Quand gourmandise rime avec plaisir
Petit guide de Tokyo pour les amateurs de râmen : cinq endroits à ne pas manquer
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L’évolution d’un classique
La plupart des spécialités de râmen les plus prisées dans la capitale se rangent dans la catégorie appelée « style néo-classique », une version moderne des nouilles baignant dans un bouillon à base de sauce soja. Tout en gardant l’aspect rétro du râmen, les chefs d’aujourd’hui cherchent à améliorer chacun des ingrédients (bouillon, nouilles mais aussi et bien sûr garnitures), si bien que les amateurs sont de plus en plus nombreux. La photo de titre ci-dessus montre un bol de Char Siu Men (1 200 yens) à la carte du restaurant « There Is Ramen », juste au nord de la gare d’Ogikubo, un établissement de style néo-classique qui figure dans le Guide Michelin de Tokyo. Dans le célèbre petit ouvrage, le chef se confie et dit « rechercher une saveur naturelle en utilisant des sardines séchées combinées à la saveur de la viande ».
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, le râmen ne doit plus seulement être bon, il doit aussi être photogénique. On dit que « les Japonais mangent avec les yeux » ; cela ne saurait être encore plus vrai désormais. Le râmen de style tanrei est ainsi souvent choisi par les afficionados de la toile. Avec des couleurs claires agréables à l’œil et un limpide bouillon Chintan, ce type de râmen, qui a vu sa cote de popularité monter en flèche dans les années 2010, a toutes ses chances. Et ça, les restaurants l’ont bien compris ; rien n’est laissé au hasard, chaque nouille étant soigneusement alignée dans le bouillon pour créer ce qu’ils appellent un mensen, c’est-à-dire un alignement de nouilles. Et le bouillon Chintan fait pleinement partie de cette stratégie. Associant du porc ou du poulet à la saveur des fruits de mer, la recette de ce bouillon est conçue pour rendre les nouilles encore plus appétissantes.
Le chef et propriétaire du restaurant Ramen Break Beats, près de la gare de Yûtenji, s’est lui-même formé en se rendant dans divers établissements célèbres de la capitale. Fort de ses expériences, il a développé sa propre approche originale du style tanrei. Même après avoir ouvert son propre commerce, il s’est efforcé d’améliorer la saveur de ses plats, ainsi que l’aspect bien sûr. Pari gagné : le mensen caractéristique du magasin a obtenu un impact visuel grâce aux précieux conseils du célèbre restaurant de râmen Shibasakitei, dans la ville de Chôfu. Le bouillon tanrei a rapidement fait des adeptes et de longues queues n’ont pas tarder à se former devant le restaurant. Deux ans après son ouverture en 2022, l’établissement figurait dans le Guide Michelin.
Trente nouveaux restaurants chaque mois
Tokyo : paradis gastronomique mondial et icône de la culture alimentaire japonaise. Le râmen ne fait bien sûr pas exception à la règle et attire dans la métropole des chaînes de restaurants célèbres et des saveurs des quatre coins de l’Archipel. Avec sans cesse de nouveaux établissements chaque jour, la capitale est incontestablement le premier marché du pays.
Si le nombre moyen de restaurants de râmen par préfecture est de 450 au niveau national, à Tokyo, ce sont plus de 2 000 (d’après les listes de l’annuaire téléphonique) qui vous attendent. Avec l’ouverture de plus de 30 restaurants par mois, c’est comme s’il y en avait un nouveau par jour ! Ces commerces ont tendance à se regrouper autour des grandes gares, et le quartier de la gare de Shinjuku, la plus fréquentée au monde, est devenu l’un des endroits les plus célèbres du pays. On y trouve plus de 200 restaurants, même plus que le nombre de supérettes konbini !
Le berceau de nouvelles tendances
Les chefs-cuisiniers des restaurants de râmen testant sans arrêt de nouvelles choses, Tokyo est également devenue le berceau des tendances du moment, et c’est peut-être en cela que la capitale est aussi spéciale pour les amateurs de ces nouilles.
