Les 24 divisions de l’année solaire au Japon

« Shôkan » : petit froid

Tradition Vie quotidienne

Shôkan est l’époque de l’année où le froid s’intensifie. On l’appelle aussi kan-no-iri, ou « à l’intérieur du froid », quand on a réellement le sentiment d’être en hiver. Notre article se penche sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant en gros du 6 au 19 janvier.

La période solaire shôkan commence approximativement le 6 janvier dans le calendrier moderne. Le mois qui sépare le shôkan du risshun officiel (début du printemps) est appelé kan-no-uchi, ou « à l’intérieur du froid ». Certaines personnes s’adonnent à la natation en extérieur ou à d’autres activités fortifiantes du même genre. La préparation des ingrédients fermentés tels que le saké, le miso et la sauce soja commence elle aussi vers cette époque.

Cet article se penche sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant en gros du 6 au 19 janvier.

Les jonquilles

Les jonquilles sont connues pour leur résistance, qui leur permet de fleurir même quand il neige. On les appelle aussi kinsenka, qui veut dire littéralement « fleur tasse à saké dorée », en référence à la couronne dorée qui orne leur centre. Peut-être les jonquilles, originaires de l’Afrique du Nord et de l’Espagne, ont-elles été introduites au Japon via l’ancienne Route de la Soie. Mais il existe une autre théorie, basée sur le fait que, au Japon, les jonquilles poussent à l’état sauvage à proximité du littoral, selon laquelle les bulbes se seraient échoués sur le rivage. Les premières références aux jonquilles remontent à l’époque de Muromachi (1333-1568), et c’est à l’époque Azuchi-Momoyama (1568-1603) qu’elles sont devenues hautement appréciées. Elles ont une longue période de floraison et certaines continuent de fleurir jusqu’au mois d’avril.

Jonquilles japonaises
Jonquilles japonaises

Nanakusa-gayu (bouillie aux sept herbes) (7 janvier)

Jinjitsu, littéralement « Jour humain », est l’une des cinq principales fêtes saisonnières du Japon, célébrée le 7 janvier. À cette époque, il est courant de manger du nanakusa-gayu, une bouillie de riz cuite avec sept herbes (nanakusa), qui fait office de vœu de bonne santé. Les sept herbes printanières utilisées dans la préparation de la bouillie sont le seri (œnanthe), le nazuna (bourse-à-pasteur), le gogyô (gnaphale), le hakobera (mouron des oiseaux), le hotokenoza (lampsane commune), le suzushiro (radis daikon) et le suzuna (navet). À l’approche du Jinjitsu, les boutiques vendent les sept herbes en paquets.

La bouillie de riz aux sept herbes a aussi le mérite de procurer au système digestif un repos bien mérité après la copieuse consommation de nourriture et de boissons à laquelle on se livre pendant toute la durée des vacances.

Les sept herbes (à partir de la gauche) : hakobera (mouron des oiseaux), nazuna (bourse-à-pasteur), hotokenoza (lampsane commune), seri (œnanthe), gogyô (gnaphale), suzushiro (daikon) et suzuna (navet) ; bol de nanakusa-gayu.
Les sept herbes (à partir de la gauche) : hakobera (mouron des oiseaux), nazuna (bourse-à-pasteur), hotokenoza (lampsane commune), seri (œnanthe), gogyô (gnaphale), suzushiro (daikon) et suzuna (navet) ; bol de nanakusa-gayu.

Kagami-Biraki (11 janvier)

Les kagami mochi, littéralement « gâteaux de riz miroirs », font partie des décorations japonaises traditionnelles du Nouvel An offertes en cette occasion aux divinités. Le 11 janvier, les mochi, devenus durs entre-temps, sont émiettés, souvent à l’aide d’un maillet en bois, en vue de les faire cuire et des les manger dans l’idée de prier pour la bonne santé et d’écarter le mauvais sort. Du fait que les divinités « résident » dans les mochi, les couper avec une lame est considéré comme tabou. En revanche, le mot « biraki », qu’on emploie pour désigner le processus consistant à briser les mochi en morceaux, veut dire « ouvrir » et a donc des connotations de chance. On peut utiliser les morceaux pour confectionner des biscuits de riz, ou les ajouter au zôni, une soupe de légumes et de mochi, ou au shiruko, un potage doux à base de haricots azuki. Les kagami mochi ont la réputation d’être une source de vitalité.

Broyage de mochi avec un maillet en bois (à gauche), shiruko (potage doux de haricots azuki) agrémenté de mochi.
Broyage de mochi avec un maillet en bois (à gauche), shiruko (potage doux de haricots azuki) agrémenté de mochi.

Tôka Ebisu (9-11 janvier)

Ebisu, l’une des sept divinités de la chance (shichifukujin ), a la réputation d’être propice à la pêche et autres activités commerciales. À partir du 9 janvier, les temples et les sanctuaires dédiés à Ebisu célèbrent une fête populaire de trois jours. Nombre de fidèles achètent des fukuzasa décorés (tiges de bambou porte-bonheur) ou des râteaux ornementaux connus sous le nom de kumade (littéralement « griffes d’ours ») qu’ils exposent sur leurs lieux de travail.

Ebisu, la divinité de la pêche et des affaires, représentée tenant une canne à pêche et une daurade (à gauche) ; ornements festifs lors du tôka Ebisu.
Ebisu, la divinité de la pêche et des affaires, représentée tenant une canne à pêche et une daurade (à gauche) ; ornements festifs lors du tôka Ebisu.

