L’ambassadeur japonais à New York qui fait un tabac à la Jimi Hendrix : approfondir 160 ans de relations nippo-américaines

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Le 4 juillet 2020, le consul du Japon à New York Yamanouchi Kanji a fait un tabac en postant sur Facebook l’hymne national américain joué à la façon de Jimi Hendrix. Sa vidéo a fait le tour du monde. Nous sommes allés à la rencontre de cet ambassadeur d’un genre nouveau qui multiplie les actions innovantes au profit des relations nippo-américaines.

Yamanouchi Kanji YAMANOUCHI Kanji

Ambassadeur et consul général du Japon à New York depuis octobre 2018. Entré en 1984 au ministère des Affaires étrangères (MOFA), il a été secrétaire adjoint au vice porte-parole du gouvernement, directeur du département Amérique du Nord I, secrétaire du Premier ministre, directeur de la section Asie-Pacifique, chargé d’affaires à l’ambassade japonaise aux États-Unis ou encore directeur du bureau des Affaires économiques du MOFA où il s’est fortement impliqué dans les relations nippo-américaines, notamment dans les négociations autour de l’accord de partenariat trans-pacifique (TPP).

Debout entre le drapeau japonais et la bannière étoilée américaine, un nœud papillon rouge autour du cou et sa guitare électrique préférée – une Stratocaster – entre les mains, l’ambassadeur Yamanouchi Kanji joue l’hymne national américain : The Star-Spangled Banner. Et qui plus est, à la façon aujourd’hui légendaire de Jimi Hendrix.

Le consulat général du Japon à New York a posté cette vidéo sur son compte Facebook officiel pour le 4 juillet, jour de la fête de l’indépendance américaine : à peine deux jours après, elle avait été vue plus de 260 000 fois à travers le monde entier.

L’année 2020 marquait le 160e anniversaire des échanges entre le Japon et la ville de New York – c’est en 1860 que la délégation japonaise envoyée aux États-Unis par le gouvernement d’Edo est arrivée dans la ville. Dans le cadre de cet anniversaire, le service des relations publiques du consulat a imaginé un message spécial pour fêter le 4 juillet. L’objectif était de remercier les personnels soignants et les travailleurs indispensables pour leur action à l’heure du coronavirus, mais aussi de donner le sourire à tous ceux qui souffrent de la pandémie.

Un amour de la musique bien enraciné

C’est M. Yamanouchi lui-même – un amoureux de la musique depuis sa plus tendre enfance, sous l’influence de sa mère – qui a eu l’idée de jouer l’hymne national à la manière de Jimi Hendrix pour la fête de l’indépendance.

En 1969, lors du Festival de Woodstock organisé dans le comté de Sullivan (New York), Jimi Hendrix a joué La bannière étoilée à la guitare électrique, un live devenu mythique. Cette version novatrice et distordue a enflammé la foule, mais elle a agacé les conservateurs. C’est une performance qui, un demi-siècle plus tard, continue à être discutée par les fans de musique.

L’idée que l’ambassadeur d’un pays tiers ose un tel geste a soulevé des hésitations au sein du consulat. M. Yamanouchi lui-même éprouvait certaines inquiétudes. C’est pour cela qu’il a décidé « de le faire habillé de façon convenable, pour bien faire passer [son] message de respect et de gratitude envers les États-Unis. [Il] ne [s’est] pas contenté de jouer de la guitare : une brève allocution en ouverture a permis de clarifier [son] objectif. »

Résultat, les réactions ont été nombreuses, et pas seulement aux États-Unis, ce qui n’a pas manqué d’étonner Yamanouchi Kanji. Plusieurs personnalités, à commencer par Joseph M. Young, chargé d’affaires par intérim à l’ambassade américaine au Japon, l’ont félicité sur les réseaux sociaux, et le New York Post a même relayé sa performance.

« J’étais ravi de l’accueil positif que m’ont réservé de nombreuses personnes, bien plus que je ne l’imaginais. J’ai éprouvé la gentillesse des Américains, qui savent exprimer leur ressenti sans façons. En particulier, j’ai été très flatté des compliments décernés par Dennis Shea, ambassadeur américain auprès de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), lors d’une réunion sur les stratégies commerciales nationales », nous dit-il.

En tant que diplomate, trait d’union dans les relations nippo-américaines, M. Yamanouchi s’était déjà frotté à la musique. À l’époque où il travaillait à l’ambassade japonaise aux États-Unis, avec un collègue et des cadres d’une maison de commerce japonaise, il avait formé un groupe qui jouait chaque année lors de la traditionnelle fête des cerisiers en fleurs, ainsi que celle du respect aux personnes âgées (3e lundi de septembre). À New York aussi, il joue dans un groupe qui se produit notamment à l’occasion du Japan Day, jour de découverte de la culture japonaise ; une formation en sommeil cette année, à cause de la pandémie.

