Du Bangalore à Tokyo : un ingénieur informatique indien réussit sa carrière au Japon

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Stephen Banz est un jeune ingénieur informatique tout droit venu de Bangalore, au sud de l’Inde. Il nous explique pourquoi il a décidé de mener une carrière au Japon, son apprentissage de la langue et son agréable expérience de vie maintenant qu’il est bien installé sur l’Archipel.

Les jeux vidéo poussent vers les études d’informatique

Depuis octobre 2019, l’ingénieur informatique Stephen Banz, âgé de 23 ans, travaille pour la société spécialisée en rencontres matrimoniales IBJ, dont les bureaux sont situés dans le quartier de Shinjuku, à Tokyo. Notre interview a été effectuée en japonais, langue dans laquelle Stephen n’a aucun problème pour s’exprimer. Quand je commente son habileté, il me répond avec un sourire : « Je ne sais toujours pas utiliser le keigo ! ». Son discours me semble cependant très courtois, même sans l’utilisation de ce système de politesse particulièrement complexe.

Stephen vient de Bangalore, centre de la haute technologie en Inde et capitale de l’État de Karnataka, situé au sud du pays.

Le jeune homme de 23 ans a décidé de se mettre à l’informatique lors des deux années durant lesquelles les étudiants indiens commencent à se spécialiser avant d’entrer à l’université.

« J’étais un fondu de jeux vidéo, alors l’informatique me semblait tout trouvé. J’ai par la suite gagné un prix lors d’une compétition de programmation, ce qui m’a encouragé à poursuivre dans cette voie à un niveau universitaire. » Stephen a alors intégré le « New Horizon College of Engineering ».

Ne trouvant pas d’emploi convenable pour lui en Inde, Stephen a tourné son regard vers le Japon, pays pour lequel il avait développé un certain intérêt : « À l’université, je suis devenu fan d’anime, ce qui m’a poussé à partir pour le Japon. » Gintama, un anime adapté du manga de Sorachi Hideaki, est l’une de ses séries préférées.

Facile de parler en japonais, plus difficile de lire...

Parmi les quelque 400 étudiants diplômés de la même année que Stephen, la plupart ont trouvé du travail en Inde, et certains ont été embauchés à l’étranger. Ces derniers se sont plutôt dirigés vers des pays parlant l’anglais tels que les États-Unis ou l’Australie, et très peu d’entre eux cherchaient un emploi au Japon.

La plus grande crainte de Stephen concernait l’apprentissage du japonais. Bien que féru d’anime, il n’avait jamais appris la langue auparavant. Il s’y est mis en décembre 2018, après avoir été accepté en tant qu’employé potentiel par IBJ, une grande agence matrimoniale, dans le cadre d’un cursus créé par cette entreprise.

« J’étudiais mes notes dans le bus entre mon domicile et l’université tous les jours. Le trajet aller-retour durait deux heures, alors ça tombait plutôt bien. » En fait, il ne parcourait que dix kilomètres mais la forte congestion urbaine de la ville lui faisait passer de longs moments dans les transports...

Le japonais est souvent considéré comme une langue difficile à apprendre, mais pas pour Stephen. Certaines similitudes grammaticales avec les langues indiennes lui ont permis certaines facilités. Sans compter que les Indiens sont habitués à parler plusieurs langues.

« J’utilise trois langues en Inde : l’hindi, la langue du gouvernement fédéral; le kannada, la langue officielle de mon État; et ma langue maternelle, parlée uniquement par les Chrétiens. J’étudie également l’anglais depuis ma première année d’école primaire, je le parle donc couramment. »

Une chose lui a quand même donné du fil à retordre, les idéogrammes kanji. Pour les étudier, Stephen n’avait pas d’autre option que de les chercher fréquemment dans un dictionnaire. L’apprentissage de la lecture s’est donc montré particulièrement ardu. (Voir notre article : Comment devenir ami avec les « kanji », la bête noire des apprenants en japonais)

La couverture de « L’été à Megumien » (Megumien no natsu).
La couverture de « L’été à Megumi-en » (Megumien no natsu)