Les trois plus célèbres sanctuaires dédiés à Ebisu sont le sanctuaire Nishinomiya dans la préfecture de Hyôgo, le sanctuaire Imamiya Ebisu à Osaka et le sanctuaire Kyoto Ebisu. Un rituel destiné à sélectionner l’homme chanceux de l’année est célébré le 10 janvier au sanctuaire Nishinomiya, à six heures du matin, à l’ouverture du portail. Les fidèles font la course tout au long des 230 mètres de la voie d’accès au bâtiment principal du sanctuaire, et les trois premiers arrivés sont désignés « hommes chanceux » de l’année.

Quelque 6 000 coureurs entrent en compétition pour devenir l'« homme chanceux » de l'année à l'issue de la course qui se tient le 10 janvier 2016 au sanctuaire Nishinomiya, dans la préfecture de Hyôgo. (Jiji)
Quelque 6 000 coureurs entrent en compétition pour devenir l'« homme chanceux » de l’année à l’issue de la course qui se tient le 10 janvier 2016 au sanctuaire Nishinomiya, dans la préfecture de Hyôgo. (Jiji)

Tondo-yaki / Donto-yaki (entre le 7 et le 15 janvier)

Au mois de janvier, les temples et les sanctuaires procèdent à la combustion rituelle d’un shimenawa (corde sacrée) et d’autres décorations du Nouvel An provenant des maisons des habitants. Certaines personnes apportent aussi leur kakizome, la première calligraphie de l’année, pour la brûler. La date et même le nom de cette pratique varient d’une région à l’autre, s’appelant Tondo-yaki ou Donto-yaki. La combustion de ces objets « renvoie » les divinités au ciel et a la réputation d’apporter la bonne santé tout au long de l’année.

Le rituel du donto-yaki (ou tondo-yaki)
Le rituel du donto-yaki (ou tondo-yaki)

Les navets

Le navet est l’une des sept herbes printanières (nanakusa). Au Japon, il est connu de nos jours sous le nom de kabu, mais, dans les temps anciens, on l’appelait suzuna, qui veut dire « légume cloche », en référence à sa forme. Les navets sont mentionnés dans l’ancienne chronique Nihon shoki, et il en existe diverses variétés sur toute l’étendue du territoire japonais.

Le navet géant shôgoin kabu, qui peut mesurer jusqu’à 20 centimètres de diamètre, est la variété utilisée pour confectionner les fameux légumes saumurés de Kyoto coupés en tranches, appelés senmai-zuke. Plus il pousse par temps froid, plus sa saveur est douce. Facile à faire bouillir, il constitue un ingrédient idéal pour la préparation d’un large éventail de pots au feu nabe et de ragoûts, ou de salades chaudes.

Shôgoin kabu (à gauche) ; kabura-mushi (navet bouilli).
Shôgoin kabu (à gauche) ; kabura-mushi (navet bouilli).

Le shungiku (chrysanthème couronné)

Le shungiku (littéralement « chrysanthème de printemps ») est un ingrédient de base des pots au feu. Dans la région du Kansai, on l’appelle aussi kikuna. Ce légume apporte aux plats un arôme et une amertume particulières. Les feuilles sont riches en bêta-carotène, un nutriment qui a la réputation d’être bon pour la peau et de contribuer à prévenir les rhumes.

Shungiku cru (à gauche) ; shungiku assaisonné de sauce de sésame
Shungiku cru (à gauche) ; shungiku assaisonné de sauce de sésame

Les kumquats

Les kumquats sont des agrumes à la peau fine, de la taille d’une bouchée, qu’on peut manger entiers. Kinkan, leur nom japonais, est un mot-valise composé de kin, qui veut dire doré, et de kan, provenant de mikan (mandarine), tandis que leur nom anglais dérive de la prononciation cantonaise du même mot. Environ 70 % des kumquats japonais sont récoltés dans la préfecture de Miyazaki. Leur peau est riche en vitamine C et on peut les conserver entiers dans du sucre, en vue de les consommer pour soulager la toux, ou confits sous forme de kanroni. Lorsqu’ils ont atteint leur pleine maturité, les kumquats sont doux-amers et peuvent se manger entiers.

Kumquats (à gauche) ; kanroni (kumquats confits).
Kumquats (à gauche) ; kanroni (kumquats confits).

L’anko (baudroie)

La baudroie est un poisson de haute mer, qui, malgré la laideur de son apparence, est très apprécié comme aliment hivernal. On considère qu’elle est essentiellement constituée de sept parties : les nageoires, la peau, les ouïes, le foie, les intestins, les ovaires et la chair. Elle est célèbre en tant que poisson dont il n’y a rien à jeter — même la queue, les joues et la chair du menton peuvent se manger. La baudroie est parfaite au court-bouillon, et le foie ajoute une saveur intense aux plats que l’on cuisine.

Baudroie (à gauche) ; court-bouillon de baudroie.
Baudroie (à gauche) ; court-bouillon de baudroie.

(Article supervisé par Inoue Shôei, chercheuse sur le calendrier et auteure, prêtresse shintô, professeure invitée à l’université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : cygnes se posant sur un lac. Toutes les photos : Pixta, sauf mentions contraires.)

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