Soutien aux artistes

Le consulat du Japon à New York s’est lancé, ces derniers temps, dans de nouvelles actions pour soutenir les musiciens japonais installés sur place et qui peinent à donner des concerts en raison des restrictions liées à la Covid-19. Pour leur offrir des occasions de rencontrer le public, un Friday Night Live est organisé à la résidence de l’ambassadeur le troisième vendredi du mois.

« Même quand l’économie aura repris, les secteurs les plus durement touchés seront ceux de la restauration et du divertissement. Ici, il y a plein de gens talentueux, mais ils n’ont plus que très peu d’occasions de se produire en public. Depuis l’été, je réfléchissais à un moyen de les soutenir. Entre les préparatifs techniques et les négociations avec Tokyo, j’ai réussi à tout mettre en place pour le mois d’octobre. »

Afin d’appliquer les mesures de lutte contre le coronavirus, les concerts ont lieu devant un public restreint, mais ils sont retransmis sur la page Facebook du consulat.

« Sur place, au consulat, nous ne pouvons accueillir qu’une centaine de personnes, mais avec la diffusion en ligne, on touche mille, deux mille spectateurs. Cela permet à la fois de soutenir les artistes et de faire mieux connaître la culture japonaise, de jouer sur le soft power. C’est très efficace. »

Exposition d’œuvres d’artistes résidents à New York, ouverte au public (novembre 2020, à la résidence de l’ambassadeur) © Kasumi Abe
Exposition d’œuvres d’artistes résidents à New York, ouverte au public (novembre 2020, à la résidence de l’ambassadeur) © Kasumi Abe

Depuis le confinement du mois de mars 2020, le consulat relaie par mail et sur les réseaux sociaux le contenu des conférences de presse du gouverneur de l’État de New York et du maire de la ville. Les informations sont également présentées sur le site du consulat, avec un grand succès auprès des expatriés japonais, « rassurés de trouver des informations à jour en japonais ».

« Le rôle du consulat est de soutenir activement la centaine de milliers de Japonais qui vivent sous sa juridiction, d’être leur dernier refuge. C’est notre mission. »

Le regard des États-Unis sur le Japon

En 2020, les informations les plus largement relayées par les médias américains à propos du Japon étaient les suivantes : la fuite de Carlos Ghosn, le paquebot Diamond Princess et la démission du Premier ministre Abe Shinzô.

« Comparé à la Chine et à la Corée du Nord, le Japon ne fait presque plus la Une. L’époque où l’Archipel était très présent dans les médias est celle des tensions commerciales, quand les relations bilatérales étaient crispées. Mais dans la situation internationale actuelle qui connaît de profonds bouleversements, les spécialistes américains de la diplomatie et de la sécurité nationale sont conscients de l’importance stratégique des relations nippo-américaines, et les États-Unis accordent un respect accru au Japon, comme je peux le constater au quotidien. Susciter l’intérêt pour notre pays sous toutes ses facettes est notre rôle, en tant que diplomates, et c’est un travail important. »

Les domaines dans lesquels M. Yamanouchi ressent un respect des États-Unis pour l’Archipel se sont élargis pour englober la diplomatie et la sécurité, l’économie et les affaires, la culture et la gastronomie. Par exemple, dans la liste des 100 Notable Books of 2020 (« Les 100 livres notables de 2020 ») du New York Times publiée en novembre 2020 figurent quatre écrivains japonais ou en lien avec le Japon (Kawakami Mieko, Murata Sayaka, Onda Riku et Yû Miri).

Par ailleurs, la sonde Hayabusa 2 a montré au monde entier la réussite du Japon dans le domaine des sciences et des technologies. Et depuis le début du XXIe siècle, des Japonais figurent presque tous les ans parmi les lauréats du prix Nobel.

« Ces réussites de locuteurs natifs du japonais, nous pouvons en être fiers dans le monde entier. La gastronomie japonaise est d’ailleurs plébiscitée partout sur la planète, et pas seulement aux États-Unis ; il ne s’agit plus d’une mode, c’est désormais une tendance bien enracinée. Ce soft power nous attire le respect de nombreux pays, c’est très motivant de travailler dans ces conditions. »

En tant qu’alliés, au niveau diplomatique, les États-Unis sont un partenaire important pour le Japon, dont la diplomatie est axée sur un renforcement des relations nippo-américaines à des niveaux multiples.

« Dans une situation internationale de plus en plus tendue, pour assurer la paix, la stabilité et la prospérité du Japon, les relations nippo-américaines sont cruciales à tous les niveaux : politique, sécuritaire, économique, culturel, amical… Ici, à New York, nous avons beaucoup à faire pour l’amitié nippo-américaine, pour la nourrir et la faire prospérer. »

(Photo de titre prise en novembre 2020 au consulat général du Japon à New York © Kasumi Abe)

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