Les 24 divisions de l’année solaire au Japon

« Rikka » : le début de l’été

Vie quotidienne

Dans le calendrier traditionnel du Japon, la période dite Rikka annonce le début de l’été, caractérisé par un soleil aveuglant et la prolifération des jeunes feuilles.

Rikka (le début de l’été) ouvre une nouvelle saison au sein des 24 périodes solaires du Japon. Dans le calendrier moderne, Rikka tombe approximativement le 6 mai, et on dit que l’été se prolonge jusqu’au Risshû, aux environs du 8 août. Le point culminant de l’été est encore loin, mais les animaux et autres créatures débordent de vitalité, et la verdure resplendit. C’est aussi le début de la saison des loisirs.

Cet article va se pencher sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant en gros du 6 au 20 mai.

Kunpû (vents parfumés)

Le début de l’été est en général une période agréable, caractérisée par du ciel dégagé et un temps chaud. Les vents frais propres à cette saison sont appelés kunpû, un terme employé dans le haïku. Le shinrinyoku, la senteur que l’on inhale pendant les paisibles promenades en forêt, provient des émissions de phytoncides, qui ont la réputation d’avoir des effets antibactériens. La pluie tombant sur les arbres a aussi sa place dans la poésie. (Voir notre article : Miyazaki Yoshifumi explore le pouvoir de guérison de la forêt, le « shinrin-yoku »)

Hototogisu

Hototogisu, le petit coucou, annonce l’arrivée de l’été, et les anthologies de poésie classique contiennent de nombreux poèmes célébrant cet oiseau. Le premier chant du hototogisu est appelé shinobine (le son caché).

Quand Gyokudô Yanagihara (1867-1957), disciple du poète Masaoka Shiki (1867-1902) a publié en 1897 la première revue japonaise de haïku, il l’a appelée Hototogisu. Elle s’est imposée sous la tutelle de ses deux premiers éditeurs, Shiki et Takahama Kyoshi. Elle est toujours publiée aujourd’hui, et des œuvres de fiction aussi célèbres que Je suis un chat et Botchan de Natsume Sôseki avaient été publiées en feuilleton dans ses colonnes.

Un recueil d’essais publié à la fin de l’époque d’Edo (vers 1821-1841) et intitulé Kasshiyawa compare les réactions des trois grands chefs militaires du Japon de la période des Royaumes combattants (1467-1568) face à un hototogisu qui refuse de chanter. Le texte donne un aperçu de la personnalité de chacun des personnages.

Si le coucou ne chante pas, tue-le (Oda Nobunaga)

Si le coucou ne chante pas, force-le à le faire (Toyotomi Hideyoshi)

Si le coucou ne chante pas, attends qu’il le fasse (Tokugawa Ieyasu)

Le pépiement du petit coucou

La pêche au cormoran sur la rivière Nagara (11 mai-15 octobre)

La pêche nocturne au cormoran en rivière est une tradition qui se pratique avec des cormorans dressés et des feux de surveillance allumés sur des bâteaux. Cette pratique, en usage sur la rivière Nagara depuis l’époque de Nara (710-794), est inscrite sur la liste japonaise des biens intangibles de la culture populaire. Elle tire parti de la caractéristique propre au cormoran qui consiste à avaler le poisson en entier d’une seule bouchée. On attache une corde autour du cou de l’oiseau pour l’empêcher de consommer les poissons ayu qu’il pourrait attraper, auquel cas on on l’oblige à le régurgiter. (Voir notre article : La pêche au cormoran, une tradition millénaire qui annonce l’arrivée de l’été au Japon)

Cette pêche est autorisée du 11 mai au 15 octobre. Les pêcheurs au cormoran de la rivière Nagara sont des fonctionnaires appartenant à l’Agence de la maison impériale, et ils font cadeau des poissons à la famille impériale.

Pêche au cormoran sur la rivière Nagara (à gauche) ; un cormoran.
Pêche au cormoran sur la rivière Nagara (à gauche) ; un cormoran.

La semaine de l’oiseau (10-16 mai)

Tous les ans, la semaine qui va du 10 au 16 mai est dédiée aux oiseaux, comme en a décidé la Société japonaise de préservation des oiseaux, soucieuse de rendre hommage à nos amis à plumes.

