Tokyo de jadis et d’aujourd’hui, à travers estampes et photographies

Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [8] : le quartier de Ryôgoku et les trois rivières

Culture Tourisme

Voici la 53e entrée de la célèbre série d’estampe des Cent Vues d’Edo d’Utagawa Hiroshige, qui s’intitule « Asakusagawa Ôkawa-bata Miyatogawa » (« La rivière Asakusa, les berges de l’Ôkawa et la rivière Miyato »). L’estampe originale représente un groupe de pèlerins sur le fleuve Sumida, partant gaiement pour aller prier lors du pèlerinage traditionnel d’été du sanctuaire Ôyama-Afuri.

Un événement estival à la fois touristique et religieux très populaire de l’époque d’Edo

Les trois rivières nommées dans le titre de l’œuvre de Hiroshige, l’Asakusa, l’Ôkawa et la Miyato, n’en sont en fait qu’une seule, à savoir le fleuve Sumida. Les personnages que l’on aperçoit sont supposés être des pèlerins qui s’embarquent à Ryôgoku pour participer au pèlerinage du sanctuaire Ôyama.

Le pèlerinage d'Ôyama (Ôyama-mairi) consistait, en particulier pendant la période du 27e jour de la 6e lune au 17e jour de la 7e lune, à aller présenter ses dévotions au sanctuaire Ôyama-Afuri, situé sur le mont sacré Ôyama (1 252 mètres d’altitude), dans la ville d’Isehara, aujourd’hui dans la préfecture de Kanagawa. La divinité du sanctuaire Ôyama-Afuri étant dans la mythologie considérée comme la fille de celle du grand sanctuaire Asama du mont Fuji, et il était devenu à la mode, à l’époque d’Edo, de profiter du voyage pour visiter les deux. On appelait cela « double pèlerinage » (ryô-mairi).

Le sanctuaire d’Ôyama n’était pas très éloigné d’Edo puisqu’on l’atteignait en deux ou trois jours seulement, et il n’était pas nécessaire de franchir la frontière régionale de Hakone, ni donc de présenter un laisser-passer. C’était tellement pratique que le pèlerinage servait surtout de prétexte à un voyage d’agrément et du tourisme montagnard. Certains endroits du sanctuaire étant interdits aux femmes à l’époque, et les pèlerinages à Ôyama-Afuri étaient surtout organisés pour des groupes d’artisans et de jeunes exclusivement masculins.

Les rites du pèlerinage commençaient avant même le départ, par une purification du corps à grands baquets d’eau (rituel mizugori), à la limite est de Ryôgoku. Comme le montre bien l’estampe de Hiroshige, ces importantes foules d’hommes qui s’y rassemblaient mettaient une certaine animation... L’objet représenté à gauche du dessin est un bonten, un objet rituel fait de petits gohei, les objets de papier plié du culte shintô, fichés sur un support en bois. Les gohei étaient distribués aux passants que l’on croisait en chemin jusqu’au sanctuaire.

La photo a été prise depuis le pont du bateau-bus sur le fleuve Sumida. C’était pendant les vacances d’été, et bien que ce fût un jour de semaine, les familles entières de touristes étaient nombreuses et l’ambiance très festive.

Ryôgoku

Le nom du quartier, qui signifie « deux pays », date des débuts de l’époque d’Edo, quand le deuxième pont sur le fleuve Sumida reliait le pays de Musashi, sur la rive ouest, et celui de Shimousa sur la rive est.

Aujourd’hui, le nom de Ryôgoku s’est maintenu uniquement pour la gare et le district à l’est du pont. À l’origine, c’était l’inverse : Ryôgoku désignait le quartier de la rive ouest (aujourd’hui appelé Higashi-Nihonbashi), alors que la rive est était appelée « Mukô-Ryôgoku » (Ryôgoku trans-Sumida). Après le grand incendie de 1657, les abords à l’ouest du pont ont été établis comme zone de prévention des incendies, avec des rues très larges. Seuls des établissements temporaires pouvaient s’y installer, et le quartier devint celui des enclos de spectacles forains entourés de canisses et de gargotes de restauration, qui en firent l’un des quartiers les plus animés d’Edo.

De nos jours, l’ouest de Ryôgoku est un quartier de bureaux. À l’est se trouvent le temple Ekô-in, l’arène de sumo Kokugikan, le musée Edo-Tokyo, le musée Sumida-Hokusai. C’est le quartier idéal pour découvrir l’atmosphère du vieil Edo.

Cent vues d’Edo

Les Cent vues d’Edo sont à l’origine un recueil d’estampes ukiyo-e (« peintures du monde flottant »), l’un des chefs-d’œuvre d’Utagawa Hiroshige (1797-1858), qui eut une énorme influence sur Van Gogh ou Monet. De 1856 à 1858, l’année de sa mort, l’artiste se consacre à la réalisation de 119 peintures de paysages d’Edo, alors capitale shogunale, au fil des saisons. Avec ses compositions audacieuses, ses vues « aériennes » et ses couleurs vives, l’ensemble est d’une extraordinaire créativité et est acclamé depuis lors comme un chef d’œuvre dans le monde entier.

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