Le Japon et son image dans le monde

Le Japon toujours hautement apprécié dans le monde

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Les Japonais sont bien souvent considérés comme maladroits et peu efficaces en termes de relations publiques. Qu’en est-il au juste ? Comment le monde voit-il le Japon ? C’est la question que se pose Taniguchi Tomohiko, secrétaire chargé de la communication du cabinet d’Abe Shinzô.

2019 : le Japon au cœur de l’actualité

On reproche souvent au Japon de ne pas être très doué en matière de communication. Pour ma part, je suis persuadé du contraire et c’est ce que je vais m’efforcer de démontrer.

Pendant l’année 2019, certains événements ont attiré les regards des médias du monde entier vers le Japon. Le premier d’entre eux qui a focalisé leur attention a été, bien entendu, la montée sur le trône de l’empereur Naruhito. Depuis la Restauration de Meiji de 1868, l’avènement d’un nouveau souverain avait toujours été précédé par une période de deuil provoquée par la disparition de son prédécesseur. Mais cette fois, l’ancien empereur ayant cédé sa place de son vivant et de son gré, les Japonais avaient plutôt le cœur en joie.

Le 1er avril 2019, le gouvernement japonais a révélé le nom de la nouvelle ère impériale dans laquelle le pays allait entrer, « Reiwa ». Je me suis alors permis de jouer avec ce mot pour expliquer que dans sa transcription littérale en anglais « Raywa », « ray » signifiait une « lueur d’espoir ». Le nouveau nom d’ère a été particulièrement bien accueilli par les jeunes, un fait sans précédent dans l’histoire du Japon.

Cela faisait plus de deux siècles qu’il n’y avait pas eu d’abdication au Japon. La dernière en date avait été celle de l’empereur Kôkaku (1771-1840) qui avait quitté ses fonctions en 1817. Mais les procédures à suivre n’avaient pas disparu pour autant, une preuve si besoin est de la continuité remarquable du système en place. Les célébrations et les rituels traditionnels liés à l’intronisation de l’empereur Naruhito semblaient tout droit sortis des époques de Nara (710-794) et de Heian (794-1185). Ils avaient un caractère si solennel et majestueux que ceux qui y ont assisté ne sont pas près de les oublier. Les images de ces moments d’allégresse dans un pays heureux où l’ancien et le moderne vont de pair ont fait le tour du monde. À l’heure actuelle, un peuple en proie à un tel bonheur constitue à lui seul seul un événement. Et c’est pourquoi il a autant attiré l’attention des médias du monde entier.

Le Bureau du cabinet du Premier ministre effectue tous les ans une enquête sur les habitudes de vie des Japonais. D’après les résultats de celle publié en août 2019, 73,8 % des personnes interrogées se sont déclarées satisfaites de leur mode de vie. Ce pourcentage proche de son niveau historique s’inscrit dans la tendance à la hausse de ces dernières années. Et il confirme l’idée que les Japonais sont un peuple, disons, « heureux ».

Un second événement a lui aussi grandement contribué à attirer tous les regards vers le Japon. Il s’agit de la Coupe du monde de rugby qu’il a accueillie du 20 septembre au 2 novembre 2019. L’équipe nippone, les « Brave Blossoms » (Fleurs courageuses), a joué de façon admirable. Elle est allée jusqu’en quarts de finale où elle s’est inclinée face à l’Afrique du Sud, le vainqueur de la coupe. Une première historique qui a bien entendu électrisé ses supporters de l’Archipel. Et les nombreux visiteurs venus du monde entier pour l’occasion ont pu faire par eux-mêmes l’expérience de l’hospitalité et de la gentillesse des Japonais. (Voir notre article : L’équipe japonaise de rugby a conquis les cœurs du monde entier)

Pour le Japon, la Coupe du monde de rugby a été une véritable aubaine. Pendant plus d’un mois, les médias du monde entier ont rendu compte, jour après jour, de ce qui se passait sur l’Archipel. En termes de marketing, cet événement sportif a constitué une segmentation idéale pour la mise en œuvre d’une stratégie de relations publiques (RP) vers des cibles bien définies. L’Angleterre, la Nouvelle Zélande ou l’Australie constituaient autant de pays amis importants pour le Japon et les campagnes de communication organisées à ce moment-là ont toutes parfaitement rempli leur objectif.

Une stratégie de communication très efficace

Les cibles visées étaient de taille. Les fans de rugby en mesure de se déplacer pour assister à la Coupe du monde pendant plusieurs semaines avaient forcément un standing social élevé dans leur pays d’origine et des moyens financiers qui allaient de pair avec. Et ils ont eu aussi recours à Instagram et à d’autres réseaux sociaux. Le Japon était donc assuré de disposer d’un grand nombre d’ambassadeurs de qualité qui relaieraient ses messages en ligne.

