Qui sont les dieux du Japon ?

Le panthéon des dieux japonais : quels sont les différents types de divinités ?

Histoire Culture

Le panthéon des dieux japonais est constitué de divinités célestes comme terrestres, et le peuple de l’Archipel est parfois allé jusqu’à déifier des personnages qui ont réellement existé. Un expert en mythologie nous en parle.

Dieux de la nature

Au Japon, encore aujourd’hui, on pense que des dieux (kami) résident dans des éléments naturels comme les montagnes et les rochers. Le mont Fuji, qui symbolise le Japon, abrite aussi un dieu. Ils sont vénérés dans des endroits très différents par des cordes autour de rochers ou d’arbres.

Une corde shimenawa autour d'un rocher, signifiant que celui-ci est sacré (on l'appelle alors iwakura). On peut l'observer au sanctuaire Izumo Dai-jingû, dans la préfecture de Kyoto. (© Kazenotami/Pixta)
Une corde shimenawa autour d’un rocher, signifiant que celui-ci est sacré (on l’appelle alors iwakura). On peut l’observer au sanctuaire Izumo Dai-jingû, dans la préfecture de Kyoto. (© Kazenotami/Pixta)

Ces cultes de la nature remontent à la période Yayoi (300 avant J.-C. - 250 après J.-C.). À l’époque où la culture du riz se répandait dans le pays, les gens ont commencé à prier les dieux pour une bonne récolte. Ces divinités étaient le soleil, la pluie, le vent, les nuages, un arbre, ou encore une montagne. Elles se trouvaient dans la nature et étaient considérées comme étant la nature. Dans des époques plus anciennes, il a dû y avoir bien sûr des cultes de la nature, des croyances en des dieux.

Le mont Miwa, dans la ville de Sakurai (préfecture de Nara), peut nous aider à comprendre à quoi ressemblaient les fêtes antiques célébrant ces dieux, car on y a fait des découvertes archéologiques datant du IVe au VIe siècles. Sous des rochers de très grande taille se trouvaient des pierres courbées magatama qui étaient utilisées lors de rites religieux.

Le mont Miwa (Pixta)
Le mont Miwa (Pixta)

Les dieux des mythes incomplets

Dans les temps anciens apparaissent graduellement des divinités ayant des personnalités humaines.

Dans les environ 80 000 sanctuaires shintô qui existent au Japon sont vénérés des kami très divers. Les plus nombreux sont les dieux de la mythologie, qui sont transmis par trois recueils rédigés principalement au VIIIe siècle. Le Kojiki et le Nihon Shoki sont des textes destinés à transmettre aux générations ultérieures les mythes de création du Japon et l’origine de la maison impériale, ainsi que l’histoire, tandis que les Fudoki rapportent les coutumes et les origines des toponymes ou encore la chorographie des produits les plus connus.

Ces textes ont donc été rédigés avec une visée politique, mais les dieux qu’ils décrivent reflètent non seulement l’histoire et la politique mais aussi la vision du monde et les coutumes des hommes des temps anciens, autrement dit leur culture.

Les épreuves d’Amaterasu

La divinité suprême qui apparaît dans les mythes est Amaterasu. Cette divinité éclaire [terasu en tant que verbe signifie « éclairer »] le ciel [ama pour sa part signifie « ciel »], c’est donc la divinité du soleil. Dans la mythologie japonaise, les îles et le monde naturel sont nés du couple formé par Izanagi et Izanami. (Izanagi est parfois appelée Izanaki.)

Dans le Kojiki, voici comment sont racontées la naissance d’Amaterasu et celle du pays.

Depuis un pont flottant dans le ciel, Izanagi et Izanami plongèrent une lance dans la mer et la remuèrent dans tous les sens. Lorsque du sel s’y mélangea, le liquide qu’ils remuaient se solidifia et devint une île. Les deux divinités se marièrent sur cette île et donnèrent ensuite naissance aux autres îles qui sont devenus l’archipel du Japon.

Izanami (gauche) et Izanagi (© Satô Tadashi)
Izanami (gauche) et Izanagi (© Satô Tadashi)

Ils y ont ensuite crée des montagnes et des rivières, et l’ensemble du monde naturel, comm la flore. Izanami, l’épouse, donna en dernier naissance au dieu du feu, et mourut gravement brûlée par lui. Izanagi, son époux, alla la chercher à Yomi, la terre des morts, mais il ne réussit pas à la ramener chez les vivants. À son retour, il effectua un misogi, une pratique shintô pour se purifier, se débarrasser des souillures sous une chute d’eau. À la fin, lorsqu’il s’aspergea la tête d’eau, Amaterasu naquit de son œil gauche, tandis que du droit sortait Tsukuyomi, la divinité de la lune, et de son nez sortait Susanoo.

