Les milles et une merveilles de Kyoto

Kyoto à la recherche d’une nouvelle identité pour rayonner

Histoire Culture

Après avoir perdu son rôle de capitale en 1869, Kyoto a cherché d’autres moyens d’exister. Par l’industrialisation d’une part, mais également en tentant de devenir une destination touristique internationale. L’historique protocole de Kyoto de 1997 a donné un nouvel élan aux actions environnementales mondiales en alimentant les initiatives pour le tourisme durable.

L’industrialisation et la culture pour continuer d’exister

Après un millénaire en tant que capitale du Japon, Kyoto a cédé son titre à Tokyo en 1869 à la suite de la Restauration de Meiji. Soucieux que l’ancienne ville impériale ne connaisse une période de déclin, les marchands et hommes politiques locaux ont entrepris de moderniser la ville aussi rapidement que possible. L’achèvement du canal du lac Biwa, qui a contribué à l’industrialisation au nord de Kyoto par l’utilisation de l’énergie hydroélectrique, a été un succès remarquable, permettant l’électrification de la ville. D’autres projets ont établi les voies ferrées et d’autres canaux, sans compter l’exposition annuelle de Kyoto qui a encouragé le développement industriel.

De par sa longue histoire, Kyoto était bien familière du principe de renouvellement. En 1918 et 1931, la ville a absorbé les municipalités avoisinantes de Fushimi, Kii, Kadono et Otagi, s’assurant ainsi de la superficie nécessaire pour s’imposer en tant que cité industrielle.

En même temps, les dirigeants de Kyoto ont travaillé à la construction d’une infrastructure urbaine, incluant rues, chemins de fer, canaux et parcs. Dès 1932, la population de la ville, digne d’une métropole « moderne », s’est élevée à plus d’un million d’habitants, et les citadins l’ont fièrement surnommée Dai-Kyoto (la grande Kyoto).

Tout en s’adaptant au XXe siècle, Kyoto n’a pas négligé la valeur culturelle de son millénaire en temps que capitale de l’Archipel. Des visiteurs venaient de tout le pays pour profiter des lieux historiques et religieux, visitant les sièges principaux de temples et grands sanctuaires, et se penchant plus profondément sur les arts anciens tels que l’art floral (ikebana) et la cérémonie du thé (sadô).

L’intronisation en 1929 de l’empereur Hirohito au palais impérial de Kyoto a relevé le profil de la ville en tant que destination touristique internationale. Des invités d’honneur venus du monde entier ont été comblés de banquets. Kyoto a développé de nouvelles formes de tourisme en s’appuyant sur ses atouts locaux, telles les visites au tombeau de l’empereur Meiji ainsi que d’autres dirigeants impériaux.

Tout ceci était destiné à redécouvrir et recréer le charme de la ville, la voir sous un autre angle. Entre autres, l’accent a été mis sur les cerisiers en fleurs de Arashiyama et Daigo, la fraicheur des soirs d’été à Kibune et sur les berges du fleuve Kamo, les champignons matsutake en automne, et les paysages enneigés d’hiver. De nouvelles pistes de ski au nord de la ville ont élargi les activités sportives. Les théâtres et cinémas du centre-ville ont été modernisés, et les quartiers d’Uzumasa et Omuro, populaires en tant que lieux de tournage de films, se sont mis à attirer les touristes.

Un défilé sous les cerisiers en fleurs au temple bouddhiste Daigo-ji remémore  le jour où Toyotomi Hideyoshi a planté des centaines de cerisiers, et fait venir  près de 1300 daimyos et leurs entourages à Kyoto. Photo faite en 1997 (Jiji)
Un défilé sous les cerisiers en fleurs au temple bouddhique Daigo-ji remémore le jour où Toyotomi Hideyoshi a planté des centaines de cerisiers, et fait venir près de 1 300 seigneurs féodaux (daimyô) et leurs entourages à Kyoto. Photo de 1997 (Jiji)

Arashiyama est connu pour son feuillage d’automne et aussi ses cerisiers en fleurs. Les collines colorées et le célèbre pont Tôgetsukyô, qui surplombe la rivière Katsu, créent un magnifique paysage (Pixta)
Arashiyama est connu pour son feuillage d’automne et aussi ses cerisiers en fleurs. Les collines colorées et le célèbre pont Tôgetsu-kyô, qui surplombe le fleuve Katsu, créent un magnifique paysage. (Pixta)

Un peu de fraicheur sur les rives de la rivière Kamo. Entre mai et septembre, près de 90  restaurant proposent des repas aux visiteurs (©Pixta)
Un peu de fraicheur sur les berges du fleuve Kamo (Pixta)

La ville a graduellement développé un système de bus touristiques et amélioré les autres transports, tout en établissant davantage d’hôtels et d’auberges traditionnelles (ryokan). De nouvelles liaisons ont été mises en place, telles que la ligne d’Ujigawa qui traverse Uji et Ôtsu, les funiculaires et téléphériques du mont Hiei et mont Atago, et les bateaux de plaisance sur les rivières Hozu et Kizu.

