gâteaux de riz connus sous le nom de botamochi au printemps et celui de ohagi en automne.

Les fleurs de cerisiers

À cette époque de l’année, les prévisions concernant la floraison des cerisiers font l’objet de mises à jour quotidiennes. Le hanami (littéralement « contemplation des fleurs ») a vu le jour à l’époque de Nara (710-794), autour des fleurs de pruniers, mais la contemplation des fleurs de cerisiers est devenue plus populaire à l’époque de Heian. Ce changement de goût transparait dans le Kokin wakashû, un recueil de poèmes, datant approximativement de l’année 905, qui contient 18 poèmes sur les fleurs de pruniers et 70 sur les fleurs de cerisiers. La première séance de contemplation des fleurs de cerisiers dont on ait gardé la trace a été patronnée par l’empereur Saga en 812. À partir de 831, des séances de hanami ont eu lieu tous les ans sous l’égide de l’empereur. (Voir notre article : Le « hanami » : comment est née l’admiration des fleurs de printemps au Japon)

De nos jours, au Japon, l’immense majorité des fleurs de cerisiers poussent sur la variété somei yoshino, introduite à l’époque d’Edo (1603-1868). Avant cela, 400 variétés étaient déjà connues, dont le cerisier de montagne yamazakura. Parce que le somei yoshino est une variété clonée, la floraison et la chute de ses fleurs ont tendance à se produire au même moment dans toutes les régions. En revanche, des variétés sauvages telles que le yamazakura diffèrent génétiquement d’un arbre à l’autre, si bien que chacune fleurit selon un calendrier qui lui est propre.

Variétés de fleurs de cerisiers dans le sens des aiguilles d'une montre à partir d'en haut à gauche : somei yoshino, yamazakura, edohigan et kanhi-zakura.
Variétés de fleurs de cerisiers dans le sens des aiguilles d’une montre à partir d’en haut à gauche : somei yoshino, yamazakura, edohigan et kanhi-zakura.

Les lieux de hanami les plus célèbres du Japon

Sur le mont Yoshino, dans la préfecture de Nara, quelque 30 000 cerisiers yamazakura, principalement à fleurs blanches, poussent dans quatre zones situées à des altitudes différentes, avec l’échelonnement des floraisons qui en résulte. Les séances de hanami qui se déroulent sur le mont Yoshino s’inscrivent dans la lignée de celle que le puissant samurai Toyotomi Hideyoshi a présidée en 1594. L’événement a duré cinq jours, et 5 000 hôtes avaient été invités, dont Tokugawa Ieyasu et divers chefs militaires, maîtres du thé et poètes de renga.

Fleurs de cerisiers de montagne à Nakasenbon, à mi-pente du mont Yoshino, dans la préfecture de Nara.
Fleurs de cerisiers de montagne à Nakasenbon, à mi-pente du mont Yoshino, dans la préfecture de Nara.

Au printemps, l’aurore (Notes de chevet)

L’auteure de l’époque de Heian, Sei Shônagon (env. 966-1025), commence son fameux ouvrage Makura no sôshi (Notes de chevet) par une description du printemps restée célèbre : Haru wa akebono—yôyô shiroku nariyuku yamagiwa. sukoshi akarite, murasakidachitaru, kumo no hosoku tanabikitaru (Au printemps, l’aurore—quand le rebord lentement pâlissant de la montagne est teinté de rouge, et que des volutes de nuages légèrement colorés de pourpre cramoisi flottent dans le ciel. [d’après la traduction anglaise de Meredith McKinney]).

Au printemps, l'aurore
Au printemps, l’aurore

Les moineaux

C’est la période de l’année où les moineaux (suzume) font leurs nids sous les avant-toits et les toits des maisons. Les Japonais ressentent une affinité pour ces oiseaux depuis les temps anciens. Ils apparaissent dans des comtes populaires comme « La maison du moineau » et « Le moineau à la langue coupée » et dans la chanson enfantine « L’école des moineaux ».

Une mère moineau et son petit
Une mère moineau et son petit

Les magnolias kobushi et mokuren

Le kobushi, une espèce de magnolia originaire du Japon, fleurit en mars et avril. Le nom anglais, kobus magnolia (magnolia kobus en français) vient du japonais. Au Japon, cette plante est aussi connue sous le nom de « fleur de cerisiers des labours », parce que l’apparition des premières fleurs signale aux agriculteurs que le moment est venu de labourer leurs champs et de se préparer à planter le riz. Mokuren est le nom japonais du magnolia à fleurs de lis (magnolia liliiflora), dont les fleurs un peu plus grosses, généralement blanches ou pourpres, s’ouvrent elles aussi au début du printemps.

Le kobushi (à gauche) et le mokuren pourpre, ou magnolia liliiflora
Le kobushi (à gauche) et le mokuren pourpre, ou magnolia liliiflora

Le sakuramochi

Le sakuramochi est une pâtisserie japonaise consommée au printemps. On dit que ce gâteau a été vendu pour la première fois a l’époque d’Edo, dans une maison de thé située à l’extérieur du temple Chômei-ji de Mukôjima, à Tokyo. Dans la région du Kantô (Tokyo et les préfectures environnantes), les sakuramochi sont constitués d’une pâte de haricots rouges azuki enveloppée dans une fine couche à base de farine de blé. Dans le Kansai (Osaka et ses environs), en revanche, la pâte de haricots rouges est fourrée avec des gâteaux de riz préparés avec de la farine de riz dômyôjiko. Dans les deux recettes, les sakuramochi sont enveloppés dans des feuilles salées de cerisier.

Sakuramochi préparés à la façon du Kantô (à gauche) et du Kansai
Sakuramochi préparés à la façon du Kantô (à gauche) et du Kansai

Les daurades festives

Au Japon, les daurades, ou tai, ont la réputation de porter chance, en raison de l’association que l’on fait entre leur nom et le mot medetai, qui veut dire « de bon augure ». La variété rouge madai, qui entre dans les eaux peu profondes et protégées à cette époque de l’année pour y pondre ses œufs, est aussi appelée sakuradai. Quand l’occasion s’y prête, on sert la daurade entière au printemps, lorsque elle est de saison. En automne, on l’appelle momiiji-dai, en référence aux feuilles d’automne. Lorsqu’elle atteint à peu près 50 ou 60 centimètres de longueur, elle est prête à être consommée.

Daurade rouge madai
Daurade rouge madai

Et n’oublions pas non plus que cette période correspond au début de l’année pour les entreprises et les écoles. En règle générale, les entreprises et les écoles japonaises observent un cycle annuel qui va du 1er avril au 31 mars. Ce système calendaire a été introduit à l’ère Meiji (1868-1912).

(Article supervisé par Inoue Shôei, chercheuse sur le calendrier et auteure, prêtresse shintô, professeure invitée à l’université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : paysage de fleurs de cerisiers et fleurs de colza au parc Gongendô Tsutsumi, dans la préfecture de Saitama. Toutes les photos : Pixta)

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