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« Nattô » : le super aliment gluant du Japon

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Le nattô est un aliment au goût et à la texture uniques, fait à base de graines de soja fermenté. Très apprécié par les Japonais (mais pas tous), il est le plus souvent dégusté sur un bol de riz ou enroulé dans un norimaki.

Mélanger le nattô

Avec la sauce soja et le miso, le nattô fait partie des aliments fermentés classiques de la cuisine japonaise. Il est fabriqué à partir de graines de soja cuit à la vapeur et fermenté avec du nattôkin, une variante de la bactérie Bacillus subtilis.

Cet aliment a une odeur très particulière et, une fois mélangé à l’aide des baguettes, sa texture devient collante et mousseuse… On ne peut rester indifférent face au nattô : il divise les opinions même dans son pays d’origine.

Un aliment découvert par hasard ?

Il existe différentes théories sur l’origine du nattô. Selon l’une d’entre elles, la paille de riz dans laquelle le soja cuit à la vapeur était autrefois conservé aurait entraîné la fermentation du soja, car elle abrite naturellement de grandes quantités de nattôkin.

Avant l’avènement du réfrigérateur, le nattô était principalement consommé dans l’est et le nord du Japon et peu consommé dans l’ouest et le sud.

Riche en nutriments, c'était un aliment important dans les régions productrices de riz qui recevaient beaucoup de neige, car il remplaçait le poisson et les légumes en hiver, et il était donc indispensable de savoir le fabriquer.

Néanmoins, la bactérie nattôkin n'était pas adaptée au climat chaud et humide de l’ouest, sans compter que son odeur caractéristique n’y était guère appréciée. Mais bien qu’il demeure plus populaire dans certaines régions que d’autres aujourd’hui, c’est un aliment désormais consommé dans tout l’Archipel et jusque dans de nombreuses cantines scolaires.

Le nattô est principalement vendu dans des boîtes blanches en polystyrène et en gobelets dans les rayons frais des supermarchés et les supérettes (konbini). Dans la ville de Mito (préfecture d’Ibaraki), considérée comme « la capitale du nattô », certains supermarchés le proposent dans sa version la plus traditionnelle, à savoir enveloppé dans de la paille.

À gauche, du nattô dans une boîte en polystyrène, vendu dans les supermarchés et les supérettes, et à droite, dans un emballage en paille traditionnelle, que l’on peut trouver dans la ville de Mito, « la capitale du nattô ».

Des graines de différentes tailles

Au XVIIe siècle, il était courant de broyer le nattô et de le mélanger à une soupe miso. Aujourd’hui cependant, la plupart des Japonais préfèrent le manger tel quel, en le versant sur un bol de riz. Le nattô séché et assaisonné constitue également un aliment traditionnel dans certaines régions. Récemment, le nattô lyophilisé est devenu un snack populaire.

Un classique : nattô et ciboule

Les dernières décennies ont connu un changement de tendance en délaissant petit à petit les gros grains pour préférer les petits, car ils se consomment plus facilement avec le riz. Les petites graines sont aussi un bon choix du point de vue santé, car leur surface, plus importante, contient une grande quantité de nattôkin.

Le nattô est généralement assaisonné avec de la sauce soja et de la moutarde japonaise karashi, mais certaines personnes le consomment avec de la sauce ponzu (à base de soja et de jus d’agrumes) ou une pincée de sucre. Il s’accorde aussi avec de la ciboule hachée, du gombo ou des umeboshi (prunes salées). Il est mélangé avec des baguettes en moyenne une trentaine de fois, mais le peintre et gastronome Rosanjin (1883-1959) aurait recommandé de la mélanger plus de 400 fois, tout en versant goutte à goutte de la sauce soja.

Le nattômaki est un des types classiques de maki, mais il peut être cuisiné de différentes manières : riz frit, pâtes, soba, pizzas ou encore omelette. On peut aussi le déguster comme encas sur du pain grillé, avec du fromage, des œufs et un peu de mayonnaise.

Des nattômaki

Les amateurs dégustent volontiers le nattô sur du pain, pour éviter d’avoir les couverts, l’assiette ou les doigts collants. À gauche, tartine de nattô et tranche de fromage pour une saveur rappelant le fromage bleu. À droite, tartine de nattô et œuf au plat assaisonnée d’un filet de sauce soja.

Spaghetti au nattô, œuf et nanohana (jeunes pousses de colza)

Un petit déjeuner classique avec nattô, ciboule, daikon (radis blanc) et concombre marinés, soupe miso aux algues wakame et tofu, bol de riz, saumon grillé et tamagoyaki (omelette roulée).

La « viande des champs »

De par sa valeur nutritionnelle élevée et ses nombreux bienfaits pour la santé, le nattô a longtemps été surnommé la « viande des champs » par les habitants des régions agricoles, car il représentait l’une des rares sources de protéines. Il contient de la riboflavine, bénéfique pour la peau, une grande quantité de fibres alimentaires, qui facilitent la digestion, ainsi que de de la vitamine K, essentielle à la santé des os. Et tout comme d’autres aliments fermentés, il possède des effets bénéfiques sur la flore intestinale. (Voir notre article : Les aliments fermentés, un passeport pour la santé : conversation avec l’aventurier culinaire Koizumi Takeo)

Néanmoins, il y a des lieux où le nattô n’est pas le bienvenu. En effet, le nattôkin peut constituer une menace dans les environnements où se développent d’autres bactéries, en particulier les produits fermentés tels que la sauce de soja, le miso ou le yaourt. De nombreuses brasseries de saké au Japon interdisent à leurs employés de consommer du nattô au petit déjeuner, de crainte que leur production ne soit contaminée par du nattôkin présent sur leurs mains ou visage.

Certaines personnes consomment aussi des suppléments alimentaires à base de nattôkin ou de l’enzyme nattokinase, mais le nattô lui-même demeure indétrônable : c’est un aliment bon marché et au goût agréable – une fois acquis –, qui ne perdra pas de sitôt sa popularité au Japon.

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