Les 24 divisions de l’année solaire au Japon

« Keichitsu » : le réveil des insectes

Vie quotidienne Tradition

La saison appelée Keichitsu, selon le calendrier solaire, débute vers le 5 mars pour se terminer le 20. Le réchauffement du temps en cette période pousse les insectes en hibernation et d’autres petites créatures à quitter leurs cachettes souterraines.

Selon le calendrier moderne, le Keichitsu tombe approximativement le 6 mars. Cette date est celle où non seulement les insectes mais aussi d’autres petits animaux qui ont jusque-là hiverné sous terre, tels que les grenouilles, les serpents et les lézards, commencent à sortir, attirés par le réchauffement du temps. À peu près à la même époque de l’année, les pêchers commencent à fleurir et les chenilles à se transformer en papillons, tandis que la moindre averse fait penser au printemps. C’est aussi une saison adéquate pour se fixer des objectifs et prendre de nouveaux départs.

Cet article va se pencher sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant approximativement du 5 au 20 mars.

En règle générale, la floraison des pêchers se produit entre la fin mars et le début du mois d’avril, après celle des pruniers. Originaires de Chine, ces arbres de bon augure ont très vite été importés au Japon, où l’on a trouvé des noyaux de pêches dans des ruines datant de la prériode Yayoi (300 av. J.-C.-300 ap. J.-C.). À l’époque de Heian (794-1185), des décorations représentant des fleurs de pêcher étaient exposées lors du Hina matsuri, la fête des filles, et des pêchers ornementaux donnant des fleurs ont vu le jour à l’époque d’Edo (1603-1868). Il en existe de nombreuses variétés, d’une admirable beauté, telles que le pêcher pleureur et le Genpei hanamomo, qui porte sur un même arbre des fleurs rouges, roses et blanches.

Selon le Kojiki, un ouvrage du VIIIe siècle qui constitue le plus ancien recueil japonais de récits légendaires et historiques, quand le dieu Izanagi s’est échappé de Yomi, le royaume des morts, il a jeté trois noyaux de pêche pour chasser les mauvais esprits, et c’est à ce geste que la pêche doit sa réputation de fruit porte-bonheur. En même temps qu’ils exposent des fleurs de pêcher lors du Hina matsuri, les parents prient pour la bonne santé de leurs filles.

Pêcher en fleurs Genpei hanamomo portant des fleurs rouges, roses et blanches sur le même arbre. (© Pixta)
Pêcher en fleurs Genpei hanamomo portant des fleurs rouges, roses et blanches sur le même arbre. (Pixta)

Les montagnes rieuses

Cette expression est un kigo, ou mot saisonnier utilisé dans des contextes tels que le haïku et la cérémonie du thé. On la doit à Guo Xi, un poète chinois du XIe siècle qui l’a employée pour décrire les montagnes au printemps, qui rayonnent de joie quand les pêchers et les yama-zakura (cerisiers de montagne) sont en fleurs.

Montagne « rieuse » en pleine floraison (© Pixta)
Montagne « rieuse » en pleine floraison (Pixta)

Les violettes

On trouve au Japon plus de 100 variétés de violettes, une fleur dont les poètes se sont emparés depuis longtemps. Tachisubo sumire (Viola grypoceras) est une espèce familière, qu’on rencontre fréquemment de Hokkaidô à Okinawa.

C’est à Matsuo Bashô (1644-1694) qu’on doit le haïku suivant, dans lequel il exprime la surprise et l’émerveillement que lui a inspirés sa rencontre avec les charmantes fleurs.

Yamaji kite / naniyara yukashi / sumiresô

Sur un sentier de montagne
enchanteur à sa façon
fleurit la violette

Tachisubo sumire (© Pixta)
Tachisubo sumire (Pixta)

Kinome-doki (arbres bourgeonnants)

Cette période de l’année est aussi appelée kinome-doki, qui veut dire « arbres bourgeonnants ». Elle se caractérise non seulement pas les fluctuations de la température, mais aussi par le fait que le rhume des foins atteint son pic, dû aux émissions de pollen provenant des cèdres et des cyprès. Les tomates et le shiso (périlla) ont la réputation d’être efficaces pour prévenir le rhume des foins, tandis que divers aromates, dont le théier et l’eucalyptus, figurent parmi les remèdes populaires contre ce désagrément.