Le tsukemen, qui consiste à tremper des nouilles sèches dans une sauce aromatisée, ou les abura-soba, où il faut mélanger des nouilles avec une sauce toujours aromatisée mais cette fois-ci sans bouillon, sont deux sortes de râmen qui ont vu le jour à Tokyo. Les bouillons utilisés ne sont pas en reste non plus. Citons le style se-abura, qui consiste à tremper des nouilles dans un bouillon d’os de porc tonkotsu parsemé de graisse de porc fondue, ou encore le style « double soupe », qui consiste à mélanger plusieurs types de bouillons dans un bouillon riche en saveurs. Nés à Tokyo, ces deux types de bouillons n’ont pas tardé à s’exporter dans le reste de l’Archipel.
Et les chefs-cuisiniers sont loin d’être à cours d’imagination ! De nombreux restaurants fabriquent leurs propres nouilles, perfectionnant leurs techniques et sélectionnant avec le plus grand soin leurs ingrédients, sans cesse à la recherche de la saveur idéale pour leurs plats et d’une plus grande valeur de marque pour leurs restaurants. Certains cultivent même leur propre blé.
Collaboration et non plus compétition
Tous ces restaurants, leurs techniques et leurs idées ont contribué à l’évolution du râmen. Des établissements ouvrent, apportent leur pierre à l’ouvrage et élèvent le niveau de qualité d’année en année. Même si un restaurant propose un râmen vraiment délicieux, gare à ne pas se reposer sur ses lauriers, car un autre ne tardera pas à apparaître, proposant un produit peut-être meilleur. La concurrence est donc rude pour se tailler la part du lion, ou du moins une mince part du gâteau. Les restaurants doivent sans cesse trouver de nouveaux moyens de se démarquer pour gagner des clients réguliers.
Mais aujourd’hui, un changement s’opère. Les établissements ont tendance à valoriser les liens entre eux en créant des menus collaboratifs ou se rapprochant pour l’organisation d’événements tels que des festivals de râmen. Les restaurants peuvent désormais partager leurs fans et cibler de nouveaux clients. Les plus célèbres commencent à transmettre les recettes qui étaient autrefois des secrets jalousement gardés, contribuant ainsi à élever le niveau de compétence de l’ensemble du secteur, d’où une plus grande diversité de râmen, avec de nouvelles saveurs et une meilleure qualité.
Mais la culture du râmen à Tokyo, ce n’est pas qu’une explosion de nouvelles saveurs. Au contraire, elle ne laisse pas pour autant de côté les restaurants célèbres qui proposent un râmen classique et simple. Par exemple, des établissements comme Manpuku à Ginza ou Harukiya à Ogikubo ont plus de 50 ans d’histoire et ont toujours une place toute spéciale dans le cœur des habitants de la capitale, servant de modèles et exerçant une influence considérable sur les générations qui ont suivi. Si le monde tokyoïte du râmen est aussi fascinant, c’est précisément parce qu’il est encore possible d’en déguster un à l’ancienne, alors même que voient sans cesse le jour de nouveaux restaurants et de nouveaux styles.
Nous allons vous présenter quelques adresses à Tokyo qui valent le détour. Très différents les uns des autres, trois d’entre eux explorent de nouvelles tendances, tandis que les deux autres sont des établissements de longue date accordant davantage d’importance aux saveurs classiques. Comparer ces cinq restaurants est un excellent moyen de découvrir un large éventail de la riche culture du râmen à Tokyo.
Style tanrei : Shinjiko Shijimi Chûkasoba Kohaku (quartier de Nishi-Rokugô)
À peine cinq ans après son ouverture, le restaurant Shinjiko Shijimi Chûkasoba Kohaku, à Nishi-Rokugô (arrondissement d’Ôta), a obtenu un Bib Gourmand dans le Guide Michelin, défendant avec hargne la prestigieuse récompense pendant les quatre années qui ont suivi. Il a également remporté de nombreux prix nationaux.