Dans la version du Nihon Shoki par contre, Izanagi et Izanami se concertent et décident de donner naissance à Amaterasu pour lui confier le monde. Dès sa naissance, son existence était spéciale.

Amaterasu règne sur Takama-no-hara, la plaine du ciel, mais à un certain moment, son jeune frère Susanoo vient y semer le désordre. Amaterasu, persuadée qu’il veut lui arracher son domaine, l’accueille sur le pied de guerre.

En semant la pagaille dans la plaine du ciel, Susanoo lance un poulain pie dans la salle à tisser d'Amaterasu, tuant l'une de ses tisseuses. La déesse du soleil part alors se réfugier dans une cave. (© Satô Tadashi)
En semant la pagaille dans la plaine du ciel, Susanoo lance un poulain pie dans la salle à tisser d’Amaterasu, tuant l’une de ses tisseuses. La déesse du soleil part alors se réfugier dans une cave. (© Satô Tadashi)

Susanoo a-t-il ou non de mauvaises pensées ? Avec sa sœur Amaterasu, ils se lancent dans une compétition pour concevoir des enfants à partir des objets qu’ils possèdent. Cinq divinités masculines naissent des objets d’Amaterasu, et trois divinités féminines de ceux de Susanoo.

Susanoo, qui estime avoir prouvé qu’il n’avait pas de mauvaises intentions vis-à-vis de sa sœur en donnant naissance à des divinités féminines faibles, met alors à sac la plaine du ciel, et finit par tuer l’une des tisseuses célestes sous les yeux d’Amaterasu. Choquée, celle-ci s’enferme dans une caverne, Ama-no-Iwaya.

La déesse du soleil désormais cachée, le monde est plongé dans l’obscurité, et des catastrophes s’y produisent. Embarrassés, les dieux se concertent et organisent une fête devant la caverne. Amaterasu entend ces sons et, intriguée, déplace un peu la pierre placée à l’entrée de la caverne pour voir de quoi il s’agit. C’est ainsi que la lumière a pu revenir sur le monde.

Les marches menant au sanctuaire intérieur d'Ise, qui est dédié à Amaterasu. (Pixta)
Les marches menant au sanctuaire intérieur d’Ise, qui est dédié à Amaterasu. (Pixta)

Ce mythe fait comprendre plusieurs choses : si Amaterasu est la déesse du soleil, une divinité suprême, elle n’est pas épargnée par les erreurs et ne sait pas toujours réagir de la bonne façon. Disons qu’à la différence des dieux des religions monothéistes, c’est une divinité imparfaite.

Grâce à cet incident, Amaterasu développe davantage sa personnalité. Elle sera ensuite confrontée à différents événements pour lesquels elle consultera les autres dieux. Elle enverra sur terre son petit-fils Ninigi comme maître du pays, qui deviendra par la suite la divinité ancestrale de la famille impériale.

De nos jours, le grand sanctuaire d’Ise est le plus important de tous les sanctuaires du Japon. Il y révère Amaterasu.

Auprès du peuple : les divinités folkloriques

Il y a des divinités qui ne sont mentionnées ni dans le Kojiki ni dans le Nihonshoki, mais qui sont vénérées depuis les temps anciens comme des kami proches des humains. Ebisu en est le meilleur représentant.

Cet être est généralement représenté tenant d’une main une canne à pêche et de l’autre une daurade. il fait partie des « Sept divinités du bonheur » et l’on estime qu’il a été conçu par les pêcheurs. Lorsque la mer apportait sur le rivage un dauphin, une baleine ou des cadavres humains, les pêcheurs parlaient d'« Ebisu » et croyaient que c’était cet Ebisu qui leur apportait de bonnes pêches. Ils savaient peut-être que les changements de courants marins faisaient s’échouer des épaves inhabituelles.

Le terme « Ebisu » signifiait à l’origine « personne venue de l’extérieur » : c’est une divinité qui apporte le bonheur depuis l’autre côté de la mer. Le sanctuaire de Nishinomiya dans la préfecture de Hyôgo est l’un de ces lieux sacrés où on le vénère. Mais dans le Kojiki et le Nihonshoki, Ebisu est associé à Hiruko, le fils difforme de Isanagi et Izanami, que le couple a déposé dans une barque rouge sur la mer.