Pollen de cèdre (© Pixta)
Pollen de cèdre (Pixta)

Kinome, une autre façon d’appeler les « boutons de fleurs », s’utilise aussi pour désigner les baies de sanshô (poivre japonais). Elles sont délicieuses moulues et mélangées à de jeunes pousses de bambou. Le sanshô joue aussi un rôle essentiel dans la préparation du nappage de l’anguille grillée kabayaki. Le mot kinome est communément utilisé de façon métaphorique pour parler de quelque-chose qui, malgré sa petite taille, ne manque ni de talent ni d’efficacité.

Jeune pousse de bambou nappée de miso blanc et de sanshô moulu, et garnie de jeunes feuilles de sanshô. (© Pixta)
Jeune pousse de bambou nappée de miso blanc et de sanshô moulu, et garnie de jeunes feuilles de sanshô. (Pixta)

Les légumes de printemps

C’est à cette époque de l’année que les variétés printanières de choux et de pois apparaissent dans les rayons des supermarchés, ainsi que les oignons nouveaux, qui ont une douceur caractéristique et constituent un ingrédient délicieux pour les potages ou les salades. C’est lorsqu’ils sont de saison qu’on apprécie le mieux ces légumes.

Salade d'oignons nouveaux en tranches (© nippon.com)
Salade d’oignons nouveaux en tranches (nippon.com)

Les sansai (légumes sauvages)

La vente de légumes sauvages tels que l’udo, le zenmai et le warabi commence ; l’amertume qui leur est propre ne s’apprécie en effet qu’au printemps. Ces légumes sont servis sous forme de tempura ou bouillis et assaisonnés avec de la sauce soja et du sucre. Dans la médecine traditionnelle, on les utilise pour améliorer la fonction cardiaque et la circulation.

(gauche à droite) Kogomi, warabi, taranome et urui (© Pixta)
(gauche à droite) Kogomi, warabi, taranome et urui (Pixta)

Kasuga-sai (13 mars)

Le sanctuaire Kasuga Taisha de Nara, inscrit au patrimoine mondial, célèbre depuis l’an 849 son festival Kasuga-sai au printemps. Parce qu’il est le mausolée de la famille impériale, l’empereur y dépêche un envoyé spécial chargé de prier pour la paix et la prospérité de la nation. (Voir notre article : Le sanctuaire Kasuga Taisha, à Nara : un majestueux monument à l’histoire millénaire)

Le pavillon principal du sanctuaire Kasuga Taisha (© Pixta)
Le pavillon principal du sanctuaire Kasuga Taisha (Pixta)

Le White Day (14 mars)

Les hommes à qui des femmes ont offert des chocolats pour la Saint-Valentin leur rendent la pareille le 14 mars, une date connue dans l’Archipel sous le nom de White Day. Cette coutume, dit-on, a été instaurée par les confiseurs japonais. (Voir notre article : La Saint-Valentin au Japon et le White Day)

(© Pixta)
Photo : Pixta

Le sawara

Le printemps est aussi la saison du maquereau sawara, dont l’idéogramme qui sert à l’écrire (鰆) associe les caratères des mots poisson (魚) et printemps (春). On l’a longtemps considéré comme un aliment de bon augure, et il figure fréquemment au menu des repas de fête. On sert le sawara en sashimi, grillé, en ragoût ou en bouillon clair suimono. Il contient des acides gras oméga 3 qui améliorent la circulation sanguine et la santé en général.

Sawara non cuisiné (gauche) et grillé avec du miso blanc pour préparer le saikyô-yaki. (© Pixta)
Sawara non cuisiné (gauche) et grillé avec du miso blanc pour préparer le saikyô-yaki. (Pixta)

Voir aussi nos articles précédents

(Article rédigé avec l’aide d’Inoue Shôei, chercheur sur le calendrier et auteur, prêtre shintô, professeur invité à l’Université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : Pixta)

nature tradition saison calendrier printemps