Le festival Sanja Matsuri, à Tokyo

Le Sanja Matsuri, célébré tous les ans au sanctuaire Asakusa, fait partie des trois grands festivals de Tokyo. Inauguré en 1312, il a lieu pendant le troisième week-end de mai. Pendant le festival, des femmes et des hommes vêtus de manteaux happi parcourent les rues en portant sur leurs épaules plus de 100 sanctuaires portables. Le premier jour, une cérémonie est célébrée pour accueillir la divinité dans les sanctuaires portables, le deuxième jour est le théâtre d’un grand défilé et, le troisième jour, trois sanctuaires sont transportés à travers le quartier. La procession qui franchit la porte Kaminarimon est particulièrement remarquable. La lanterne géante en papier suspendue à la porte est repliée, et le sanctuaire portable est acheminé avec un grand enthousiasme. (Voir notre article lié : Le grand festival Asakusa Sanja Matsuri, pour inaugurer l’été en beauté à Tokyo)

Pendant le Sanja Matsuri, la lanterne en papier est repliée pour permettre au sanctuaire portable de franchir la porte Kaminarimon.
Pendant le Sanja Matsuri, la lanterne en papier est repliée pour permettre au sanctuaire portable de franchir la porte Kaminarimon.

Le festival Aoi, à Kyoto (15 mai)

L’Aoi, classé parmi les trois principaux festivals de Kyoto, se déroule entre les sanctuaires Shimogamo et Kamigamo. On dit qu’il a vu le jour sous le règne de l’empereur Kinmei (540-571), au cours duquel le pays a été en proie aux mauvaises récoltes, à la famine et aux épidémies. Cette tradition s’est interrompue pendant les époques de Kamakura (1185-1333) et de Muromachi (1336-1573), mais elle a été réintroduite à l’ère Genroku (1688-1704).

Le 15 mai, une grande procession se déploie sur huit kilomètres, depuis le palais impérial de Kyoto jusqu’au sanctuaire Kamigamo, au cours de laquelle plus de 500 personnes défilent vêtues de costumes aristocratiques de l’époque de Heian (794-1185). Le festival doit son nom au aoi, ou rose trémière, utilisé pour décorer le char à bœufs et les rideaux de bambou qui figurent dans la procession.

Le festival Aoi est une procession à la mode de Heian qui marque le début de l'été. Dans les temps anciens, une princesse impériale célibataire officiait au sanctuaire Kamo au nom de l'empereur, mais aujourd'hui, ce rôle dans le festival est confié à une jeune femme célibataire, revêtue d'un kimono cérémoniel à douze couches. Le 15 mai 2018 (Jiji)
Le festival Aoi est une procession à la mode de Heian qui marque le début de l’été. Dans les temps anciens, une princesse impériale célibataire officiait au sanctuaire Kamo au nom de l’empereur, mais aujourd’hui, ce rôle dans le festival est confié à une jeune femme célibataire, revêtue d’un kimono cérémoniel à douze couches. Le 15 mai 2018 (Jiji)

La fête des mères

Le second dimanche de mai est le jour de la fête des mères. Cette coutume, née aux États-Unis, s’est ensuite propagée au Japon. La tradition japonaise veut qu’on offre un œillet rouge le jour de la fête des mères, mais depuis quelque temps les gens optent pour différentes couleurs.

L'œillet rouge est un présent fréquemment offert le jour de la fête des mères.
L'œillet rouge est un présent fréquemment offert le jour de la fête des mères.

Takenoko (les pousses de bambou)

L’idéogramme utilisé pour écrire takenoko (筍) associe des caractères signifiant « de saison » (旬) et « bambou » (竹). Du fait de leur croissance rapide, la saison des pousses de bambou est brève. Il faut les manger peu après leur cueillette, avant que leur goût ne devienne astringent. Les pousses de bambou sont communément servies sous forme de tempura (beignets frits), cuites à la vapeur avec du riz, en ragoût, ajoutées à un bouillon ou grillées.

Pousses de bambou (à gauche) et riz cuit à la vapeur accompagné de pousses de bambou.
Pousses de bambou (à gauche) et riz cuit à la vapeur accompagné de pousses de bambou.

(Article supervisé par Inoue Shôei, chercheuse sur le calendrier et auteure, prêtresse shintô, professeure invitée à l’université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : feuilles d’érable vertes au début de l’été. Toutes les photos de l’article. Autres photos : Pixta, sauf mentions contraires)

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