Le nom de l’établissement en lui-même en dit long : le nom Kohaku s’accompagne d’une description des palourdes shijimi, élevées dans le lac Shinji de la préfecture de Shimane, qui entrent dans la composition de son bouillon. Son Tokusei (plat spécial) à base de bouillon de sel utilise pas moins de 80 palourdes d’eau douce par bol de bouillon. En bouche, le bouillon clair et aux reflets brillants répand la saveur des coquillages dans tout le palais. Pour notre plus grand plaisir, un deuxième restaurant, longtemps attendu, a enfin ouvert ses portes à Ikebukuro en 2023, offrant une chance plus décontractée de déguster les mêmes saveurs.
Style néoclassique : Êchan Shokudô (quartier de Shimo-Meguro)
Le râmen de style néoclassique du restaurant Êchan Shokudô de Shimo-Meguro est une spécialité incontournable qui rappelle le chûkasoba d’antan, jadis tant apprécié à Tokyo.
Son râmen est simple mais attise les papilles des palais les plus aguerris. Il trempe dans un bouillon à base de maquereau et de fruits de mer combinés à un bouillon de varech kombu et de légumes, versé sur de fines nouilles qui croquent sous la dent, le tout garni de pousses de bambou menma et d’échalotes blanches. Ce plat de râmen ne paie certes pas de mine, mais sa saveur est profonde et complexe. Des files d’attente se déploient dès le petit matin pour avoir une chance de déguster un bol de ce délicieux râmen.
Style tanrei : Iruka Tokyo (quartier de Roppongi)
Le restaurant Iruka Tokyo de Roppongi a beaucoup fait parler de lui avec sa « soupe en quatuor » composée de quatre bouillons différents pour ses nouilles.
Le Kiwami Porcini Shôyu Râmen utilise des fonds de viande (poulet et porc) et des fumets de fruits de mer (moule et langouste), mélangés pour créer en bouche une saveur complexe. Tous les bouillons sont cuits à des températures différentes, idéales pour chaque ingrédient, afin de maximiser leur potentiel et d’obtenir le meilleur bouillon possible.
Style se-abura : Hope Ken (quartier de Sendagaya)
Hope Ken, à Sendagaya, est un classique dans la capitale depuis 60 ans, même si à l’époque le restaurant n’était qu’un modeste stand en bord de rue. Cet établissement est connu pour son râmen tonkotsu se-abura, qu’il a fait naître.
Le bouillon de râmen, qui est resté le même depuis la création de l’établissement il y a plus d’un demi-siècle, est à base d’os de porc et de sauce soja agrémentée de se-abura (graisse de dos) fondue. Les nouilles sont faites maison et d’épaisseur moyenne. Leur texture ferme et moelleuse se marie parfaitement avec le bouillon. Ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, ce restaurant est l’ami des Tokyoïtes les plus zélés au travail.
À l’ancienne : Benten (quartier d’Asahi-chô)
Et enfin, comment ne pas mentionner le restaurant Benten, à Asahi-chô ? Les amateurs de style conventionnels seront servis !
Intitulés sobrement « Râmen », ce bol de nouilles relativement épaisses est garni d’une large tranche de porc Char Siu et de pousses de bambou menma faites maison, avec un bouillon riche en saveur, composé d’os de poulet et de porc, de poisson séché et de fruits de mer. Après avoir mijoté lentement pendant des heures, il est versé sur les nouilles. En boisson ? Une bière bien fraîche accompagnée de menma en tant qu’amuse-bouche pendant que vous attendez votre bol bien fumant : expérience de râmen à l’ancienne garantie !
(Photo de titre : Char Siu Men de style néoclassique au restaurant There Is Ramen, à Ogikubo. Toutes les photos : © Yamakawa Daisuke)