La ligne ferrovière de Hieizan fait le lien entre les contreforts de Ôtsu, dans la préfecture de Shiga et le sommet du Mont Hiei (photo faite en 2009) (Jiji)
La ligne ferrovière de Hieizan fait la jonction entre les contreforts d’Ôtsu, dans la préfecture de Shiga, et le sommet du mont Hiei. Photo de 2009 (Jiji)

L’ancienne capitale impériale prenait toujours les devants pour chercher à rayonner. En plus de valoriser au maximum les atouts culturels de la ville, elle organisait régulièrement divers évènements tels que des conférences d’affaires ou des expositions. Citons également le développement de vitrines des arts à Gion et d’autres quartiers de divertissement, l’ouverture d’hôtels de style occidental et le renforcement de l’industrie cinématographique.

Après la Seconde Guerre mondiale, Kyoto a jeté son dévolu sur l’industrie du tourisme pour relancer son économie.

Une rue dans le quartier de Gion (Pixta)
Une rue du quartier de Gion (Pixta)

Bien que fière de son histoire millénaire, Kyoto ne se contente pas de son statut d’ancienne capitale, et se tourne vers l’avenir. En ce moment ont lieu les préparatifs pour le déplacement de l’agence pour les Affaires culturelles (Bunka-chô) de Tokyo à Kyoto en 2022.

Kyoto et le tourisme durable

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) s’est tenue à Kyoto en 1997, et l’établissement du Protocole de Kyoto a créé un lien entre la ville et l’action environnementale mondiale. Kyoto se trouve aussi au cœur des efforts pour la réalisation d’ici 2030 des Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD).

Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997,  est le premier pacte international visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. (Jiji)
Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, est le premier pacte international visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. (Jiji)

L’expression sanshi suimei décrit les « montagnes pourpres » qui reflètent le soleil et les « eaux limpides » du Kyoto historique. En clair, elle désigne la beauté des paysages. Les collines avoisinantes sont observables même du centre de la ville.

Kyoto est aussi une ville d’eau, avec les nombreux ruisseaux qui la parcourent, comme ceux de l’enceinte du sanctuaire Shimogamo. Les jardins traditionnels japonais, qui ont atteint leur apothéose à Kyoto, utilisent la technique du shakkei, qui « emprunte » les paysages extérieurs au jardin de sorte à le faire resplendir davantage en plein dans une atmosphère urbaine.

Malgré son industrialisation et sa population de plus d’un 1,4 million, Kyoto donne toujours l’impression que le monde de la nature n’est pas si éloigné.

Une plateforme permet de profiter de la fraicheur des eaux courantes de la rivière Kibune tout en se restaurant. Photo faite en 2009. (Jiji)
Une terrase permet de profiter de la fraicheur des eaux courantes de la rivière Kibune tout en se restaurant. Photo de 2009 (Jiji)

Le jardin du Shisen-dô, un temple qui, à l’origine, était une villa appartenant à Ishikawa Jôzan, un vassal du shogun Tokugawa Ieyasu. Photo de 2016 (Jiji)
Le jardin du Shisen-dô, un temple qui, à l’origine, était une villa appartenant à Ishikawa Jôzan, un vassal du shogun Tokugawa Ieyasu. Photo de 2016 (Jiji)

De nos jours, le développement durable s’associe non seulement à l’environnement mais aussi au tourisme culturel. Une conférence à ce sujet a été organisée en décembre 2019 par l’Organisation mondiale du Tourisme et l’Unesco, au centre international de conférence de Kyoto. Les ministres du tourisme faisaient partie des 1 500 participants, venus de 70 pays pour des discussions sur le thème « Investir dans l’avenir : le tourisme, la culture, et les objectifs de développement durable ». À cette occasion, Kadokawa Daisaku, le maire de Kyoto, a présenté le modèle d’une ville qui cherche à établir des liens entre les collectivités locales, la culture, et le tourisme, tout en achevant les objectifs de développement durable et abordant le problème du surtourisme.

La pandémie de Covid- 19 a presque complètement interrompu le tourisme international, mais le moment viendra où les visiteurs du monde entier seront de retour dans les rues de Kyoto. C’est à ce moment que le modèle de Kyoto pour le tourisme durable attirera à nouveau l’attention.

(Photo de titre : un jardin de mousse et de pierres conçu par Shigemori Kei [1896-1975] au temple Tôfuku-ji de Kyoto. Aflo)

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