Les divinités Ebisu (gauche) et Sarutahiko (© Satô Tadashi)
Les divinités Ebisu (gauche) et Sarutahiko (© Satô Tadashi)

Ebisu n’est pas le seul exemple d’une divinité née au sein du peuple. Citons également le cas de Kôjin, la divinité des fourneaux, les dôsojin, qui empêchent que les mauvais esprits entrent dans les villages, des toshi-gami qui viennent pour le Nouvel An, de Ta-no-kami qui protège la culture du riz, d’Ugajin, représenté par un serpent à tête humaine, divinité des céréales, ainsi que la divinité Oshirasama, vénérée dans la région du Tôhoku (nord-est) comme la déesse des vers à soie.

Une statue du dieu Ugajin, dans le temple bouddhiste Mimuroto-ji, à Uji, préfecture de Kyoto. (sannsann/Pixta)
Une statue du dieu Ugajin, dans le temple bouddhiste Mimuroto-ji, à Uji, préfecture de Kyoto. (sannsann/Pixta)

Les dôsojin sont vénérés sous le nom de Sarutahiko, qui apparaît dans le Kojiki et le Nihon shoki. On dit que lorsque les petits-enfants d’Amaterasu sont descendus sur terre, c’est cette divinité, un géant au long nez qui les a guidés. Sarutahiko serait par ailleurs le modèle des créatures tengu.

Mais parmi ces divinités nées des croyances populaires, la plus célèbre est O-inari-san, le nom familier de la divinité du riz, Inari-no-kami.

Des divinités qui ont d’abord été des humains

Pour les religions monothéistes comme le christianisme ou l’islam, Dieu a créé les êtres humains, et aucun homme ne peut devenir un dieu. Mais au Japon, il y a des humains qui sont vénérés comme des divinités dans certains sanctuaires, peut-être parce qu’une divinité pouvait habiter un corps humain. Le meilleur exemple est sans doute Sugawara no Michizane (845-903). À la fois homme de lettres et homme politique, il a vécu à l’époque Heian, et le rang élevé qu’il a occupé dans la vie publique fit des jaloux et suscita des rumeurs selon lesquelles il avait l’intention de s’opposer à l’empereur. Cela lui valut d’être exilé à Dazaifu, à l’époque siège du gouvernement à Kyûshû, où il mourut.

Il se produisit alors dans la capitale des cataclysmes : on en vint à penser qu’ils étaient peut-être causés par l’esprit de Michizane. Et cela coïncida avec la mort de personnes à l’origine de son exil... Michizane fut alors craint comme le dieu Tenjin et vénéré dans l’ancienne capitale du Japon. On raconte que c’est ainsi que le sanctuaire Kitano Tenmangû de Kyoto a vu le jour.

Des fleurs de prunier au-dessus de la statue d’un bœuf en position couchée, près de la salle au trésor du sanctuaire Kitano Tenmangû. Sugawara no Michizane appréciait en effet les pruniers dans son jardin, et quand il fut exilé à Dazaifu sur l’île de Kyûshû, il consacra même une ode à ses fleurs bien-aimées. (Photojp / Pixta)
Des fleurs de prunier au-dessus de la statue d’un bœuf en position couchée, près de la salle au trésor du sanctuaire Kitano Tenmangû. Sugawara no Michizane appréciait en effet les pruniers dans son jardin, et quand il fut exilé à Dazaifu sur l’île de Kyûshû, il consacra même une ode à ses fleurs bien-aimées. (Photojp / Pixta)

Devenu la divinité Tenjin, Sugiwara no Michizane a d’abord été craint comme l’esprit d’une personne morte avec des griefs. Petit à petit néanmoins, son image s’est transformée en celle d’un homme de lettres qui excellait en poésie, et il en est venu à être vénéré comme la divinité des études. De nos jours, les sanctuaires qui lui sont consacrés dans tout le pays sont fréquentés par des jeunes venus prier pour la réussite aux examens. Cela montre comment le caractère des divinités et les bienfaits qu’elles prodiguent changent au fil du temps.

Plus tard, on ne s’est plus seulement contenté de célébrer les âmes dans les sanctuaires afin de leur apporter du réconfort et de l’apaisement, mais aussi de déifier des personnages ayant accompli de hauts faits. Tokugawa Ieyasu qui est vénéré au sanctuaire Tôshôgû de la ville de Nikkô en est un bon exemple.

(Illustations : © Satô Tadashi)

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