L’avènement de l’empereur Naruhito et la Coupe du monde de rugby ont indéniablement donné au Japon l’occasion d’améliorer la portée de sa stratégie RP en tirant parti des chaines de télévision et de la presse du monde entier ainsi que d’Internet. Une couverture médiatique d’une pareille envergure lui aurait coûté des sommes énormes s’il avait dû la financer lui-même. Pour Tokyo, le rapport coût-efficacité en termes de relations publiques a été extraordinaire.

Ces bons résultats ont continué en 2020, avec la fin des travaux de construction du nouveau Stade olympique de Tokyo où se dérouleront la cérémonie d’ouverture et les épreuves d’athlétisme des Jeux olympiques et paralympiques à partir du 23 juillet 2021.  Les médias de la planète restent focalisés sur Tokyo et l’ensemble du Japon dans la perspective des prochains JO.

Un des pays les plus appréciés du monde

Le Japon a par ailleurs réussi à se faire une place parmi les pays les plus appréciés du monde. La Gallup Organization, une entreprise américaine spécialisée dans les ressources humaines et les statistiques, effectue régulièrement un sondage à ce propos. Les personnes interrogées sont invitées à donner leur opinion sur chaque pays en choisissant l’une des cinq options suivantes : « très favorable », « plutôt favorable », « plutôt défavorable », « très défavorable », « sans opinion ».

D’après l’enquête Gallup réalisée entre le 1er et le 10 février 2019, 30 % des personnes interrogées ont déclaré avoir une image « très favorable » du Japon et 56 % une opinion « plutôt favorable », soit au total, 86 % de réponses positives. Seuls deux autres pays ont obtenu un meilleur résultat à savoir l’Australie, avec 88 % et le Royaume-Uni, avec 87 %.

La Corée du Sud a également été très apprécié, avec 71 % d’avis favorables. La Chine a dû se contenter de 41 % alors qu’elle avait atteint le pourcentage record de 72 % en février-mars 1989, juste avant les événements de la place Tiananmen. Mais ce n’est plus la même chose à l’heure actuelle. Comme je l’ai expliqué plus haut, 2019 a été une année particulièrement faste pour le Japon en termes de progression de ses relations publiques au niveau mondial. Mais il en est allé tout autrement pour la Chine. En effet, les sommes énormes que celle-ci a dépensées dans ce domaine n’ont donné que de très médiocres résultats.

Le cabinet américain Reputation Institute, grand spécialiste de l’analyse de l’image de marque des sociétés, réalise lui aussi une enquête annuelle du même type appelée Country RepTrak. En 2019, le Japon a été classé en 11e position des pays du monde en termes de réputation par le Country RepTrak. Un résultat plutôt remarquable par rapport au reste de l’Asie. Singapour n’est que 17e, la Thaïlande 23e, et Taiwan, 24e.

La Suède est arrivée en tête des dix pays les plus appréciés, suivie dans l’ordre par la Suisse, la Norvège, la Finlande, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Danemark, l’Australie, les Pays Bas et l’Irlande. Comme bien souvent dans ce genre de classement international, les pays scandinaves ont obtenu d’excellents résultats. Et il en va de même pour les six autres États classés dans les dix premiers. Il s’en est fallu de peu pour que le Japon se retrouve parmi eux. Mais il se différencie par rapport à eux dans la mesure où il fait aussi partie des grandes puissances économiques mondiales.

Un large éventail de richesses culturelles

Pourquoi le Japon est-il autant apprécié dans le monde ? C’est un pays indéniablement fascinant dans quantité de domaines. Qui plus est, chacun de ses attraits a une longue histoire, ce qui explique peut-être l’emprise qu’ils exercent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Archipel.

Dans le domaine de la cuisine traditionnelle japonaise et du saké par exemple, la demande ne cesse d’augmenter d’année en année dans le monde et les exportations de produits de l’agriculture et de la pêche de l’Archipel ont fortement progressé.

Cette photo, prise en octobre 2018, montre des touristes étrangers en train de visiter la partie extérieure de Tsukiji, le célèbre marché aux poissons de Tokyo, dans l’arrondissement de Chûô. Le « marché intérieur » de Tsukuji, le plus grand marché de gros du monde pour les poissons et les fruits de mer, a fermé en 2018 et il a été transféré à Toyosu, dans l’arrondissement de Kôtô. Mais la partie extérieure de Tsukiji continue de fonctionner et d’attirer de nombreux visiteurs en provenance de l’Archipel et du monde entier. (© Jiji)
Des touristes étrangers en train de visiter la partie extérieure de Tsukiji, le célèbre marché aux poissons de Tokyo. Il a fermé en octobre 2018 et transféré à Toyosu. (Jiji Press)

Dans le secteur du septième art, le Japon a conquis la planète avec ses merveilleux films d’animation. Il est vrai que leurs créateurs tels Miyazaki Hayao ou Shinkai Makoto ont une façon unique de décrire le monde en quelques traits avec presque autant de talent que les poètes de haiku. Et leurs œuvres à l’attrait irrésistible ont trouvé des fans inconditionnels dans tous les pays.