« Peu de temps après mon arrivée au Japon, je suis allé flâner dans une librairie et j’y ai acheté un roman pour essayer de lire en japonais. Le titre était « L’été à Megumi-en » (Megumien no natsu). Je me disais que c’était probablement un livre destiné aux enfants puisqu’il y’avait un jeune garçon en couverture. Mais je m’étais bien planté ! Il y avait environ une vingtaine de kanji par page que je ne connaissais pas... »

Le livre raconte l’histoire de Ryôhei, un garçon de 11 ans abandonné par ses parents, qui passe l’été 1950 dans un orphelinat appelé Megumi-en. Le roman est inspiré par la vie de son auteur, Takasugi Ryô.

Stephen est arrivé au bout du livre en sautant tout d’abord les kanji qu’il ne connaissait pas pour saisir l’idée générale, puis il revenait plus tard sur la lecture de chaque caractère. Une méthode comme une autre !

L’informatique, ça marche au Japon

Stephen déclare que sa vie professionnelle se déroule elle aussi fort agréablement. « Si je fais des erreurs dans mon emploi de la langue japonaise, mes collègues font de véritables efforts pour essayer de me comprendre. » 

Il note aussi que, si en Inde les gens sont plus prompts à se mettre en colère et à lui dire de se débrouiller par lui-même lorsqu’il ne comprend pas quelque chose, au Japon, ses collègues viennent rapidement à son secours s’ils le voient confus ou hésitant.

Stephen au bureau
Stephen au bureau

Stephen effectue désormais seul d’importants travaux. Il est notamment en charge d’un projet d’intégration des changements de spécifications des logiciels entre le système principal d’IBJ et ceux utilisés par leurs bureaux de consultations matrimoniales affiliés. Après seulement un an passé au sein de l’entreprise, il est devenu un membre d’équipe efficace, aux yeux tournés vers l’avenir.

« Je souhaite travailler dur en tant qu’ingénieur côté serveur pendant cinq ans, avant de passer au domaine de l’intelligence artificielle, que notre société commence tout juste à explorer. J’en discute actuellement avec mon patron, et j’ai commencé mon apprentissage du sujet petit à petit. »

S’installer sur l’Archipel

Lorsqu’il est arrivé au Japon, Stephen vivait dans une résidence partagée trouvée par son entreprise. Récemment, il s’est installé dans son propre domicile.

« Je cherchais d’abord un endroit proche des bureaux de mon entreprise à Shinjuku, mais le loyer étant trop élevé, j’ai décidé de choisir une location plus éloignée, dans le quartier de Tama, à l’ouest de Tokyo. J’aime être proche de la nature. Je souhaitais aussi pouvoir inviter des amis pour faire un barbecue. J’ai trouvé ce domicile par moi-même en cherchant sur Internet. »

Stephen déclare être satisfait de son salaire. La compétition est selon lui particulièrement rude pour trouver un emploi bien payé dans son pays : « Nombre de mes amis en Inde semblent changer de travail presque tous les mois ». Il poursuit : « J’ai fait de mon mieux pour économiser, mais mon déménagement et l’achat d’un nouvel ordinateur ne m’ont pas laissé beaucoup d’argent. J’ai cependant réussi à envoyer 400 000 yens (3 070 euros) à ma famille en Inde »

N’étant pas un grand amateur du curry japonais, Stephen a apporté de nombreuses épices de son pays en venant au Japon, et cuisine par lui-même. Il a même amené son propre curry maison au bureau, pour la plus grande satisfaction de ses collègues. Son plat japonais préféré est l’oyakodon (un plat constitué d’œufs et de morceaux de poulet sur du riz) : « C’est un plat facile à préparer, mais sa saveur est particulièrement riche ».

Quand Stephen parle à ses amis indiens de son travail et de sa nouvelle vie, ces derniers se montrent intéressés : « Certains de mes amis souhaitent eux-aussi venir au Japon et ont même commencé à apprendre la langue ! »

(Reportage et texte de Maeya Tsuyoshi, de Power News. Photos : Ikazaki Shinobu)

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