Les mangas, la première version imprimée de l’animation, sont souvent considérés comme des ouvrages destinés aux enfants. Pourtant, ils sont en général publiés par des éditeurs de grand talent diplômés des universités les plus prestigieuses du Japon et aussi compétents que ceux de la grande maison d’édition américaine Random House ou des huit meilleures universités des États-Unis (Ivy League). Ce secteur de l’édition japonaise, qui est apparu il y a plus d’un siècle, est devenu une industrie à part entière en même temps que se constituait une vaste classe moyenne à même de consommer sa production. Un phénomène qu’on a du mal à imaginer dans d’autres pays.

Un véritable amour de la lecture

Il y a un autre côté des habitants de l’Archipel sur lequel je voudrais aussi insister, à savoir leur amour pour la lecture qui est à l’origine même du développement des mangas. Dès l’époque d’Edo (1603-1868), le Japon avait déjà le plus grand nombre de lecteurs assidus non seulement de l’Asie mais aussi du monde entier. Et cette passion ne s’est pas démentie jusqu’à aujourd’hui.

Le Dit du Genji (Genji monogatari) écrit au XIe siècle par une dame de la cour appelée Murasaki Shikibu est considéré comme le roman le plus ancien du monde. Et il est toujours aussi apprécié grâce aux multiples adaptations et autres mises en scène auxquelles il a donné lieu. À l’époque d’Edo, il figurait déjà au nombre des livres préférés des femmes. C’est ce qui explique, semble-t-il, l’apparition et le succès toujours aussi grand des mangas pour jeunes filles (shôjo manga).

À cela il faut encore ajouter les arts traditionnels de la scène comme le kabuki et le , ainsi que la céramique japonaise dont la créativité exceptionnelle fascine non seulement les collectionneurs mais aussi les potiers du monde entier. Et il y a aussi bien entendu les innombrables chefs-d’œuvre de la littérature japonaise si appréciés par les lecteurs les plus chevronnés.

Cela fait des années que tout le monde se demande si Murakami Haruki va enfin avoir le prix Nobel de littérature. Peu importe ! Même s’il ne l’obtient pas, il restera sans nul doute l’un des écrivains majeurs de son temps. Son nom est d’ailleurs devenu un adjectif, notamment en Chine où l’on qualifie volontiers l’ennui caractéristique des jeunes citadins de « murakamiesque ».

Bref, il n’y a pas beaucoup d’autres pays dans le monde qui ont en engrangé de façon continue un aussi large éventail de richesses culturelles.

Des visiteurs séduits dès leur premier séjour

Le Japon améliore par ailleurs son image jour après jour grâce à toutes les personnes anonymes qui sont en contact avec les visiteurs venus de l’étranger. Conducteurs de trains, chauffeurs de taxi, employés de grands magasins ou réceptionnistes. La dignité dont ils font preuve dans leur travail, si humble soit-il, est toujours impressionnante.

Le gouvernement du Premier ministre Abe Shinzô a pris des mesures pour assouplir les restrictions concernant l’attribution de visas touristiques et même les supprimer complètement dans certains cas. Du coup, le nombre des voyageurs venus d’autres pays a explosé. Il est en effet passé de 8,4 millions en 2012, juste avant le retour au pouvoir de M. Abe, à plus de 31 millions en 2019.

La plupart des touristes qui viennent pour la première fois au Japon rentrent semble-t-il chez eux avec une bonne impression. Cela ne veut-il pas dire que notre pays est plutôt doué en termes de relations publiques ?

Ceci dit, il y a encore des points sur lesquels les Japonais ont des progrès à faire dans le domaine de la communication. J’expliquerai en détails en quoi ils consistent dans la seconde partie de mon article. Pour l’instant, je me contenterai de dire qu’à mon avis, le gouvernement japonais et les entreprises de l’Archipel doivent reconsidérer sérieusement leur stratégie en matière de relations publiques extérieures afin de trouver le moyen de régler les problèmes qui se posent.

(Photo de titre : des supporters japonais en train de soutenir leur équipe pendant le match qui a opposé l’ Écosse et le Japon le 13 octobre 2019 au stade international de Yokohama, dans le cadre de la Coupe du monde de rugby. Jiji Press)

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